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Edito du Monde | Cavalier seul en Iran
19.01.2007

En se lançant dans une ouverture diplomatique vis-à-vis de l’Iran, Jacques Chirac poursuit deux objectifs. D’abord s’assurer que le régime des mollahs ne cherchera pas à s’en prendre, par l’intermédiaire du Hezbollah, son allié au Liban, aux soldats français de la Force internationale, à la frontière avec Israël. Ensuite, essayer de gagner le soutien des Iraniens à une stabilisation démocratique au Liban, où l’opposition est dans la rue pour renverser le gouvernement de Fouad Siniora.



Ces objectifs sont compréhensibles, voire louables. Mais la manière dont ils sont poursuivis est étrange. La France agit en solitaire, alors que, jusqu’à maintenant, elle avait étroitement coordonné sa politique libanaise avec les Etats-Unis et qu’elle était à l’origine de la troïka européenne, avec l’Allemagne et la Grande-Bretagne, qui a négocié pendant plus de trois ans sur le dossier nucléaire iranien. C’est précisément au moment où le Conseil de sécurité des Nations unies a imposé à l’Iran des sanctions, pourtant édulcorées sur l’insistance de Moscou, que Paris a décidé de faire cavalier seul.

La crainte d’un engrenage des sanctions conduisant, comme en Irak en 2003, à une intervention armée des Etats-Unis peut expliquer que M. Chirac veuille faire une dernière tentative pour régler par la négociation la question iranienne. Après avoir été un champion de la fermeté contre les risques de prolifération nucléaire, le président français a changé de langage depuis la guerre au Liban. Il a été le premier à proposer des formules qui auraient permis au président Ahmadinejad de se conformer, sans perdre la face, aux exigences de la communauté internationale. Sans succès.

Que peut-il offrir à Téhéran en échange d’une éventuelle coopération au Liban ? La reconnaissance de l’Iran comme puissance régionale ? Les Iraniens la recherchent, mais l’attendent des Américains. Le président de la République française n’est pas en mesure de s’engager en leur nom. L’autorisation implicite de poursuivre leur programme nucléaire, et en particulier l’enrichissement de l’uranium, contrairement aux demandes réitérées de la communauté internationale ? A en juger par les déclarations des dirigeants iraniens, c’est en effet le prix qu’ils réclameront.

On peut juger qu’il n’est pas trop élevé. On peut même penser que l’Iran a le droit de développer une industrie nucléaire, que les puissances possédant l’arme nucléaire sont mal placées pour faire la leçon, voire que l’arme nucléaire est un facteur de stabilité en assurant la dissuasion mutuelle. Mais on ne peut pas tenir des discours contradictoires selon les circonstances. La France a été à l’avant-garde pour menacer l’Iran de sanctions s’il continuait à bafouer les règles internationales. En changeant de politique, elle prend le risque d’hypothéquer sa crédibilité.

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