Accueil > News > Iran : Gonflé à bloc par la visite de Calmy-Rey



Iran : Gonflé à bloc par la visite de Calmy-Rey
18.03.2008

Micheline Calmy-Rey, la ministre suisse des affaires étrangères en visite à Téhéran, a participé à la signature d’un accord gazier entre l’Iran et la société privée suisse EGL. Aux termes du contrat, l’Iran s’engage à exporter 5,5 milliards de m3 de gaz par an pendant 25 ans vers l’Europe par le gazoduc Trans Adriatique Pipeline (co-construit par EGL et StatoilHydro).



Le montant du contrat a été gardé secret, mais il s’agit encore d’un contrat de type Buy-Back qui permet aux mollahs de vendre le gaz iranien très en-dessous des prix du marché. Le Jerusalem Post a évoqué le chiffre de 18 milliards d’euros alors que Shana, le site d’information de la compagnie pétrolière iranienne, laisse entendre que le montant serait plutôt de 13 milliards de dollars.

Le chiffre de Jerusalem Post est plutôt fantaisiste puisque dans ce cas les suisses auraient acheté les 1000 mètres cube de gaz (1Gm3) au prix incroyable de 200 dollars, c’est-à-dire plus cher que les cours actuels. En revanche, le second montant paraît plus réaliste puisqu’il correspond à 95 dollars pour 1Gm3. Ce tarif qui correspond à 75% du prix du marché est néanmoins bien inédit pour les mollahs qui ont toujours vendu le gaz iranien au dixième voire au vingtième de sa valeur. La capacité de transport du Trans Adriatique Pipeline étant dans un premier temps de 10 milliards de m³ par an, puis rapidement de 20 milliards de m³ par an, il est fort possible que les suisses aient accès pour le même prix fixe de 13 milliards de dollars, à 20 milliards de mètres cube annuel de gaz au lieu des 5,5 milliards de mètres cube annoncés par le contrat. Cette hypothèse est compatible avec le contrat buy-back et elle est d’autant plus plausible que le gaz en question doit prévenir du gisement Pars Sud qui a d’importantes capacités.

Téhéran aurait pu signer ce contrat directement avec les directeurs d’EGL, mais il a tenu à à impliquer Micheline Calmy-Rey, la ministre suisse des affaires étrangères afin d’envoyer un message aux pays européens qui n’investissent plus dans le secteur gazier iranien. L’annonce de la signature a immédiatement fait réagir les européens !

A la veille de l’arrivée de Calmy-Rey à Téhéran, Javier Solana, le haut représentant pour la politique étrangère de l’UE a déclaré que le contentieux nucléaire ne devait pas faire oublier que l’Iran est fondamental pour le succès de Nabucco, le pipeline européen qui est censé remettre en cause l’hégémonie de la Russie dans l’approvisionnement énergétique de l’Europe.

Très précisément, Solana a parlé de l’Iran comme un élément fondamental dans l’itinéraire de Nabucco. En clair ceci sous-entend que le Nabucco peut s’arrêter en Iran au lieu d’aller jusqu’en Asie Centrale, ce qui reviendrait à faire de l’Iran le prochain fournisseur de gaz à l’Europe à la place de la Russie.

Comme nous l’avions dit dans notre première analyse à propos de ce contrat, on peut dire que les mollahs ont bien visé en s’adressant à des compagnies secondaires comme EGL ou encore la compagnie brésilienne Petrobras, courtisée la semaine dernière [1]. L’Europe s’agite pour rappeler aux mollahs qu’elle peut faire mieux que les autres.

Cependant, l’Europe a un très gros problème aux allures de casse-tête chinois, cette promesse de faire de l’Iran le principal fournisseur de gaz à l’Europe est l’une des clauses de l’offre incitative faite par les Etats-Unis et ses alliés à l’Iran en échange d’une suspension de ses activités nucléaires. Par principe l’Europe ne peut renoncer à la condition préalable de suspension de l’enrichissement pour aller discuter business ou gaz avec les mollahs.

Les mollahs ont donc réussi à inverser les rapports de force avec l’Europe en offrant le marché gazier iranien à des compagnies non-européennes [2]. Leur objectif est d’obtenir la fin des sanctions ou mieux encore une reprise des négociations sur le nucléaire sans aucune condition préalable ; ce qui est encore pire puisqu’une telle reprise remet en cause l’autorité du Conseil de Sécurité.

Le régime des mollahs sort donc gonflé à bloc de cette visite de Calmy-Rey à Téhéran. Il laissera mijoter les européens pour obtenir le maximum de concession !

© WWW.IRAN-RESIST.ORG

| Mots Clefs | Institutions : Diplomatie (selon les mollahs) |

| Mots Clefs | Pays : Europe (UE, UE3, union européenne) |

| Mots Clefs | Enjeux : Sanctions (du Conseil de Sécurité) |

| Mots Clefs | Enjeux : Gazoduc, Oléoduc & pipelines |

| Mots Clefs | Pays : Suisse |

| Mots Clefs | Enjeux : Buy-Back (lien très instructif) |

[1En voyage officiel au Brésil, le vice-ministre iranien des Affaires étrangères Ali-Reza Cheikh Attar a encouragé la compagnie pétrolière brésilienne Petrobras à être plus active dans le secteur pétrolier iranien et à ne pas céder aux pressions américaines. Selon le ministre iranien, « la balle est dans le camp de Petrobras »…
AFP - 14 mars 2008 20h06

[2Les mollahs ont réussi à inverser les rapports de force avec l’UE en offrant le marché gazier iranien à des compagnies non-européennes comme la chinoise CNOOC, Gazprom, l’indienne OVL ou encore la malaisienne
SKS