Iran : Renault Kadjar, du nom d’une dynastie qui fut le Daesh chiite !
24.02.2015
Renault a baptisé son prochain VUS urbain Kadjar, le même nom qu’une dynastie d’Iran ayant régné de 1786 à 1925. Bien que le constructeur ne veuille faire aucun lien entre ce choix de nom et l’ancienne dynastie iranienne, cela survient tout de même au moment où il se positionne pour reprendre ses pleines activités en Iran dans la perspective d’une levée permanente de l’embargo économique contre ce pays.
Un constructeur d’automobiles disposant d’un marché captif pourrait se permettre d’appeler ses modèles « Rat d’égout », « Ver solitaire » ou « Bacille de Kokh », il vendra toujours autant de voitures, mais il fallait un certain cynisme de la part de Renault pour baptiser son dernier modèle pour l’Iran du nom de la dynastie Qadjar (ou Kadjar selon une translittération érronnée) qui, entre autres faits de gloire, est responsable de la mort de plus de 8 millions de personnes causées par des famines organisées. Gageons que le conseil d’administration de la marque au losange s’est contenté de constater que Qadjar rime un peu avec Qashqai et ne s’est pas posé plus de questions sur le choix qui lui a été soufflé par son partenaire iranien. Il convient donc ici de se pencher sur le pourquoi de l’attirance de la bourgeoisie islamique incarnée par le Président Rouhani pour cette dynastie si funeste.
La dynastie Qadjar a des origines plutôt obscures. Comme beaucoup de tribus nomades, elle a été turquisée et n’est donc pas, comme on veut nous faire croire, descendant des clans Oghouzes (Aq Qoyunlu, Qara Qoyunlu). Il faudra plutôt chercher ses origines dans des bédouins venus du Liban ou de la Palestine afin d’appuyer la vaste campagne de conversion forcée des Iraniens au chiisme, entreprise par les rois Séfévides à partir du XVIème siècle.
Les Séfévides avait intégré la tribu Qadjar dans leur armée féodale basée sur la fidélité d’un certain nombre de clans qui lui fournissaient des soldats. Mais avec la chute d’Ispahan en 1722 et la précipitation du pays dans le chaos, les Qadjars reprirent leur activité d’origine c’est-à-dire le brigandage. Ils furent réprimés par les successeurs des Séfévides mais à l’occasion de la mort du roi Karim Khan Zand, un dénommé Agha Mohammad Khan, le chef de clan Qadjar, profita de la confusion et rassembla sa tribu pour mener une guerre de conquête qui n’avait rien à envier à Daesh. Ce que Agha Mohammad Khan fît à Kermân ou à Tbilissi, rend anodines toutes exactions de l’Etat Islamique du Levant !
Malgré sa brutalité sans bornes, Agha Mohammad Khan ne fit pas long feu et son héritier transforma en vingt ans une grande puissance économique et militaire en l’un des pays les plus misérables de la planète. Devenu vassal de la Russie tsariste et émietté de tous côtés par l’Empire Colonial Britannique, la Perse n’avait plus en commun avec son passé prestigieux que son nom.
En ses débuts du dix-neuvième siècle, la révolution industrielle était déjà bien engagée en Europe et il ne faisait plus de doutes à personne que le monde musulman ne pouvait pas rattraper son retard sans se réformer. Pour beaucoup, c’était l’Islam même qui était le problème, constat qui conduisit au pan-Turkisme dans l’Empire Ottoman.
Le mouvement qui a connu le grand succès en Perse fut sans nul doute le Bâbisme qui mettait en cause le clergé chiite comme responsable de la décadence de l’Iran (voir Homa NATEGH : « Le Journal Ganoun 1890-1907 »). Le nouveau messie, dit le Bâb (« la porte ») et ses disciples, se dressaient contre les prescriptions islamiques, en abolissant la polygamie, le pèlerinage à la Mecque, les impôts religieux, et allant jusqu’à libérer la femme du port du voile. Sur le plan social, les Babis revendiquaient une distribution plus équitable des richesses, en même temps que la réduction des impôts des classes démunies. Enfin, les Babis réclamaient des contacts plus directs avec les Européens, « desquels il y avait beaucoup de bonnes choses à apprendre ».
Si dans un premier temps le mouvement était toléré, une persécution barbare fut lancée à partir de 1850. Terriblement ébranlé, le roi Qadjar se tourna naturellement vers le clergé chiite pour leur faire sous-traiter une répression qui ressemble comme deux gouttes d’eau à ce que fait Daesh contre les chrétiens ou les Yézidis. En contrepartie, le clergé obtint terres mais surtout pouvoir politique. Pour mieux sceller l’alliance, on organisa des mariages entre membres des familles aristocrates Qadjar et ceux du clergé. Ainsi naquît le substrat social sur lequel, 130 plus tard, se fondera la révolution islamique.
Cette bourgeoisie islamique disposa donc de plus d’un siècle pour théoriser son pouvoir. La première étape décisive fût la Constitution de 1906 qui établit un Etat islamique en Perse et donna le pouvoir de veto au clergé.
L’arrivée au pouvoir de la dynastie Pahlavi, mit en berne le pouvoir du clergé et par conséquence celui de la bourgeoisie islamique. Mais à l’instar de Daesh, cette bourgeoisie islamique était de connivence avec les Anglo-américains et obtint d’eux tous les moyens nécessaires pour reprendre le pouvoir.
Dans vingt ou trente ans, quand l’Etat Islamique d’Irak et du Levant sera définitivement entériné grâce à ses amis dans le monde occidental, nous verrons alors des constructeurs d’automobiles appeler leur modèle Mohammed al-Adnani, Abou Bakr al-Baghdadi, Abou Mohammad al-Adnani…
Par Babak Khandani
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Deux méthodes de traitement des prisonniers par les Qadjars...


Pour en savoir + sur Renault en Iran :
Iran-France : On a perdu le contrat avec Renault !
(16.10.2008 )
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