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RTL | Les révélations de Charles Pasqua
25.02.2007

Le sénateur UMP des Hauts-de-Seine était l’invité de Jean-Michel Aphatie jeudi matin. Il a déploré "les absences de mémoire" de Jacques Chirac dans le livre d’entretiens du chef de l’Etat avec Pierre Péan, reprochant au président sortant de vouloir "se donner une image". L’ancien ministre affirme que M.Chirac a demandé le soutien de Jean-Marie Le Pen entre les deux tours de la Présidentielle de 1988.



- Jean-Michel Aphatie : Bonjour Charles Pasqua.

Charles Pasqua : Bonjour.

- Dans un livre écrit par le journaliste Pierre Péan, Jacques Chirac se livre, raconte de nombreux épisodes de sa vie, ce qu’il avait peu fait jusqu’à présent. Vous avez sans doute lu ce livre, Charles Pasqua ?

Je l’ai lu, oui.

- Une impression générale ?

L’impression générale ... Si on ne connaissait pas Pierre Péan et s’il n’avait pas une réputation bien établie d’indépendance et de liberté, on serait tenté de penser que c’est un livre de commande.

- Votre amitié avec Jacques Chirac est ancienne. Et pourtant, Jacques Chirac n’est pas toujours tendre avec vous, dans ce livre.

Je ne le suis pas non plus à son égard. Je ne l’ai pas toujours été et je ne le serai pas davantage.

- Par exemple, page 338, Jacques Chirac dit : "Charles Pasqua m’a cassé les oreilles pendant des années pour que je rencontre Jean-Marie Le Pen et pour que je m’entende avec lui". C’est vrai ?

Je ne lui ai pas cassé les oreilles pendant des années. C’est surtout à l’occasion des élections présidentielles de 1988 qu’entre les deux tours, je lui ai dit qu’il était souhaitable qu’il rencontre Le Pen. Ce qu’il a fait. Il n’est pas venu par hasard. Je lui ai demandé s’il souhaitait rencontrer Le Pen. Il m’a dit oui. J’ai donc arrangé cette rencontre, pas du tout comme il le dit. C’est pas à la fin d’un dîner par hasard. Non, il est venu en sachant ce qu’il allait faire et il a rencontré Le Pen. Ce qu’ils se sont dits, je n’en sais rien.

- Ca s’est bien passé ?

Je les ai présentés. Ils se sont serrés la main. Je les ai laissé parler et ensuite, j’ai raccompagné Le Pen jusqu’à la sortie. Je n’ai rien demandé à Chirac. Je n’ai pas demandé ce qu’ils s’étaient dits. Chirac était venu pour demander à Le Pen son soutien pour le deuxième tour. Le Pen a donné un soutien très relatif.

- Donc, Jacques Chirac était prêt à une forme d’entente avec Le Pen ?

Mais, en tous les cas, il avait demandé ses voix à Le Pen. C’est clair.

- Page 341, Jacques Chirac dit : "Charles Pasqua m’a reproché de ne pas avoir bougé à certains moments quand il était inquiété par la Justice."

Non, je crois que ça ne s’est pas du tout présenté comme ça. Je n’ai rien demandé à Jacques Chirac me concernant. D’ailleurs, ce n’était pas dans ma conception des choses. Je lui ai simplement signalé des anomalies concernant le fonctionnement de la Justice qui lui appartenait en sa qualité de président du Conseil Supérieur de la Magistrature ; de connaître ce qu’il a fait, je n’en sais rien. Mais si j’en juge par ce qu’on a pu constater dans d’autres affaires, comme celles d’Outreau, etc. Les anomalies dans le fonctionnement de la Justice, c’est malheureusement assez courant.

- Là, ce qui apparaît dans le livre, c’est que vous demandiez une forme de protection...

Non, mais pensez-vous !

- Et ça n’est pas du tout...

Une forme de protection, allons ! Il n’a même pas été capable d’en avoir pour lui. Alors, je ne vois pas pourquoi je l’aurai demandée pour moi. Je ne suis pas un enfant de choeur. On peut me suspecter de beaucoup de choses, sauf de ça.

- Il y a une autre phrase qui m’a marqué qui résume vos relations, d’après Jacques Chirac : "Je lui ai toujours précisé que mon affection n’allait pas au-delà de nos rapports personnels et qu’il était entouré de gens hautement contestables".

Ah, mais je serai curieux qu’il me dise quels étaient ces gens hautement contestables.

- C’est dur de dire ça ?

A moins que ce soit certains de ses propres amis qui, au moment de l’affaire des otages du Liban, n’hésitaient pas à me rendre visite pour me demander de l’argent.

