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Analyse : Pour la Chine, l’Iran est une clef d’accès au Moyen-Orient
19.02.2007

La décision de la Chine d’envoyer 1000 soldats au Sud Liban pour intégrer les forces de l’ONU est le dernier exemple de l’implication grandissante de Pékin au Moyen-Orient. Pour la géostratégie chinoise, l’importance du Moyen-Orient dans le monde est aussi croissante. La Chine cherche de nouveaux alliés régionaux parce qu’elle tient à poursuivre ses objectifs stratégiques : obtenir un accès privilégié aux plus importantes réserves de pétrole, trouver de nouveaux marchés pour ses produits et sa technologie et rivaliser avec les USA pour la suprématie stratégique.



L’Iran semble être le meilleur allié dans une telle perspective, ce qui explique que les relations stratégiques entre les deux pays se soient fortement accrues au cours des dernières années.

Asia Times | Dario Cristiani

Pourquoi la Chine fait-elle de l’oeil à l’Iran ?

Le Moyen-Orient est une région avec une importance géostratégique significative pour l’équilibre global. La Chine jouera un rôle croissant sur la scène internationale, et donc elle doit renforcer sa présence dans les régions qui sont fondamentales pour l’équilibre politique mondial. Sur cet échiquier, la Chine pourrait avoir un rôle important en termes d’influence économique, stratégique et idéologique. Pékin, donc, essaye de renforcer ses liens avec ces puissances régionales qui représentent une occasion pour elle d’entrer dans l’équilibre politique régional. L’Iran est la cible principale de cette stratégie, c’est un fournisseur important en pétrole et gaz et il pourrait représenter une source primordiale d’énergie pour le développement et la modernisation de la Chine, qui est de plus en plus dépendante des importations de pétrole.

Mieux, la Chine cherche à renforcer ses liens avec l’Iran et ancrer sa présence en Asie centrale dans le but d’avoir accès aux ressources énergétiques de la région de la Caspienne. En tablant sur l’énergie provenant de la Caspienne, la Chine diminuerait sa dépendance à l’égard des importations de pétrole par la mer depuis les pays arabes du Golfe Persique ; sécurisant ainsi mieux encore le flux ininterrompu de pétrole dont elle a besoin.

La Chine est aussi en train de profiter des opportunités qui s’offrent dans les pays où la présence des grandes puissances est faible. Les exemples criards de cette action se voient au Soudan, en Angola et en Syrie. Dans cette stratégie, Téhéran est un allié idéal pour Pékin, en raison de ses ressources naturelles et de son influence géopolitique. Les gisements iraniens de pétrole et gaz sont grandement inexploités parce que le pays a été mis au boycotté par l’Occident, laissant de nombreux champs pétrolifères inexplorés depuis que Téhéran n’a plus la technologie pour augmenter sa capacité de raffinement. La Chine se propose elle-même comme le pays qui peut aider l’Iran à moderniser son industrie pétrolière, mais aussi son économie grâce à sa technologie industrielle, ses capitaux, ses services, voire encore sa technologie nucléaire.

Les relations économiques sino-iraniennes se prolongent au-delà du gaz et du pétrole. Pékin n’est pas seulement intéressé par l’exploitation des réserves iraniennes de pétrole. Par exemple, la Chine veut développer la présence de ses sociétés sur le marché iranien, qui peut être un bon débouché pour ses exportations. Le développement d’une économie forte est fondamental pour la Chine. Mais les activités économiques ne sont qu’une partie de la stratégie chinoise sur l’Iran.

L’Iran comme instrument géopolitique de Pékin

Pékin voit en Téhéran un instrument géopolitique pour combattre l’influence des USA au Moyen-Orient, même si cette rivalité n’apparaît pas comme une concurrence ouverte. Les appels de Pékin pour éviter les sanctions des Nations Unies contre le programme nucléaire de Téhéran, et la vente d’armes chinoises et de technologie militaire à l’Iran sont deux exemples clairs du rapport plus profond qui existe entre les deux pays. D’ailleurs, l’Iran a rejoint l’organisation de coopération de Shanghai en tant qu’observateur ; l’organisation est essentiellement un instrument Sino-Russe pour contrer la présence des USA en Asie centrale. De surcroît, l’Asie centrale représente une menace importante pour l’Iran dans ses calculs de sécurité, ainsi Téhéran préfère que la Chine et la Russie exercent un rôle plus important dans la région que celui des USA.

L’Iran émerge comme une nouvelle puissance et joue un rôle dans l’équilibre diplomatique au Moyen-Orient. La crise récente au Liban a démontré que les capacités iraniennes pour influencer la dynamique régionale sont plus fortes qu’avant. D’ailleurs, à une époque où le marché de l’énergie souligne la dépendance croissante des puissances industrielles à l’égard le pétrole, Téhéran dispose d’un instrument important de pression par son statut de producteur de pétrole important et son contrôle sur le détroit de Hormuz.

