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Le 6 novembre 2006, l’Iran a reculé de 150 ans
11.11.2006

Le 6 novembre dernier, le régime des mollahs a conclu un accord qui fit sursauter de nombreux iraniens : la RZD (Chemins de fer de Russie) est devenue le partenaire du fleuron de la réussite iranienne du début du XXeme siècle.



La première réunion commune entre le président des chemins de fers de la République Islamique d’Iran et la Russie s’est clôturée avec la signature d’un accord de développement de coopération ferroviaire entre les deux pays.

Cet accord a été signé entre Mohamed Saidnejad, directeur général des chemins de fer de l’Iran, et Vladimir Iakounine, président de la Société des chemins de fer russes (RZD).

Par cet accord la partie iranienne pourra profiter du savoir faire russe dans la maintenance et la réparation des lignes de transport de produits dangereux par des organisations de stages et séminaires. Le régime des mollahs a également annoncé être prêt pour étudier les modifications du chemin de fer entre la ville de Tabriz et celle de Azar Shahr de 50 kilomètres : les travaux seront confiés aux partenaires russes. Dans cet accord, il a par ailleurs été stipulé que le transfert de la ligne Téhéran Machhad en ligne électrique sera confié aux partenaires russes. Les deux parties ont également prévu la création d’un chemin de fer reliant Ghazvin, Rasht, Bandar Pahlavi et Astara dans le cadre d’un consortium irano-russe.

Afin d’accroître le trafic de marchandises entre les deux Etats, les Russes se chargeront de moderniser l’infrastructure ferroviaire iranienne et de l’adapter à leur propre norme ce qui obligera l’Iran à acheter des locomotives et des wagons russes adaptés à cette refonte. Il est nécessaire de connaître l’histoire du réseau ferré iranien afin de comprendre la réaction négative du peuple iranien à l’annonce de ces accords.

Le Chemin de Fer Iranien | Le 25 juillet 1872 fut signé à Téhéran entre le gouvernement de sa Majesté le Roi de Perse, Nasser-eddin Shah, et le représentant du puissant homme d’affaires britannique, Baron Julius Reuter (fondateur de l’agence Reuters), un incroyable contrat octroyant à son bénéficiaire le monopole des chemins de fer et des privilèges spéciaux pour l’exploitation de toutes formes de minerais (exceptés les métaux précieux), de gisements de pétrole et des forêts. Le contrat comprenait également des clauses pour la création de banques, la régie des douanes, la construction des routes et des barrages… En un mot, le Shah Qajar avait tout simplement offert son royaume sur un plateau serti de pierres précieuses à Monsieur Reuter.

Le Shah Qajar, pressé de se rendre à la Cour de la Reine Victoria où il allait être reçu avec pompe et faste, se garda de mettre les Russes au courant de cette affaire, car il savait fort bien que ces derniers n’auraient guère apprécié ce genre de largesse et aurait demandé un contrat similaire en leur faveur, chose incompatible avec le monopole du contrat de Reuter.

Au contraire d’une croyance largement répandue, l’Iran des Qajars était sous la domination des Russes, l’influence des britanniques ne s’exerçant qu’au sud des monts Zagros, là où leur marine pouvait intervenir. Après les catastrophiques guerres russo-perses du début du dix-neuvième siècle au cours desquelles la Perse perdit la Géorgie, l’Arménie et la Caucase, l’Iran était dans les faits placé sous le protectorat de la Russie qui avait la possibilité de dépêcher des troupes pour envahir son voisin quand il le désirait, chose qu’elle n’hésita pas à faire à plusieurs reprises. En revanche, les Britanniques ne disposaient pas de cette facilité militaire et se servaient plutôt de leurs ressources financières en soudoyant la Cour et le clergé.

Sur sa route vers l’Europe, le Shah Qajar s’arrêta à Saint-Pétersbourg où il fut sommé de dénoncer le contrat, chose qu’il fit non sans trop de mal. A la place, il signa avec les russes des contrats ferroviaires (lignes Tabriz/Jolfa), bancaires et d’exploitations minières.

Plus qu’une leçon d’histoire, ce récit montre que les choses n’ont point changé 150 ans plus tard, les Shahs Qajars ont cédé leur place aux mollahs… mais y a-t-il vraiment une différence entre les deux ?

Finalement, le chemin de fer Iranien a été construit sans l’aide ou la main mise des russes ou des Britanniques. En 1928, sans un sous en poche, Reza Shah Pahlavi lança le plus grand chantier de chemin de fer du monde d’entre les deux guerres (Mossadegh alors simple député s’opposa au projet car il soutenait le trajet proposé par les Britanniques, ces derniers ne voulaient pas du transiranien, faisant la jonction entre la Caspienne et le golfe Persique, et ils préféraient une ligne reliant l’Iran à l’Inde).

A cette époque, la volonté et la confiance de Reza Shah et de ses collaborateurs étaient si fortes que pour mener à bien ce projet, aucun emprunt étranger ne fut contracté. Les revenus pétroliers n’étant pas très significatifs à ce début de siècle, l’Iran se procura les devises nécessaires en vendant des peaux et des os de carcasses. En 1938, le Transiranien, d’une longueur de 1.394 kilomètres, fut achevé en avance de son calendrier et coûta quelques 140 millions de dollars, ce qui représentait une somme faramineuse pour les finances du pays. Cette réalisation faisait de l’Iran un pays d’entre-deux mers et soudait indissolublement le nord au sud de ce pays longtemps divisé par les Russes et les Britanniques.

L’enthousiasme généré par ce seul projet rendit au peuple l’estime de soi, largement entamée par les défaites successives des Qajars.

En ces années de faiblesse de l’Iran et de frivolité de ses dirigeants, le peuple rêve d’un autre Reza Shah, d’un homme de providence pour relever le pays. Il serait bon que quelqu’un puisse parler à ces messieurs de Washington de l’histoire de l’Iran afin qu’ils cessent de nous inventer des nouveaux Chalabi islamico-démocratico-liberaux qui n’ont aucun grand projet pour l’Iran et se gargarisent avec des mots dont ils ignorent le sens.