- Et vous lui avez donné cet argent ?

Non. Mais où l’aurais-je pris ?

- Ah, je ne sais pas. S’ils en sont venus à vous en demander c’est qu’il pensait que vous en aviez.

Monsieur Chirac explique d’ailleurs. C’est le seul point qui corresponde à la réalité dans ce qu’il dit : à savoir que "je lui avais demandé, effectivement, sur les fonds secrets de couvrir un certain nombre de dépenses". Et manifestement, il avait de l’utilisation des fonds secrets une autre idée, c’était son problème, c’était pas le mien. Donc, il a bien fallu que nous trouvions, par ailleurs, les moyens dont nous avions besoin.

- Ca n’est pratiquement qu’avec vous, dans ce livre, que Jacques Chirac est sévère. Vous savez pourquoi ?

Non, je n’en sais rien. Il faut le lui demander. Mais ce qui m’étonne beaucoup, ce sont ses absences de mémoire. Et moi je me demande, finalement, si c’est bien Jacques Chirac que j’ai rencontré ou si c’était son double quand j’étais à Matignon dans son bureau avec Marchiani où nous avons téléphoné, par exemple, au Premier ministre iranien, où lorsque Marchiani avec l’accord de Jacques Chirac s’est rendu à Genève en compagnie de M.Trichet après que M.Balladur a donné son accord pour les accords concernant le remboursement de l’argent dû à Eurodif, c’est bien M.Chirac qui a donné son accord, et personne d’autre. Donc, il ne fera croire à personne qu’il n’était pas au courant.

Ce que je regrette beaucoup c’est que les présidents... Il ne faudrait pas que les présidents de la République finalement considèrent comme une attitude normale le fait d ’abandonner les gens qui ont servi la France. Je trouve ça regrettable et inadmissible. Voilà. Marchiani a fait beaucoup, il a risqué sa vie. C’est lui qui a récupéré les otages, les cinq derniers otages...

- ... Dans ce livre...

Mais il peut contester ce qu’il veut. Tout ça est ridicule. Il le sait très bien. D’ailleurs, il n’y a qu’à se reporter aux journaux de l’époque. Lorsque j’ai téléphoné à Jacques Chirac qui était en meeting dans les Vosges avec Seguin pour lui annoncer la libération des trois derniers otages, il était ravi. Et c’est lui qui m’a demandé, qui m’a dit qu’il souhaitait que Marchiani accompagne les otages lors de leur retour pour le remercier. Idem pour l’opération de Bosnie. Quand nous avons obtenu la libération des pilotes de Bosnie, après que Marchiani et moi ayons obtenu le soutien des Russes et de Primakov, le Premier ministre russe, qui nous a envoyés un avion avec une équipe spéciale de Spetz Latz pour nous aider dans cette affaire. Lorsque j’ai confirmé à Jacques Chirac la libération de nos deux pilotes alors que la DGSE les avait portés pour morts, Jacques Chirac m’a dit : "Il revient comment Marchiani ?" J’ai dit : "Il revient de son côté". Il m’a dit : "Non, non, qu’il revienne dans le même avion. Je veux le remercier". Ce qu’il a fait d’ailleurs.

- Ca vous a blessé la lecture de ce livre, Charles Pasqua ?

Non, ça ne m’a pas blessé. Ca m’a attristé. Voilà, je ne vois pas ce que ça apporte à Jacques Chirac. Franchement, je ne vois pas ce que ça apporte à Jacques Chirac, sauf de donner le sentiment de quelqu’un qui n’assume pas ses responsabilités et qui essaie de se donner une image. Laquelle ? Celle de quelqu’un qui n’assume pas son devoir. Alors, là, je suis triste.

- Il y a une brisure quand même aujourd’hui !

Ah non, il n’y a pas de brisure. Il y a longtemps que je sais à quoi m’en tenir. Il y a longtemps. Ca ne m’a pas empêché de soutenir Chirac quand c’était nécessaire. Mais il y a longtemps que... Finalement, je crois que j’ai compris avant beaucoup de gens qu’il y avait une erreur de casting lors des dernières présidentielles. Finalement, Mitterrand aura été le dernier président de droite. Et Chirac, il le dit dans son livre d’ailleurs, aura été le dernier président de gauche. Voilà la réalité. Si nous l’avions su plus tôt, peut-être nous serions-nous comportés différemment.

- Et voilà la conclusion de notre entretien. Bonne journée.

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<HTML>Pour en savoir + :
- Le contentieux Eurodif
- (01.08.2005)

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