Iran : La semaine en images n°150 03.01.2011 Au cours des mois et des semaines passés, nous vous avons exposé les images attestant d’une baisse continuelle du nombre des partisans du régime, en particulier les miliciens qui étaient chargés de la répression, mais aussi de l’animation de la fausse opposition, le Mouvement Vert, qui doit donner une couleur démocratique à l’islamisme et au refus de d’apaisement avec l’Occident. Le régime a perdu leur soutien après sa décision de limiter le pouvoir d’achat général pour habituer les Iraniens à vivre à l’heure de la pénurie afin de limiter le choc d’une pénurie soudaine. Lâché par cette base indispensable pour sa sécurité alors que le mécontentement couve, dernièrement, le régime s’est mis à évoquer la pollution de l’air pour annuler les manifestations impossibles à organiser, mais aussi pour inciter le peuple à ne pas sortir afin d’éliminer les témoins de son isolement. Par la suite, sa fausse opposition, le Mouvement Vert, qui est boycotté depuis des mois, a parlé de pluies acides et de pollution cancérigène non pas pour garder les témoins de son insuccès à distance, mais pour tétaniser les esprits et faire passer au second plan les manifestations vouées à l’échec. Cette semaine, on a de nouveau entendu parler de cette pollution foudroyante car le jeudi 30 décembre (9 Dey), le régime devait organiser une manifestation officielle : la Journée de soutien du Peuple au Guide ! Or, il y a deux semaines, après les échecs répétés pour mobiliser ses miliciens, sous l’impulsion de son nouveau patron Larijani, le régime a dû de nouveau augmenter les prix encore plus pour renforcer son plan de pénurie organisée pour échapper à la pénurie subie. Cela a détourné les Iraniens des transports en commun jugés trop coûteux. Tout le monde s’est mis à la marche à pied. La pollution a diminué ! On en a même la preuve car pour nier ce boycott, le régime a dû multiplier les reportages faisant état du succès des transports en commun. Ces reportages ne montraient aucun signe de pollution de l’air : manque de visibilité ou usage de masque. De fait, en évoquant une pollution inexistante, le régime a surtout convaincu les Iraniens qu’il n’avait pas pu recruter de nouveaux miliciens et qu’il était toujours en voie d’affaiblissement. Cela a autorisé un grand nombre de commerçants notamment les boulangers à ne pas appliquer son plan de rigueur. Le régime s’est fait une raison en affirmant qu’ils n’avaient pas augmenté leurs prix car ils utilisaient encore les stocks de farine achetés au prix subventionné alors que le prix du pain aurait dû augmenter en raison de la hausse du coût général de la vie pour permettre à ces commerçants de vivre et de consommer ! Le régime était face à une contestation de son autorité. Il aurait alors dû montrer les dents, mais il n’a rien fait. Ses dirigeants ont également fuit le contact avec la foule ou la presse pour éviter d’avouer leur défaite. On peut parler d’un repli tactique. Les images des évènements organisés par le régime pendant cette semaine laissent entrevoir un malaise plus profond. L’origine du grand malaise du régime | Il y a deux semaines, personne ne savait ce que donnerait la décision de Larijani de supprimer définitivement des subventions. Larijani lui-même pensait que son geste accompagné de rumeurs de déploiement d’une armée de miliciens allait intimider durablement le peuple pour asseoir l’autorité du régime et permettre un redémarrage en force. Au pire, en cas d’une émeute, il pouvait grâce à une répression limitée mais sanglante intimider durablement le peuple. C’était du gagnant-gagnant. On est à présent à l’heure du repli tactique car les Iraniens qui depuis des années vivent sous le seuil de pauvreté n’ont pas agi selon les prévisions de leurs dirigeants multimillionnaires. Ce peuple habitué à se nourrir de pain à la longueur d’année a très pragmatiquement juste diminué sa consommation de services vendus par l’Etat pour économiser assez afin de sauver son pain quotidien ! Dans le même temps, les boulangers qui sont au même régime maigre ont joué la carte de la solidarité en refusant d’augmenter leurs prix. Au final, il n’y a pas eu de révolte, mais une forme de contestation du régime : en fait, de l’indifférence envers l’autorité du régime. Le régime a immédiatement chargé ses « porte-parole » comme Delphine Minoui d’annoncer l’absence de révoltes comme une victoire, mais il sait qu’il est loin de la victoire car l’indifférence populaire envers son autorité le place face à une force capable d’un soulèvement. Cette force est urbaine et essentiellement à Téhéran qui contient 25% de la population du pays. Si Téhéran bascule, le régime basculera. Nous avons parlé d’un malaise profond car le régime a commencé cette première semaine de l’indifférence populaire envers son autorité par l’annonce d’un séisme capable de raser Téhéran en exhortant sa population soit 25% des Iraniens à vider les lieux ! Dimanche, au lendemain de l’annonce, le régime qui est expert en mise en scène a préparé un show avec de nombreux morts et très peu de moyens de secours !
Ce même dimanche, en écho à ce ressentiment que chacun évoque en se remémorant le passé, les photographes iraniens issus de la milice (qui ont été les premiers à rompre avec le régime) ont orienté les regards vers le Centre des Assurances Sociales de Téhéran ! Pourquoi ? Parce qu’avant la révolution grâce à la Révolution Blanche du Chah d’Iran, la couverture sociale universelle était à 100% pour tous les Iraniens. Tous les hôpitaux et tous les soins qu’ils prodiguaient étaient 100% gratuits alors qu’aujourd’hui les paysans et les femmes n’ont droit à aucune couverture, de même que les chômeurs, c’est-à-dire 85% des moins de 30 ans et 45% de gens de plus de 30 ans, ainsi que les ouvriers du bâtiment, les mains d’œuvre d’ateliers ou les salariés contractuels du service public. Les seuls bénéficiaires sont les fonctionnaires titularisés, mais ils payent d’abord (souvent en s’endettant) avant de pointer dans les centres d’assurances sociales en espérant être remboursé. Cela relève de la mission impossible car les centres ont été conçus pour décourager le visiteur : celui de Téhéran est situé dans un sous-sol humide et sans fenêtre. Il a peu de guichets et pas de salle d’attente : on doit faire la queue dans la rue. On est passé de 100% de confort face à la maladie à 100% d’angoisse d’être malade. Les photographes iraniens ne pouvaient choisir un meilleur sujet pour évoquer l’état de dégoût du peuple pour les mollahs.
