Accueil > News > Iran : L’Ispahan risque de disparaître



Iran : L’Ispahan risque de disparaître
16.01.2007

La correspondante de la BBC en Iran n’écrira sans doute jamais dans Géo magazine. Contrairement aux journalistes français (d’origine iranienne), force est de constater qu’elle n’a pas vu que de belles images, ni que des personnes satisfaites, en Iran sous le régime des mollahs.



Au cours de son voyage à Ispahan, cette ville joyau lui a semblé bien désolée et dans une très mauvaise passe. L’ancienne Capitale de la Perse connue pour ses magnifiques mosquées, ses palais et ses jardins, son art de vivre, ses artistes et poètes et ses fleurs, est en train de disparaître petit à petit. Les quelques touristes présents qui ont eu le bonheur d’avoir un visa ne voient plus toutes ces belles choses. Même la Place Royale Naghshé Djahân (ميدان نقش جهان meydân-é naghsh-é jahân) (visite panoramique) [1], classé par l’Unesco comme Patrimoine Mondial de l’humanité, n’est plus ce qu’elle était.

Un journaliste iranien de Cultural Heritage News Agency a même dit à Frances Harrison qu’on ne pouvait plus dire qu’Ispahan est en danger parce que ce stade est déjà dépassé. Selon Zouhouri, il n’y a presque plus rien à détruire.

Ispahan qui est la seconde ville d’Iran est la proie des requins de l’immobilier : les immeubles poussent en tous sens, au mépris de toutes les règles. Juste avant la révolution, un hôtel avait été construit et il devait être rasé parce qu’excédant la hauteur limite. En effet pour respecter la hauteur des minarets et du palais d’Ali Ghapoo, la hauteur maximale avait été limitée à trois étages, d’autant que pour les autorités de l’époque, il semblait que cela limitait aussi les risques en cas de séismes.

Aujourd’hui l’hôtel est toujours là, les immeubles sont de plus en plus hauts et pas un seul ne répond aux normes antisismiques. Tous les vieux bâtiments de plus de 400 ans sont détruits pour faire place à de nouveaux immeubles, des centres commerciaux ou bien encore des voies urbaines rapides. Les constructeurs préfèrent payer de lourdes pénalités plutôt que de construire dans les limites autorisées et la mairie qui n’a pas assez de finances accepte cet argent et laisse faire en délivrant à tour de bras des permis de construire.

On en est arrivé à un stade tel que l’Unesco a demandé que soient rasés certains étages comme ceux du centre culturel et commercial de Djahan Nama qui défigure la Place Naghshé Djahân, menaçant de retirer la célèbre place royale du patrimoine mondiale de l’humanité.

Ispahan attire de nombreux migrants iraniens ou afghans et il est désormais cerné de bidonvilles car les nouveaux venus ne peuvent se permettre de se loger dans les nouveaux immeubles dont les loyers dépassent les revenus moyens des iraniens.

Par ailleurs il y a aussi la construction aux portes même de la ville d’une importante centrale nucléaire, une hérésie tant au point de vue architectural que sécuritaire. A cela s’ajoute l’idée saugrenue de construire dans la ville un métro passant sous le Tchahar Bagh, la principale artère historique. Les spécialistes en héritage culturel avait une telle frayeur qu’ils ont refusé de parler à la journaliste en présence d’une caméra mais lui ont quand même dit que six stations étaient en construction dans les sous sols de la ville, sans étude préalable sur ce qu’il adviendrait lors des passages des rames à des monuments qui n’ont pas de fondations. Même la mosquée principale semble en péril.

Un responsable de la mairie d’Ispahan a expliqué à la journaliste que « lorsque vous êtes propriétaire d’un vieil immeuble historique et classé, si vous le détruisez, c’est uniquement parce que vous y êtes obligé pour survivre économiquement dans ce pays... mais malheureusement nos dirigeants sont aveugles ». Tout est dit.

La journaliste anglaise a aussi visité le Palais des 40 colonnes (Tchehel Sotoun), elle y a bien vu quelques artisans restaurant des peintures à l’intérieur, mais selon elle le toit est dans un tel état qu’il menace de s’effondrer sur les touristes et les colonnes en bois semblent rongées par les vers : elle a vu de la sciure à leur pied qui lui a semblé récente.

L’article de Frances Harrison se termine par une phrase d’un officiel de l’héritage culturel (du régime des mollahs), phrase terrible mais qui est criante de vérité : « lorsque l’on regarde le peuple iranien, aucune génération ne peut avoir autant honte que la nôtre ».

WWW.IRAN-RESIST.ORG

| Mots Clefs | Fléaux : Destruction du Patrimoine |

[1La Place Royale Naghshé Djahân (ميدان نقش جهان meydân-é naghsh-é jahân) | Construit par le shah Abbas Ier le Grand au début du XVIIe siècle, et entièrement entouré de constructions monumentales reliées par une série d’arcades à deux étages, ce site est célèbre pour sa mosquée Royale, la mosquée du cheikh Lotfollah, le magnifique portique de Qeysariyeh et le palais timouride qui date du XVe siècle. C’est un témoignage de la vie sociale et culturelle en Perse durant l’ère des Séfévides. (visite panoramique nocturne avec curseur de pointage) |