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Iran : Moussavian, un très gros poisson arrêté par ses amis
04.05.2007

Un homme du sérail, Hossein Moussavian, a été arrêté sans raison officielle en Iran et la presse occidentale le présente comme un réformateur et un négociateur modéré du dossier nucléaire iranien qui serait victime d’une purge des partisans d’Ahmadinejad. Moussavian est loin de correspondre à ce portrait flatteur qu’on dresse de lui en Europe, car il a surtout été l’ambassadeur des mollahs en Allemagne et à ce titre le coordinateur d’un commando d’élimination de 4 opposants kurdes iraniens en exil sur le territoire allemand.



Il est important de se remémorer cette affaire et surtout ses conséquences politiques en Iran pour comprendre qui est Moussavian pourquoi on l’a arrêté. La tuerie qu’il a coordonnée est connue sous le nom de l’affaire du Mykonos.

L’affaire du Mykonos

Le 17 septembre 1992, Sadegh Sharaf-kandi, secrétaire général du Parti Démocratique du Kurdistan d’Iran, et trois de ses collaborateurs ont été mitraillés dans un restaurant grec de Berlin, le Mykonos [1].

Le 10 avril 1997, trois ans après l’ouverture du procès des présumés coupables de l’attentat (un Iranien et quatre Libanais) la cour de Justice de Berlin a rendu son verdict : l’Iranien Kazem Darabi, accusé d’avoir organisé les meurtres sur ordre des services secrets iraniens, et un Libanais du nom d’Abbas Rhayel, accusé d’avoir tiré les coups mortels, ont été condamnés à la perpétuité [2].

Le rôle de Moussavian

La cour a également reconnu les responsabilités de Fallahian (ministre des renseignements), de Khamenei et de Rafsandjani (président de la république islamique en 1992) en tant que commanditaires de l’assassinat. Le maillon de connexion entre Rafsandjani et Darabi (le tueur des Kurdes) [3] était Moussavian, l’ambassadeur du régime des mollahs en Allemagne. En Iran, le ministère des affaires étrangères du régime et ses ambassades servent de couverture pour le ministère des renseignements et ses agents issus des Pasdaran.

Le parcours de Moussavian

Sous la protection de Rafsandjani, Moussavian a gravi les échelons du succès. Il a commencé comme directeur du Djihad de construction à Kashan. Il a ensuite été nommé à la direction du quotidien anglophone Tehran Times, et il a ensuite pris la direction du centre de presse de la rénovation de la pensée islamique. Après ces postes dans la presse, il a été nommé sous-directeur du centre d’organisation de la propagande islamique avant de prendre la direction commerciale du Parlement Islamique.

Après ce poste, il a été nommé sous Rafsandjani au ministère des affaires étrangères responsable de l’Europe occidentale, et il était présent sur le terrain en tant qu’ambassadeur en Allemagne. Durant ces années, il a coordonné l’ensemble des meurtres d’opposants en exil aussi bien en Allemagne, en Autriche, en Suisse qu’en France.

Après ces bons et loyaux services, il a été nommé directeur de crise sur le dossier Irakien, en d’autres termes chargé d’organiser la mise en place des agents sous couverture (comme Darabi, le tueur des kurdes). Ce sont ces agents qui aujourd’hui dirigent les actions terroristes en Irak. Dès 2003, il a été muté sur le dossier nucléaire pour devenir le porte-parole de l’équipe des négociateurs. Moussavian est un véritable homme de confiance pour Rafsandjani et un fidèle exécutant de tous les ordres.

L’affaire Mykonos et ses conséquences politiques en Iran

Les accusations de l’affaire du Mykonos ont durement touché le régime et entaché l’image du régime et l’image de Rafsandjani, le véritable maître du régime depuis la disparition de son demi-frère Khomeiny.

Peu avant la mort de Khomeiny, Rafsandjani qui n’était pas ayatollah et de ce fait ne pouvait pas être Guide Suprême, avait monté un plan pour éliminer les possibles candidats à ce poste et y avait placé son ami Khamenei. Parallèlement peu avant la mort de son frère, il obtint la création d’une institution plénipotentiaire pour lui-même : le Conseil du Discernement qui décide de toutes les politiques menées par le gouvernement en Iran.

Parallèlement, Rafsandjani se fit élire président avec comme objectif d’arriver à rétablir les relations avec les Américains ! Il était presque parvenu à réaliser cet objectif quand éclata l’affaire du Mykonos. Cette affaire entacha la réputation du régime et la sienne. Il dût s’effacer et il initia à ce moment un programme de réhabilitation de l’image du régime : le mouvement des réformes.

Rafsandjani choisit parmi ses collaborateurs les moins connus pour pouvoir incarner ces réformes et c’est ainsi que Khatami, son ex-ministre de la culture islamique se retrouva au poste du président élu par les Iraniens. Son fidèle allié, Moussavian, fut également recyclé en réformateur pour rester à son poste de responsable des réseaux dormants du régime en Europe Occidentale.

