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Dans le Monde, Akbar Ganji révèle une vérité enfouie
25.06.2006

Dans un entretien accordé au Monde, Akbar Ganji, le nouveau chouchou de la presse française, a fait une série de déclarations qui laissent pantois : Toutes les références à l’islam sont gommées et si le lecteur découvre l’existence de ce personnage, il est légitimement surpris par sa clairvoyance et commence à espérer le meilleur pour l’Iran. Nous passerons en revue certaines de ses déclarations pour démontrer qu’il existe une méthode Ganji. Mais cet interview constitue un document historique : Ganji a laissé échappé une confidence aux conséquences infinies.



Akbar Ganji n’est pas l’intellectuel éthéré qu’il prétend être, nous avons déjà consacré de nombreux articles à son œuvre journalistique et à ses prises de positions. Vous pouvez les relire, vous y apprendrez le fonctionnement interne du régime des mollahs. Car Ganji est un pur produit du système. Il a été membre du service des Renseignements des Gardiens de la révolution. Les Gardiens de la révolution est le nom d’une milice qui a été fondée en 1980 pour remplacer l’armée nationale et la police dans un seul corps de miliciens ultra-islamistes. Il est de notoriété publique que les Pasdarans ont enrôlé de nombreux repris de justice et le nombre des exactions commises par les Pasdars [1] est astronomique.

Viols [2], vols, détournements de biens confisqués, arrestations arbitraires, exécutions sommaires et le plus souvent tous ces crimes sont commis simultanément sur les familles des victimes. Il n’est pas anodin d’être un membre des Pasdarans et Ganji a appartenu à l’élite de cette milice. Les services de Renseignements des Pasdarans avaient pour mission d’infiltrer les régions tourmentées de l’Iran (comme le Kurdistan iranien) afin d’éliminer les opposants, les fortes têtes ou préparer des mises en scène de massacres pour en faire adosser la responsabilité aux régionaux.

Les agents secrets des Pasdaran sont de redoutables tueurs et comploteurs et par un accord passé avec le gouvernement turc, ils étaient autorisés à traquer les Iraniens en fuite pour les intercepter sur le sol turc. Il n’est pas anodin de d’appartenir aux services des Renseignements des Pasdaran. Ganji avoue qu’il en faisait partie et pour lui l’aveu doit nécessairement valoir un acquittement.

C’est le problème posé par Ganji. Il a un passé de tueur de KGB, et il se présente sous les traits d’un Martin Luther King. Son discours est fait pour plaire, mais le personnage reste infréquentable du moins en Iran car les populations connaissent les Pasdaran, elles savent aussi que le régime tient debout grâce à ses services secrets, ses mouchards, ses tueurs ou ses tortionnaires. De plus le discours mielleux de Ganji ne séduit pas, c’est comme si demain, vous voyiez un Le Pen devenir un militant de touche pas à mon pote. La provocation serait insoutenable, mais en Europe où personne n’a subi les exactions des Pasdaran son discours séduit car Ganji parle avec les références du pays d’accueil.

Il récite un texte fort bien composé avec des références à deux philosophes peu connus qui sont par le plus grand des hasards d’origine juive. Peut-on soupçonner un homme qui est repentant et en plus cite des penseurs venus de chez ses supposés ennemis ? Pour Marie-Claude Decamps du Monde, la réponse est non et c’est compréhensible, mais Ganji ne brigue un poste de conseiller culturel en France, il est iranien. Et puisqu’il se prétend intellectuel et penseur, il doit sonder les problèmes de l’Iran et parler aux iraniens, mais il n’en est rien car son discours est spécialement formaté pour interpeller les millieux intellectuels européens ou américains.

