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La Russie et le problème du GNL
18.10.2006

Très récemment, nous vous avions signalé un éveil écologique chez Vladimir Poutine. Nous pensions que l’état russe allait utiliser l’argument écologique pour expulser les compagnies étrangères de ce pays, les exproprier et même leur imposer de lourdes pénalités. Chaque jour apporte désormais son lot de surprise dans ce domaine stratégique.



Le 15 octobre, le ministère russe de l’Energie et de l’Industrie annonçait un projet de loi visant à limiter les investissements dans ce secteur, sans donner de détails sur le cas des investissements en cours. Aujourd’hui l’état Russe s’attaque à ces derniers en utilisant les griefs écologiques contre l’ensemble des compagnies présentes à Sakhaline.

Officiellement, selon l’état Russe, il n’est pas encore question de geler le projet pétrolier et gazier Sakhaline 2 mené par le groupe pétrolier anglo-néerlandais Royal Dutch Shell et deux sociétés japonaises, a déclaré samedi à la télévision un haut responsable du ministère russe des Ressources naturelles.

Selon ce responsable, il faut attendre l’évaluation définitive des dommages écologiques qui sera faite dans 12 mois. Le ministère des Ressources naturelles a ordonné des vérifications sur le respect de l’environnement par ce projet gigantesque mené sur l’île de Sakhaline en Extrême-Orient russe.

Ces vérifications concernent la phase 2 du projet qui englobe la construction d’un gazoduc couplé d’un oléoduc de 800 km du nord au sud de l’île, d’une usine de gaz naturel liquéfié, de deux plateformes pétrolières et d’un terminal pétrolier. Royal Dutch Shell détient 55% du projet alors que les maisons de commerce japonaises Mitsui et Mitsubishi Corporation en détiennent 25% et 20% respectivement. Sakhaline-2 s’est engagé à exporter par bateau à partir de l’été 2008 du gaz naturel liquéfié (GNL) au Japon puis à la Corée du Sud. L’investissement total du projet s’élève à 20 milliards de dollars ce qui en fait le plus important investissement privé jamais engagé dans le secteur.

Il est probable que l’ensemble de ce chantage ne concerne que les précédents engagements de la Russie en faveur du GNL, procédé [1] qui ne rentre plus dans la stratégie énergétique russe fondée sur la livraison de ses hydrocarbures par tubes principalement. La Russie veut pouvoir contrôler l’approvisionnement de ses clients et le transit par tube a de nombreux avantages. Les tubes passent par des territoires amis et ainsi la Russie se créera un empire dont l’objectif est d’isoler les adversaires de Moscou.

La Russie n’a pas besoin du GNL. Sa géographie lui permet de livrer l’Europe et l’Asie sans emprunter le transit par la mer. Par ailleurs, en empruntant les voies maritimes, le GNL peut contrecarrer les visées hégémonistes Russes et des alliances utiles.

Le GNL est un moyen moderne de transit, mais le tube est l’outil stratégique de la Russie. Telle est l’équation du problème et nous l’avons écrite au moment de la rencontre Chirac-Merkel-Poutine : pour les uns, le pétrole est un carburant, et pour l’autre un atout stratégique. Idem pour les mollahs. Les Européens s’obstinent à ignorer les dimensions géopolitiques du gaz russe et du nucléaire iranien, peut-être ont-il peur d’avouer qu’ils sont face à deux totalitarismes conquérants alliés de circonstance.

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[1GNL ou Gaz Naturel Liquéfié | Le GNL est du gaz naturel dont on a abaissé la température à -161 ºC. Lorsqu’il est refroidi, il devient liquide et occupe considérablement moins d’espace que lorsqu’il est à l’état gazeux (soit 1/600e du volume). Grâce à son volume réduit, le gaz naturel peut être expédié ou stocké de façon beaucoup plus économique. Le gaz naturel est produit outre-mer et transporté par gazoduc vers des installations où il est liquéfié (GNL). Le GNL est ensuite chargé dans des navires spécialement conçus pour son transport. Au terminal d’importation, le GNL est déchargé et stocké dans des réservoirs. Au terminal, le GNL est pompé dans des vaporisateurs où on le retourne à l’état gazeux. Le gaz naturel est alors transporté dans un réseau de gazoduc vers sa destination finale.