Iran : la semaine en images n°156 13.02.2011 Cette semaine, on était dans la seconde partie du programme de la célébration de l’anniversaire de la révolution islamique. Traditionnellement, le régime doit organiser des manifestations culturelles, la journée de l’armée de l’air avec des défilés et des rassemblements politico-militaires et enfin, le 11 février, anniversaire de la révolution islamique, il doit organiser des grands rassemblements publics sur les plus grandes places de chaque ville. Ces évènements n’ont pas eu lieu car le régime a perdu ses partisans depuis qu’il refuse tout compromis quelles que soient les sanctions pesant sur l’économie iranienne. Face à la pénurie de participants à ses « manifestations », le régime a eu recours à des diversions médiatiques, il a également puisé dans les images d’archives pour dissimuler sa vulnérabilité. Grâce aux images de la semaine, nous verrons l’étendue de cet isolement et les solutions préconisées par le régime. Voici les images d’un régime en sursis. Le contexte de la semaine | Cela fait plusieurs mois que le régime est face à ce boycott concernant ses employés directs à savoir les divers membres de la milice Bassidji, aussi bien ceux de la section anti-émeute qui doivent assurer la sécurité des dirigeants, que ceux de la section universitaire qui sont les animateurs de la fausse opposition interne, le Mouvement Vert. Après la rupture des Bassidjis, le régime s’était reposé sur ses cadres, les gens des services secrets et aussi les militaires tenus de rester à ses côtés par obligation patriotique. Il y a une semaine, nous avons signalé une aggravation de la situation du régime car à l’occasion de manifestations exigeants la présence des militaires, nous avons remarqué moins d’une cinquantaine d’uniforme et même l’absence de tout officier en armes pour assurer la sécurité du tombeau de Khomeiny et accueillir des visiteurs de marque qui s’y rendent à cette époque de l’année pour renouveler leurs vœux de fidélité au régime. Le régime venait d’être lâché par les militaires comme deux ans plus tôt il avait été largué par ses Bassidjis. Il était plus vulnérable que jamais en ayant contre lui la presque totalité des jeunes qui savent manier des armes. Cette rupture a réellement fragilisé et perturbé les mollahs. Elle a aussi désorganisé le déroulement des festivités de la célébration. On a remarqué une baisse du nombre et de la durée des visites sur le tombeau de Khomeiny devenu un site non sécurisé. Par ailleurs, le régime a sans cesse reporté le lancement du Festival international du Cinéma de Fajr, une opération bien futile pour un peuple sous pression et en colère. Le régime devait néanmoins lancer l’opération pour ne pas avouer sa peur. Ce festival a commencé samedi dernier avec 5 jours de retard et très peu de participants car il ne fait pas bon de rester avec un régime qui a des ennemis à tous les coins de rue. Très éprouvé, le régime a annoncé une Prière du Vendredi sous la direction du Guide Suprême pour tester la fidélité de ses derniers partisans : ses cadres et ses agents des services secrets. La mobilisation était plus faible que d’habitude. Le régime a compris qu’il était face à un risque élevé d’implosion du système ou d’une explosion sociale lors de la cérémonie officielle de l’anniversaire de la révolution islamique qui exige la présence des militaires. Il a masqué la baisse de mobilisation en faisant appel aux images d’archives ou à des figurants amenés par autocars. Nous l’avions laissé à ce moment en nous réjouissant de son affaiblissement. Dimanche à J-5 avant la cérémonie officielle| qui lui faisait désormais très peur, le régime a pris une décision importante et plus radicale : sa fausse opposition interne, le Mouvement Vert qui est mené par les dirigeants du premier plan, est entré en action pour évoquer la possibilité de manifester pour récupérer d’avance tout soulèvement à venir. Ainsi, dès le début de la semaine, le régime très fragilisé s’est donné une sortie de secours offrant au passage une possibilité de reconversion démocratique à ses derniers serviteurs afin qu’ils ne le lâchent pas. Pour rassurer ses derniers fidèles, le régime a immédiatement organisé une sortie sur le tombeau de Khomeiny pour Hosseini, le ministre de la culture islamique, en prenant le soin de montrer deux soldats en faction devant une délégation officielle visiblement peu rassurée.