Ganji est un Khatami Bis [3], un leure pour permettre au régime de gagner du temps pour mener à bien ses activités : renforcement de ses réseaux terroristes au Liban, en Irak, en Afghanistan et au Soudan, mais aussi mener le nucléaire à un point de non retour. Or, ces thèmes et les inquiétudes qu’ils suscitent chez les iraniens qui craignent les répercussions internationales terribles et irréversibles pour leur pays sont absents du débat proposé par Ganji. Au mieux ce dernier les aborde sous un angle intellectuel totalement déconnecté de la réalité.

Dans ce discours formaté pour interpeller les lecteurs du Monde, Ganji s’élève d’emblée contre le code pénal du régime des mollahs qui autorise un « citoyen » à en assassiner un autre s’il le juge « impie ». Il y a là un concentré de la méthode Ganji. Les iraniens ne sont pas des citoyens car le système politique du pays place l’ensemble des institutions sous l’autorité d’un tuteur religieux, le Guide Suprême dans le jargon franco-français. Les iraniens sont assimilés à des personnes inaptes à vivre sans un tuteur : dans la loi de l’islam, ce statu s’applique aux mineurs (en dessous de 13 ans pour les garçons et de 9 ans pour les filles), aux femmes et aux aliénés mentaux (fous, mongoliens…).

L’usage du mot « citoyen » est inapproprié et usurpé surtout parce que cette fonction de Tuteur qui est la spécificité du régime heurte l’ensemble des iraniens qui en subissent les conséquences depuis 27 ans. Et ils subissent cette loi sous la contrainte des Pasdaran et des Renseignements du régime. C’est réellement comme si un SS repentant faisait une tournée internationale, affirmant qu’il juge injuste que les citoyens aryens puisent être autorisés à tuer les citoyens juifs.

Il y a là une montagne de non dits et d’hypocrisies qui excèdent les exilés iraniens souvent incapables d’atteindre les auteurs de tels articles.

Ganji est très mal placé pour expliquer l’injustice du code pénal de la république islamique : il a servi les intérêts de ce régime pendant deux décennies en service actif dans le plus effrayant des composants du régime. Mais la méthode est payante et les intellectuels français boivent littéralement les paroles de Ganji. Des mots comme Citoyen ou dissident font mouche, les références à la Révolution Française flattent le lecteur qui se croit en présence d’un avide lecteur des épisodes de cette incroyable aventure humaine qui est le jalon de la démocratie française.

Pourtant Ganji se contente de dire quelques mots-clefs et si un journaliste pinailleur lui posait des questions non prévues au dossier de presse, il verrait très vite les limites de ce monsieur qui ne connaît rien à l’histoire de la révolution française, et qui confond des personnages historiques. Vous n’êtes pas en présence d’un Max Gallo iranien, mais d’un cabotin qui a appris par cœur un rôle et répète d’une interview à l’autre, les mêmes mots, les mêmes approches pour arriver aux mêmes conclusions politiquement correctes et très entendues.

Ganji se présente comme un ancien gardien de la révolution (il gomme l’appartenance aux services secrets) qui avait cru aux idéaux d’une « révolution à la française » !

Mais de qui se moque-t-on ? Le seul point commun entre la Révolution française et la révolution islamique est la terreur, les tueries, et dans le cas de la révolution islamique, elles ont commencé immédiatement.

La Révolution Française s’est faite contre le pouvoir du clergé et la révolution Khomeyniste avait pour objectif de restaurer le pouvoir d’un clergé rétrograde et intégriste. L’une était laïque et a aboli les privilèges, et l’autre, celle de Khomeiny, était intégriste et a restauré les privilèges abolis successivement depuis 1925, n’en déplaise aux lecteurs du Monde, par une monarchie engagé dans une course à réfromesn un régime atypique qui fit les frais de ses propres initiatives.

De qui se moque-t-on en prétendant que les partisans intégristes de Khomeiny ont agi par amour pour les idéaux de Voltaire, de Rousseau ou de Condorcet ?

Le révolutionnaire à la française, pour reprendre la formule de Ganji, se dit à présent un fervent partisan d’un de la séparation de la religion de l’état !

