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Malbrunot : L’ombre du Hezbollah sur l’assassinat de Hariri
23.11.2006

« Le Figaro » révèle qu’un Libanais, proche du mouvement chiite, est recherché pour avoir participé à la préparation du crime contre l’ancien premier ministre.



LES ENQUÊTEURS libanais, en charge de l’assassinat de Rafic Hariri, travaillent depuis quelques mois sur une nouvelle piste, qui conduit au Hezbollah. « L’enquête internationale dirigée par le juge Serge Brammertz s’oriente également dans cette direction », confirme, au Figaro, un proche de Saad Hariri, le fils de l’ancien premier ministre tué dans un attentat en février 2005 à Beyrouth. La liquidation a été imputée à la Syrie, qui dément avoir une quelconque responsabilité dans le meurtre. Le juge antiterroriste français Jean-Louis Bruguière, qui enquête sur le meurtre à Beyrouth de Samir Kassir, une autre personnalité antisyrienne, a été mis au courant de cette piste chiite, lors de sa récente visite au Liban. Brammertz n’a pas l’habitude de commenter ses recherches.

Tout commence par l’identification par les Forces de sécurité intérieure (FSI) d’un groupe de téléphones portables, qui n’a été utilisé qu’avant et juste après le crime. « Leurs propriétaires, une dizaine au maximum, ont cessé de s’en servir, après avoir reçu d’ultimes consignes pour échapper à la traque lancée après la mort de Hariri », affirme une source proche des FSI à Beyrouth. Mais l’un d’eux a commis une erreur, en appelant un de ses amis, qui ne faisait pas partie du réseau de complices.

Grâce aux relevés téléphoniques, les policiers ont enregistré le numéro de cet ami, puis l’ont interrogé. Celui-ci leur a livré le nom de son correspondant. L’individu, depuis, est introuvable. Il serait en fuite, vraisemblablement en Syrie, sa famille au Liban ayant reçu un appel depuis Damas. Selon le proche de Saad Hariri, il s’agit d’un Libanais, évoluant dans la mouvance du Hezbollah et de ses services de renseignement. Il est activement recherché, même si Interpol n’a pas encore été saisi d’une requête en ce sens. « Les enquêteurs libanais ont très peur de ce qu’ils ont découvert », explique la source proche de l’enquête. Les autres membres du réseau, eux, n’ont pas été identifiés.

Le Hezbollah n’ignore rien de ce nouvel élément du dossier. Maladroitement, en effet, des FSI sont allés interroger les membres de la famille de l’individu recherché, qui en ont aussitôt informé le mouvement chiite. Il ne s’agit pour l’heure que d’une piste. Ni les FSI ni vraisemblablement Serge Brammertz ne disposent de preuve pour étayer leurs soupçons. Mais les uns et les autres jugent cette piste « sérieuse ». Elle ne modifie pas l’orientation générale de l’enquête : la Syrie reste pointée du doigt. « Les Syriens ont cloisonné l’opération, en confiant à leurs différents alliés au Liban le soin de préparer cet attentat, sans que l’un sache ce que l’autre avait à faire », estime un spécialiste des questions de sécurité.


La Syrie reste pointée du doigt

Dans ce schéma, le Hezbollah avait son rôle à jouer. « Qui avait la capacité de faire entrer au Liban l’équivalent de 1 200 kilos de TNT ? », s’interroge le proche de Saad Hariri. « La Syrie, un service de sécurité libanais à sa solde, et le Hezbollah », répond-il. En août 2005, quatre généraux libanais, à la tête des services de sécurité à l’époque de la mainmise syrienne, ont été les premiers à être écroués, sous l’accusation de complicité dans la préparation de l’assassinat.

Cheikh Nasrallah, le chef du Hezbollah, a-t-il été informé des préparatifs de l’assassinat ? Ses parrains syriens, maîtres du flux d’armes iraniennes qui lui sont destinées, lui ont-ils, au contraire, forcé la main ? « En impliquant le Hezbollah dans l’assassinat de Hariri, les Syriens tiennent Cheikh Nasrallah », assure la source proche des FSI. Ce qui pourrait expliquer que tout au long du conflit face à Israël, le chef du Parti de Dieu s’est beaucoup méfié des Syriens, selon une source informée dans l’appareil sécuritaire libanais. Pour lui, prendre désormais ses distances de son allié syrien peut s’avérer très dangereux.


Hariri gênait les visées du Hezbollah

Même si les relations entre Hariri et le Hezbollah n’ont jamais été solides, quel aurait pu être l’intérêt du mouvement chiite de participer à son élimination ? « De par sa stature, Hariri, le richissime leader sunnite, gênait les visées du Hezbollah au Liban et plus largement de l’Iran qui cherche à renforcer l’influence de ses alliés chiites dans le monde arabe », estime le proche de Saad Hariri. Les Iraniens sont-ils impliqués dans l’assassinat ? Quels sont les liens entre l’individu recherché et les pasdarans, les gardiens de la révolution à Téhéran ? Les enquêteurs cherchent des réponses à ces questions. Dans le contexte actuel, les révélations qu’ils pourraient faire sont potentiellement explosives. Elles risquent d’aggraver les tensions communautaires entre chiites et sunnites.

Nous avons appris de source iranienne que l’opération du meurtre de Hariri a été dirigée par un élément des Pasdaran nommé : T [1].

Par ailleurs, nous nous étonnons des dernières déclarations du juge Bruguière au sujet du terrorisme islamique : ce dernier nie l’existence même d’un terrorisme islamique chiite. Dans un interview publié dans le Point, le juge anti-terroriste français a complètement blanchi le régime des mollahs, minimisant l’importance du transit des terroristes d’Al Qaeda par le territoire iranien. Les propos du juge sont en conformité avec les objectifs du gouvernement français : éviter d’entrer en conflit avec les mollahs et éviter de qualifier le Hezbollah de terroriste.

Alors que Bruguière a été mis dans la confidence sur une implication d’un agent du Hezbollah dans le meurtre de Hariri, l’information n’a été divulguée qu’après l’adoption de la résolution 1701. Apparemment le quai d’Orsay ignorait ce détail, si non le ministre des affaires étrangères n’aurait pas évoqué l’Iran comme un élément de stabilité dans la Région et le Président n’aurait pas suggéré la régularisation politique du Hezbollah.

Il y a deux possibilités : le Quai d’Orsay connaissait ce détail et le divulgue seulement aujourd’hui pour se dérober aux engagements pris lors de l’adoption de la résolution 1701 ou le Quai d’Orsay ne connaissait pas ce détail ! Dans ce cas, il est temps que le ministre des AE et le président désavouent leurs déclarations précédentes et apportent leur appui à l’enquête de Serge Brammertz.

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| Mots Clefs | Auteurs & Textes : Georges Malbrunot |

[1Iran-resist connait l’identité de cet individu.