Après la mort de Moughnieh, certains ont bien vite décrété que son assassinat avait été décidé par Damas qui voulait éliminer un élément très lié aux mollahs. La raison avancée était que les mollahs auraient voulu remplacer l’actuel patron du Hezbollah (Nasrallah) par Moughnieh. Les auteurs de cette théorie ont supposé que Damas préfèrerait Nasrallah et ont derechef décrété que cet assassinat scellait le divorce entre Téhéran et Damas. La plupart de ces articles émanaient de la presse pro-israélienne de droite qui sacrifie malheureusement la réalité à l’autel de ses désirs.

L’argument central de cette théorie était que l’assassinant de Moughnieh avait eu lieu dans le quartier de Kfar Sousseh à 180 mètres du siège des services syriens à Damas.

Mais ces auteurs oubliaient délibérément ou par manque d’informations de préciser que Kfar Sousseh est un quartier résidentiel chic où résident les Pasdaran en poste à Damas et où se trouve l’école de leurs enfants. D’ailleurs, Moughnieh est mort alors qu’il quittait cette école après y avoir fait une conférence (plusieurs sources le confirment [1]). Les détails sont accablants : seuls les mollahs connaissaient l’emploi du temps de la victime et son itinéraire !

Ces éléments changent totalement la lecture des évènements : c’est à se demander si la thèse initiale d’un attentat perpétré par le Mossad n’est pas à écarter. Cependant, le Mossad n’a pas accusé les mollahs de la paternité de cet attentat et a agi de manière à revendiquer l’exploit. De même les américains eux-aussi ont évoqué l’affaire sans s’attarder sur l’identité des auteurs du coup. Il reste donc des zones d’ombres sur l’identité des auteurs, identité qui n’intéresse personne. Alors que Moughnieh est mort à proximité d’un lieu hautement gardé par les Pasdaran !

L’affaire ne concerne pas uniquement les Etats-Unis, Israël et l’Iran, mais aussi la Syrie ! Un attentat en pleine ville n’est jamais bon signe : il montre la faiblesse des services secrets locaux. Pour un dirigeant comme Assad, patron d’un état sécuritaire, ce n’est pas acceptable. Au moment de l’enquête, les syriens ont repoussé une offre iranienne d’enquête conjointe (écoeurés ?).

Cependant, il n’y a pas eu de rupture entre les deux alliés comme le laissait supposer cette presse que nous avons épinglée, Téhéran a même fait des cadeaux à Damas (pour se faire pardonner ?). On ne peut s’empêcher de relier les deux affaires.

Pour clore cet épisode douteux, Téhéran a organisé des réunions commémoratives clandestines dans plusieurs états arabes dont le Koweït et a imprimé un timbre [2] à l’effigie du martyr Moughnieh, béatifié par un coup de baguette magique dans la pure tradition stalinienne où l’on tuait un gêneur et on lui offrait des funérailles nationales dignes d’un héros de la révolution ! C’est une seconde vie pour Moughnieh, une vie où il servira encore les mollahs sans pouvoir les gêner !