«Nous devons instaurer une vraie démocratie. La démocratie a ses failles : il y a la corruption et Guantanamo, mais elle accepte d'en parler, c'est la différence. (La corruption c’est sans doute la France, et Guantanamo…) Comment y parvenir (à la démocratie) ? En mobilisant les intellectuels, les jeunes, les femmes, les opposants mêmes, tous ceux qui veulent un changement Une coalition fondée sur trois principes : démocratie, liberté, droits de l'homme. Ce qui manque, c'est le leadership…» Le Monde est intrigué : «Y serait-il prêt et pense-t-il lancer un parti politique?»

Il sourit, cite Gandhi, Mandela et Solidarnosc…

Mais de qui se moque-t-on ?

Aucun Iranien ne suivra cet homme au passé plus que louche, son implication démobilisera les meilleures volontés et fera fuir tous les partisans du changement. Il est là pour cette raison, mais il est également là pour détourner les intellectuels français du peuple iranien qui veut une vraie révolution, un changement radical avec des nouvelles têtes et pas d’anciens mollahs, fils de mollahs ou ex-barbouzes se présentant comme des repentis…. Dans quel pays les mafieux repentants sont nommés chef de la police ?

Ganji est un démobilisateur, promu pour démoraliser définitivement les iraniens et convaincre les Européens que les iraniens restent attachés à la révolution islamique malgré ses insuffisances. En d’autres termes qu’il n’existe en Iran aucun courant hostile à la révolution de 1979 : les mises en parallèle avec la révolution française sont faites pour légitimer l’entreprise de Khomeiny.

La vérité enfouie (sur Rafsandjani)

Mais Ganji a aussi d’autres missions plus immédiates, celle d’être le porte-parole du peuple iranien. Son point de vue sur le nucléaire est un exemple de la méthode Ganji : cette méthode de présentation qui qualifie de citoyen un être dépourvu de tout droit, et qui assimile Khomeiny à un laïque des Lumières.

Pour le nucléaire, Ganji est subtil comme sa référence à la Révolution Française, il refuse l’idée que les Iraniens font bloc autour de Ahmadinejad. MAIS, dit-il, sur le strict plan du droit bien sûr, si la Chine, l'Inde et tant d'autres ont le nucléaire, l'Iran y a droit ! Les réformateurs sont contre, l'ex-président Rafsandjani, inquiet, a fait savoir publiquement ses réticences; même les conservateurs divergent entre eux...»

Pour un occidental, ces paroles sont bénies, mais Ganji avait bâti sa réputation de journaliste d’investigation sur la dénonciation de Rafsandjani comme complice des assassinats des opposants iraniens. Comment se fait-il qu’il le cite aujourd’hui comme un modéré, un réformateur, un allié du peuple ?

Ganji ne peut pas nier cette déclaration puisqu’elle a été publiée dans Le Monde. Dans un de nos tout premiers articles publiés sur ce site, il y a un an, nous avions émis l’hypothèse que Rafsandjani avait orchestré toute cette campagne de diffamation dans Sobhe Emrouz (année 2000) contre lui-même pour promouvoir la carrière de journaliste de Ganji durant l’année 2000 [4]. Cette hypothèse est une des idées fixes de ce site. Elle présente Rafsandjani comme le véritable maître de l’Iran et un politicien capable d’orchestrer sa propre défaite aux pseudo-élections présidentielles pour préserver les plus hauts intérêts de l’état. Le ralliement inattendu de Ganji à Rafsandjani confirme cette hypothèse que nul autre n’avait émise avant le fondateur de ce site.