Mais le régime avait aussi un problème de mobilisation lors de sa manifestation du jeudi, c’est pourquoi ce même jour, il a aussi parlé de la pollution de l’air en montrant des images d’un Téhéran plongé dans un épais brouillard de saletés !
Une situation semblable était arrivée quand pour attirer la sympathie de Washington, le régime avait prétendu que les partisans du Mouvement Vert avaient déchiré la photo de Khomeiny. Après l’échec de la tentative, l’islamisme du Mouvement Vert avait été restauré par une manifestation de ses jeunes membres en faveur de Khomeiny. Cela avait nui à au Mouvement Vert qui joue la carte de l’ambiguïté de ses positions. C’est pourquoi en ce mois de décembre 2009, l’affirmation de l’islamisme du Mouvement Vert a été assumée par Moussavi en personne et dans le même temps, le régime avait réuni près de 20,000 de ses manifestants officiels (2/3 de ses manifestants officiels à l’époque) dans une manifestation pro-Ahmadinejad sur la grande place aménagée de manière à donner l’illusion d’une très grande foule. Le régime avait alors parlé d’un million de manifestants ! Depuis, on a assisté à la fonte graduelle de ses troupes. En juin dernier, le nombre de ses fidèles est tombé à 3,000 personnes. Depuis, à chaque date de manifestation, le régime a d’abord annoncé une mobilisation exceptionnelle sur le lieu habituel du rassemblement avant d’évoquer la pollution pour créer une diversion anxiogène et éloigner la population de ce lieu. Cette fois, il a agi de la même manière, mais avec une nouveauté : une surenchère d’annonces de commémorations privées pour éliminer le lieu unique du rassemblement en l’occurrence une grande place impossible à remplir. Avec ce procédé, le régime n’avait plus besoin d’évoquer la pollution, mais il a reparlé… Le grand malaise bis | La raison est que cette semaine le régime a également réalisé qu’il avait en face de lui un peuple mécontent et indifférent envers son autorité, une bombe à retardement. Il est dans un contexte où il voit tout grand rassemblement comme une menace potentielle. Dans ce contexte, il a évoqué un gigantesque tremblement de terre afin d’inciter les Téhéranais à déménager. Ce qui est impossible. Il peut néanmoins éviter d’offrir à ce peuple sous pression des opportunités pour se rassembler. Il doit bien sûr éliminer les grandes places. Mais avec la masse de mécontents, il y a même un risque de formation de foule hostile lors de ses manifestations officielles d’où la nécessité d’utiliser toutes les excuses possibles (comme la pollution foudroyante) pour limiter le nombre de participants. De fait, le régime a un problème de mobilisation pour montrer sa popularité, mais il craint désormais ces mêmes rassemblements de peur que la situation ne lui échappe. Ces deux problèmes vont le mettre très mal à l’aise au moment de l’anniversaire de la révolution, le 22 février prochain. Mardi, suite | En attendant, le régime avait un autre problème : que faire d’Ahmadinejad et du Guide suprême, les deux héros de l’islamisme officiel, qui ne peuvent être associés à de petites foules qui n’ont rien à voir avec les mobilisations phénoménales annoncées dans les médias. Rien de plus simple dans la fantastique république des mollahs : Ahmadinejad s’est rendu dans une province reculée au moment où il devait accueillir ses centaines de milliers de partisans à Téhéran !
Mercredi, le Guide a reçu « des milliers de ses partisans » à l’intérieur de sa salle de prière. En fait, il a reçu environ 800 personnes car la salle a une capacité de 1000 personnes. Grâce à cette annonce, le Guide a été associé à la manifestation prévue le lendemain, mais on ne l’a guère vu ou entendu le lendemain.
Le mot d’ordre a été de submerger l’opinion avec un flot d’annonces, d’hommages et évènements pour brouiller les cartes.
Le principal rassemblement a eu lieu à Téhéran devant une petite salle de prière. Du fait de ses dimensions, il y avait une foule remuant devant l’entrée pour créer l’illusion d’une arrivée continuelle de fidèles, mais d’après les dimensions de la rue, la foule a été d’environ 800 personnes. Peut-être s’agissait-il des invités du Guide !
En fait, il s’est donné tout ce mal car au cours de ce mois, il a perdu les 2/3 de ses derniers partisans populaires ! Le régime est face à un défi pour organiser l’anniversaire de la révolution sur la gigantesque place Azadi. Dimanche : 1er effet de cette perte | Au cours des derniers mois, à chaque fois qu’il a constaté une nouvelle perte dans ses troupes, il a caché ses dirigeants pour ne pas envenimer la situation et dans le même temps, il a mis en avant l’affaire Sakineh pour focaliser l’attention de l’opinion publique occidentale sur elle afin de détourner l’attention de cet allié potentiel du peuple d’un changement de régime. Cette fois-ci, il a prolongé le repli tactique des dirigeants que l’on n’entend plus et avec une précision métronomique, il vient d’agiter Sakineh et son fils Sajjad (ci-dessous) avec un récit délibérément loufoque pour engendrer de nombreuses polémiques !
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