En dépit des dures luttes internes pour le pouvoir, de l’hétérogénéité sociale et politique du pays, qui montrent la fragmentation du leadership iranien et du pays comme un tout, le « nationalisme nucléaire » est un élément de ralliement de la nation qui minimise les clivages sociaux et politiques en renforçant l’image d’une unité pour l’extérieur.

Conclusion

La Chine a besoin de nouveaux alliés et d’accès privilégiés aux réserves de pétrole au Moyen-Orient. L’Iran semble être la meilleure cible pour une telle approche motivée par les besoins énergétiques de la Chine et ses ambitions économiques. En outre, la position de Téhéran au Moyen-Orient est plus forte qu’avant, elle peut aider Pékin dans le combat contre l’influence sans rivale des USA. De son côté, l’Iran a besoin d’un allié puissant pour développer son économie, particulièrement le secteur pétrolier. D’ailleurs Téhéran veut affirmer son statut militaire et diplomatique au Moyen-Orient, son programme nucléaire est l’exemple même de cela. L’Iran a besoin de technologie civile et militaire et Pékin peut l’aider dans ces deux domaines.

En conclusion, les deux pays luttent contre la suprématie des États-Unis dans le monde, même si publiquement Téhéran est plus agressif que Pékin. Le développement des liens entre l’Iran et la Chine ne signifie pas que leurs intérêts à long terme soient identiques, mais il signifie que à moyen terme les deux états ont des objectifs communs dans les domaines économiques et géopolitiques.

Il s’agit d’un article intéressant par défaut à plusieurs points de vue. En premier lieu, comme de nombreux auteurs européens, Dario Cristiani néglige l’influence de la Russie en Iran et l’alliance tacite des deux pour empêcher le développement pétrolier de l’Asie Centrale vers l’Ouest ou vers la Chine. Il fait comme si l’Iran n’avait aucun allié important. Le rôle protecteur de la Russie est un élément central, mais un élément qui échappe aux observateurs européens. C’est fort dommage, car il s’agissait d’un article prometteur (mais il ne traite pas des rivalités entre la Chine et la Russien l’un de ses fournisseurs énergétiques).

En outre, l’auteur néglige l’actuel déclin du rôle régional des mollahs au Moyen-Orient. En troisième lieu, afin de justifier ses propos, l’auteur prétend que les exploitants étrangers sont absents depuis des années du marché pétrolier iranien : ceci est évidement faux.

En quatrième lieu, l’auteur parle du « nationalisme nucléaire » qui est un concept médiatique inventé par le régime des mollahs et néglige le vrai nationalisme anti-mollahs qui caractérise la presque totalité des iraniens. En fait, l’auteur assimile les manifestants professionnels payés par le régime avec le peuple et ignore que la majorité des iraniens attend un débarquement américain en Iran.

Cependant, il est vrai que les Chinois ont sans doute des vues sur l’Asie Centrale et pourraient accéder à ces pays via l’Iran, mais dans ce cas, le régime des mollahs sera un obstacle car en se liant à lui, ils risquent de se brouiller avec la Russie (qui considère l’Iran comme un allié exclusif) et avec les pays arabes du Golfe Persique.

Le Golfe Persique est un lieu géostratégique unique au monde qui ne peut être comparé au Soudan, à l’Angola et à la Syrie. C’est d’ailleurs le défaut de nombreux articles consacrés à la géopolitique : ils établissent des comparaisons entre des sites très différents. En géopolitique, il n’est pas possible de rationaliser, il n’existe que des cas uniques. L’autre négligence est la vision simpliste de l’auteur sur l’Organisation de Coopération de Shanghai où il existe une rude concurrence entre les Chinois et les Russes !

Et pour finir, l’auteur néglige le fait que la supposée puissance régionale des mollahs est fondée sur leur usage du terrorisme et la volonté de garder le Moyen-Orient instable. Il s’agit d’une influence qui ne peut exister qu’en possédant un pouvoir de nuisance. L’Iran des mollahs n’est pas un état puissant qui tiendrait dans sa main la clef de l’accès aux ressources de la région, mais il détient les moyens de garder les portes fermées et pour cet objectif, il a déjà un allié.

WWW.IRAN-RESIST.ORG

<HTML>Pour en savoir + sur le vrai Allié Utile des mollahs :
-  La Russie ne veut pas renoncer à l’Iran
- (12 FÉVRIER 2007)

<HTML>Le vrai enjeu iranien pour les Chinois :
- La Chine n’utilisera pas son veto : décodage
- (9 MAI 2006)

| Mots Clefs | Pays : CHINE |

| Mots Clefs | Auteurs & Textes : Textes essentiels |