Rafsandjani prépare l’après-Ahmadinejad avec Ganji et comme pour le cas de Khatami, ce sont les dindons de la farce, les occidentaux, qui oeuvreront pour le nouveau poulain de Rafsandjani. Ganji pourra devenir président et même travestir le régime en une république pseudo-laïque, mais il ne touchera pas aux réseaux des mollahs et des Pasdaran et ces derniers qui ont privatisé tous les secteurs économiques de ce pays lâcheront les rennes du pouvoir exécutif pour agir dans l’ombre et dans le monde des affaires. Le pouvoir peut dès lors être laïque ou tout ce que l’on veut.

L’ironie du sort est que Ganji dénonce une dérive bonapartiste, avec des gens issus de groupes paramilitaires infiltrés à tous les niveaux d’état et des médias. Cette déclaration est faite pour rassurer quant à la vision juste de Ganji. Il utilise exactement la même méthode qu’il utilisa quand il chargeait Rafsandjani dans ses articles de Sobheh Emrouz...

Nous voyons qu’aujourd’hui, il tourne la page et défend celui qu’il présentait comme un corrompu et un assassin. Aujourd’hui, il dénonce le bonapartisme alors que Rafsandjani prépare une métamorphose globale du régime qui est le contraire même du bonapartisme révélé par Ganji. Les mollahs investiront les banques et l’industrie d’où ils contrôleront la politique laissée à des émules de Ganji. Le retrait des mollahs de la politique sera présenté comme une victoire du Ganji, le laïque reborn, alors même que c’est l’objectif principal du clan Rafsandjani. Ganji est la pièce maîtresse du grand jeu de Rafsandjani. Il a été façonné pour cette tâche.

| Mots Clefs | Réformateurs et dissidents : GANJI |

| Mots Clefs | Auteurs & Textes : Marie-Claude Decamps |


[1Pasdar (mot sigulier) : milicien - Pasdaran (mot pluriel) : miliciens, armée des miliciens

[2Il est nécessaire de rappeler ce que faisaient les gardiens de la révolution aux opposantes emprisonnées dans les prisons de Khomeiny. Ces Gardiens de l’islam au pouvoir avaient pour mission de violer la prisonnière vierge pour souiller son corps car un corps qui a failli à la sacro-sainte chasteté est privé de paradis et ira brûler en Enfer. Alors, une heure avant la mise à mort, la condamnée était mariée à un gardien de la révolution qui lui faisait goûter aux joies de la jouissance masculine, selon l’expression consacrée par ces Pasdaran. Le mariage en islam ne peut être prononcé sans que « le mari » ne paye une dot à son épouse. Le matin, quelques heures après les mises à mort, le milicien se rendait au domicile de la famille de la victime et annonçait aux parents tremblant pour la santé de leur fille : « je suis venu vous remettre le dot de votre fille qui brûle en enfer car elle a connu dans ma couche les joies de la jouissance d’un homme, moi ». Une histoire sordide que de nombreux iraniens ont eu à vivre, tous ceux qui avaient un être cher arrêté au hasard des rafles, au hasard de l’envie de posséder un femme.

[3L’ancien président Rafsandjani, actuel Chef du Conseil de Discernement, est sous mandat d’arrêt International (depuis 1997) suite à l’affaire de la Tuerie du MYKONOS en 1992 (du nom d’un Restaurant Berlinois). Le mandat d’arrêt international de l’interpol empêche ce dernier de voyager hors d’Iran et de ce fait, il est réduit à occuper des fonctions occultes. Il ne fait aucun doute que l'approbation de la candidature de Khatami à la présidence n'avait pas été sans rapport avec les sanctions internationales contre Rafsandjani. Entre autre, l'étiquette politique du Khatami a donné un éclat politiquement correcte à la république islamique qui n'avait eu nul besoin de cette condamnation humiliante de Rafsandjani.

[4A cette époque Ganji était un haut agent de Renseignements, proche du cercle du pouvoir par ses liens avec Hajarian, le fondateur du ministère des Renseignements. Ce dernier devint le directeur du journal Réformateur : Sobheh Emrooz ! Il engagea Ganji comme journaliste !