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Iran – législatives : Les chiffres et les dessous des chiffres
16.03.2008

Le régime des mollahs a annoncé une forte participation aux législatives car en l’absence de divergence d’opinion entre les candidats au sujet de la politique nucléaire, la participation est vue comme un plébiscite de sa politique nucléaire. Les mollahs ont avancé un taux de participation de 65% et les médias français évoquent 51% et les américains ont une position différente. Au-delà des sous-entendus politiques de chaque camp, voici un récapitulatif en chiffres de ce show électoral où il y a eu zéro minute de débat.



7597 candidats se seraient inscrits, 2769 ont été recalés et 4500 retenus, cependant le chiffre initial est sans doute faux puisque personne n’est en mesure d’expliquer un surplus de 328 candidats ! En janvier 2008, on prétendait qu’en disqualifiant 2769 candidats, le régime avait éliminé la moitié des « réformateurs ». Or, aujourd’hui les médias du régime affirment que les réformateurs ont présenté uniquement 102 candidats !

Décodages | Le Parlement islamique disposant de 290 sièges, cette fausse annonce signifie que dans tous les cas, même en s’imposant dans les 102 cas, les « réformateurs » n’auraient jamais pu obtenir une majorité. Il y a déjà une manipulation : le régime qui a organisé la victoire des « durs », propose aussi un scénario pour victimiser ses « réformateurs », ce qui contribuera à rehausser leur image sur le plan international.

44 millions d’électeurs de plus de 15 ans ont été appelés aux urnes, mais sur les images de la presse iranienne, on voit même des enfants de 12 ans voter et même voter deux fois. Au fond, le nombre des votants a peu d’importance car en Iran les urnes sont opaques et ainsi ni les journalistes étrangers ni tout autre personne équipée d’une webcam ne peut constater de visu le remplissage des urnes et évoquer un chiffre pour le taux de participation. Un deuxième tour opaque se tiendra, à une date encore non précisée, entre les 13 et 27 avril. En l’absence d’observations visuelles, on doit donc accepter les chiffres avancés par le régime. Ils sont sans fondement populaire, mais ont une signification politique !

Selon les sources officielles, les conservateurs auraient recueilli près de 70% des suffrages exprimés et les réformateurs plus ou moins 15% (44 sièges). Ces derniers sont à égalité voire derrière les « candidats locaux des provinces peu peuplées où les enjeux locaux priment souvent sur les considérations politiques » (selon la formule dictée par l’IRNA à Pouladi, le journaliste de l’AFP à Téhéran).

Le régime a ainsi relégué les soi-disant modérés au second voir au troisième rang dans son Parlement afin d’aligner en première ligne des soi-disant durs adeptes de la fermeté nucléaire face à la pression internationale. Le régime affirme ainsi qu’il entend garder le cap dans le domaine nucléaire pour au moins quatre ans.

La prochaine fournée du Parlement des mollahs sera d’ailleurs totalement axée sur le nucléaire car on évoque comme président du Parlement le nom d’Ali Larijani, ex-responsable des négociations nucléaires qui selon les médias du régime a été élu avec 76% des suffrages dans la ville sainte de Qom.

Ce choix est chargé en symboles contradictoires : d’un côté, Larijani, ex-responsable des médias du Hezbollah, sera donc le représentant de la ville la plus religieuse alors que d’un autre côté, le régime et les européens lui prêtent des ambitions de modération dans la gestion du dossier nucléaire !

Pour résumer, le régime a relégué les soi-disant modérés au troisième rang et placé une première ligne de durs qui sont chapeautés par un « dur modéré » ! Le régime ne fait qu’appliquer sa vieille recette d’opacité de ses intentions.

Au-delà de ce casting tactique et ses visées stratégiques, d’autres chiffres bien que mineurs sont importants pour comprendre l’impact national de ces élections sur la population :
Il y a eu trois morts par balle dans deux bureaux de vote dans des régions sensibles, mais nos amis de l’AFP Iran n’en parlent pas. Dans un petit village, selon la presse du régime, le nombre des votants a excédé le nombre des habitants. Dans une province du nord, un candidat qui se disait expert en géopolitique a organisé parallèlement aux élections une tombola avec 10,000 autruches en primes pour ceux qui voteraient pour lui. Il faut préciser que ce géopoliticien est aussi l’heureux patron d’une ferme d’élevage d’autruches ! Un autre a promis d’offrir des produits laitiers à ceux qui accepteraient de voter pour lui car ces produits sont hors de prix en Iran. Un autre a offert pendant un mois à dîner à 1000 personnes chaque nuit.

Les récits de ce genre ne manquent pas et ont tous pour fond l’extrême pauvreté de 85% des iraniens qui malgré ces pots-de-vin boycottent le régime et ses élections non pour suivre des mots d’ordre de soi-disant opposants, mais comme partout dans le monde où les plus démunis rejettent la classe politique. Le vrai taux de participation excède rarement les 10% en Iran. Face à cette consternante réalité, pour revendiquer une légitimité nationale, le régime évoque des taux de participation plausibles et non excessifs (de 50 à 60%) comme dans les pays démocratiques.

Les occidentaux qui ont compris l’importance du taux de participation affichent des positions différentes à ce sujet. Sans remettre en cause le taux de 65%, les Etats-Unis regrettent la disqualification des « réformateurs » par des personnes « non élues » ou l’absence des observateurs réformateurs dans les bureaux de vote. Cependant, ils ne tiennent aucunement compte du vrai taux de participation ou de la vraie nature théâtrale de cette pseudo-république dont les élus parlementaires sont dépourvus d’un quelconque pouvoir. Ce choix tactique est dicté par leur souhait de trouver un deal avec ce régime : ils ne souhaitent donc pas remettre en cause sa parole et sa légitimité ou dénoncer son système très particulier.

Ces élections ne changent donc fondamentalement rien dans l’équation iranienne, ni pour les iraniens qui resteront aussi pauvres qu’avant, ni pour la crise nucléaire.

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