A titre anecdotique, on peut rappeler qu’un tel jour il y a deux ans, le régime avait évoqué la production du combustible nucléaire et avait tiré des missiles en annonçant la capacité de détruire les alliés régionaux des Etats-Unis. Il y a un an, il avait annoncé la décision d’augmenter le taux d’enrichissement nucléaire à 20% et avait évoqué l’invention d’un drone extraordinaire. Mais l’été dernier après le boycott de ses principales manifestations anti-occidentales par tous ses miliciens, il avait cessé ce discours rigide. A l’heure où le boycott a touché les jeunes militaires, il ne pouvait pas annoncer de progrès bellicistes. Il avait cependant annoncé des progrès en matière de missile lanceurs de satellites et il devait évoquer le sujet. Il a alors organisé une présentation à ce propos pour sa communication interne sans tenir de propos provocateurs (les deux dernières photos de cette série) et a clos le sujet en annonçant la création d’un centre de traitement de données de ses futurs satellites civils ! Service minimum oblige, les images sont bien modestes !
Ce même dimanche, les médias, dernier bastion des fidèles du régime, ont été envahis par des faits divers, le procès des Américains détenus en Iran ou encore des faits inattendus : une manière d’occuper les attentions pour que l’on ne remarque pas l’absence d’annonces tonitruantes habituelles à propos des progrès nucléaires et balistiques. On a ainsi eu droit à la révélation de l’existence d’un musée des objets confisqués pendant la révolution !
Cette fois, cela a duré encore plusieurs jours (du J-5 à J-2) au moment où le régime devait mais n’a pas commémoré le rassemblement des pilotes militaires chez Khomeiny, événement qui avait annoncé l’adhésion des militaires à la révolution islamique. La poursuite de la diversion et l’absence de commémoration ont été la preuve que le régime n’avait pas seulement perdu le soutien des officiers de l’armée de terre, mais aussi le soutien d’autres officiers comme les pilotes militaires. Le régime était incapable de célébrer l’adhésion décisive de l’armée à la révolution islamique ! Tout un symbole ! Il faut cependant préciser que le 9 février 1979, les pilotes de l’armée de l’air impériale n’avaient pas trahi le roi et le peuple : des partisans de Khomeiny vêtus avec des uniformes d’officier de l’armée de l’air s’étaient rendus chez Khomeiny à l’école Alavi pour réaliser une photo les montrant de dos en train de saluer le vieux mollah pour simuler l’adhésion de l’armée à la révolution islamique afin de désorganiser le pouvoir. Là, le régime s’est posé des questions sur sa viabilité car dans ce cas précis, il n’y a pas eu de simulation, mais de vrais jeunes officiers lui ont tourné le dos. Que faire ? Le régime a diffusé ces images.
Avec ces photos, le régime a en fait admis qu’il était fichu. Il n’y a pas eu d’avis de décès dans les médias, mais le même jour, le régime a mis fin à la section internationale de son Festival de Cinéma pour renvoyer chez eux les 4 cinéastes étrangers présents pour cette occasion et susceptibles d’être témoins de son isolement. Le régime n’a pas oublié de leur donner des cadeaux pour qu’ils ne posent pas de questions à propos de cette interruption soudaine et prématurée des festivités.
Les mollahs n’ont aucune limite. Sur la première image, le slogan est celui des Pasdaran. Sur la seconde affiche, l’ambiance est au Jihadisme chiite !
Ce même jour, l’ayatollah Sadegh Larijani, chef du pouvoir judicaire et frère de l’actuel patron politique du régime Ali Larijani était en déplacement dans le Sud du pays pour rencontrer ses employés les juges et les mollahs chargés de la Prière de Vendredi (véritable porte-parole du régime). Il n’a tenu aucun propos choquant (il serait même question de les inciter à adhérer à la fausse révolution qui sera tentée par le régime). De fait, Larijani n’a évoqué aucune nouvelle pendaison, mais il reprendra ses menaces si le peuple bouge pour maintenir son excitation.
Nos sources en Iran ont parlé plutôt de plusieurs centaines de participants localisés à l’entrée de la Place Azadi. Nous avons bien regardé les images du régime. En nous basant que sur la couleur des banderoles et le texte des slogans, nous avons mis en évidence l’utilisation d’images d’archive faisant état de foules immenses qui n’étaient pas présentes sur la Place Azadi. En éliminant ces images, nous avons pu repérer une petite dizaine d’images correspondant réellement à cette journée. Elles ne permettent malheureusement pas de cerner le nombre exact des manifestants, mais contiennent néanmoins des détails intéressants. 1 | Tout d’abord, sur la Place, le régime a voilé le nombre réduit des manifestants en utilisant des drapeaux géants pour remplir l’espace.
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