Les fidèles de Rafsandjani composaient le gros des réformateurs menés officiellement par Khatami. Moussavian a été un pion au même titre que Khatami ou Rohani, la direction était assurée par Rafsandjani. La crise nucléaire fut lancée sous l’impulsion de Rafsandjani.

Moussavian, le négociateur modéré !

Ainsi, c’est Rafsandjani qui décida d’en faire une crise de substitution propre à attirer les américains à la table des négociations avec comme principal enjeu non déclaré le projet de normalisation des relations entre l’Iran et les Etats-Unis. Les Américains ne sont pas hostiles à l’idée d’un allié chiite dans la région, mais ils préfèrent que cette république chiite soit dirigée par un des leurs (un Chalabi iranien) et qu’elle ne soit pas trop puissante sur le plan régional (désarmement du Hezbollah). Rafsandjani préfère qu’elle soit puissante (maintien en état du Hezbollah), très nuisible [4] et dirigée par lui ou un des siens.

Les deux parties utilisent des crises de substitution pour se faire la guerre (le nucléaire et maintenant l’Irak). Rafsandjani et le régime des mollahs ont intérêt à ce que ces crises perdurent. C’est Rafsandjani qui décide comment faire durer la crise : avec les réformateurs comme Moussavian ou Rohani, il a mené en bateau la Troïka allant jusqu’à signer un accord avec elle.

Mais Rafsandjani savait qu’il devait rompre les relations avec la Troïka pour faire durer la crise. Pour ce faire il a sorti de son chapeau de magicien Ahmadinejad qui a rompu les relations et même aggravé la crise.

Aujourd’hui Rafsandjani a intérêt à faire revenir les modérés, pour équilibrer le débat et surtout désactiver les sanctions économiques qui risquent de balayer le régime. Mais il préfère garder une carte comme Ahmadinejad qui lui permet à tout moment d’interrompre les efforts déployés par les soi-disant modérés.

Les ultra-conservateurs et les modérés du régime sont les deux faces d’un même doublon, il n’y a de ce fait aucune animosité entre les deux ni de purge plausible car le régime a besoin en permanence des deux pour berner ces interlocuteurs Européens.

Les motifs de l’arrestation de Moussavian

De ce fait l’arrestation de Moussavian est indépendante de sa présence dans l’équipe des soi-disant négociateurs modérés. Certaines rumeurs prétendent que cette arrestation serait liée à des pots-de-vin de Total, d’autres évoquent de l’espionnage en faveur des Américains.

En réalité, Moussavian était récemment entendu à Berlin par la justice allemande dans une affaire d’achat et de trafic d’armements. Il est presque grillé et sans utilité pour le régime.

Nous pensons que Rafsandjani a orchestré cette arrestation pour revenir sur le devant de la scène politique afin de prendre la défense de son ami. Ceci lui permet de critiquer Ahmadinejad et de réalimenter la thèse de l’existence d’un débat interne au sein du régime, mais l’affaire lui permet de mettre à la retraite et à l’ombre un pion désormais inutile et encombrant.

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Moussavian explique ses doutes à propos de la culpabilité de Darabi – vidéo en persan

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[1Affaire du Mykonos – les victimes… | Sadegh Sharaf-kandi, secrétaire général du Parti Démocratique du Kurdistan d’Iran, et trois de ses collaborateurs, Fattah Abdoli, Homayoun Ardalan et Nouri Dehkordi.

[2Affaire du Mykonos – le verdict, suite… | Deux de leurs complices, les Libanais Youssef Amin et Mohammad Atris, ont été condamnés respectivement à onze ans et à cinq ans et trois mois de prison. Le cinquième accusé, un Libanais du nom d’Atallah Ayad, a été acquitté.

[3Epicerie | Darabi était un ex-Pasdaran installé à Berlin comme épicier, c’est l’une des couvertures préférées du régime des mollahs pour placer ses agents en Europe. Paris n’est pas exempt de cette règle et a son épicier pasdaran. En tant qu’épicier, l’agent tisse sa toile et noue des relations avec les exilés et il est à tout moment opérationnel.

[4Les mollahs aimeraient conserver le Hezbollah (et le Hamas) en état afin de contrôler le chaos : L’instabilité de la région permet aux mollahs de se poser en arbitre de la confusion. Cette confusion ne peut exister que si les mollahs ont des agitateurs sur place. Tel est le fondement de leur stratégie, ils restent en retrait et laissent faire des intermédiaires : le Hamas, le Hezbollah et même la Syrie. C’est pourquoi le Hezbollah est une nécessité vitale pour les mollahs. Le Hezbollah garantit la politique de nuisance régionale des mollahs et au retour les mollahs doivent trouver un cadre international qui garantisse le Hezbollah.