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Iran : La semaine en images n°137 03.10.2010 Le Bazar, principale entité sociale, qui a aidé les mollahs à prendre le pouvoir est en grève dans les grandes villes du pays depuis une semaine et la milice composée de jeunes qui doivent défendre le régime n’intervient pas. Le régime des mollahs est dans une situation grave. Son incapacité à rétablir l’ordre peut donner lieu à un élargissement du mouvement aux entreprises publiques et aux administrations. Cela pourrait signifier la fin du régime. Pour forcer les Bazaris à cesser leur grève, le régime a tenté de les intimider en incendiant les Bazars, en les accusant de voler le peuple et enfin en menaçant d’abord implicitement puis très ouvertement des arrestations musclées. Dans le même temps, le régime a tout fait pour minimiser la gravité des faits pour éviter l’adhésion du peuple ou l’abandon de ses partenaires économiques étrangers. De fait, alors que le pays brûle, il n’y a aucune image des grèves, des incendies, le régime a tenté de montrer des images faisant état de sa force basée sur le soutien d’un peuple heureux et d’une milice fidèle. Mais les images ne sont jamais neutres et nos amis les photographes iraniens nous ont envoyé des messages faisant état du contraire pour qui sait lire les images. C’est ce que nous vous proposons. Il y a une semaine, Ahmadinejad était à New York pour l’Assemblée Générale de l’ONU. Dans son discours devant des milliers de caméras, il a accusé l’Etat américain d’être à l’origine des attentats du 11 septembre pour avoir une raison valable d’attaquer l’Afghanistan. Il a ainsi affirmé que l’Etat américain avait non seulement tué ses propres citoyens sur propre sol, mais aussi qu’il avait falsifié des faits pour envoyer des centaines de milliers de jeunes américains se battre dans une guerre qui vient de dépasser en durée celle du Vietnam. La délégation américaine a quitté la salle et Obama a déclaré que ces propos étaient impardonnables. C’est exactement ce que souhaitait Téhéran : rendre impossible le dialogue demandé par Washington parce que le dialogue est une étape vers une réconciliation qui permettrait aux Américains de se poser en ami des musulmans intégristes et alors revenir à ce titre en Iran pour y tisser les réseaux nécessaires à leurs pions islamistes pour prendre le pouvoir de l’intérieur via une révolution de couleur. Cela permettrait à Washington de remplacer des islamistes qui ne roulent pas pour lui par ses pions qui dans l’opération auront gagné la stature nécessaire pour contrôler la masse musulmane (afin de pouvoir prendre le pouvoir en Asie Centrale au détriment de la Chine et la Russie). En choquant l’opinion pour rendre impossible le dialogue, qui est la clef de voûte de cette conquête de l’Ouma, le régime a perturbé les plans américains avec l’arrière-pensée que si Washington veut mener à bien son projet il devra accepter ses conditions. Or, ces conditions sont inacceptables pour Washington puisqu’il s’agit de reconnaître les mollahs comme le patron de la région et finir par se retrouver à la merci de leur marchandage sans fin. Les Bazaris iraniens ont conclu que Washington qui ne peut pas accepter ce genre de remise en cause de son autorité allait sans doute renforcer ses sanctions pour faire plier les mollahs afin de les pousser à venir le supplier de négocier. Ces amis du régime, alliés de tout temps, n’ont pas aimé car Washington prive les mollahs de leurs revenus en devises pour provoquer des pénuries afin que, par peur d’émeutes susceptibles de provoquer leur chute, les mollahs acceptent le dialogue et ces derniers qui doivent refuser le dialogue ont tout simplement augmenté les prix pour baisser la consommation afin de réduire leurs dépenses et habituer les Iraniens à la pénurie. Plus de sanctions étaient synonymes d’une plus forte hausse des prix donc moins de clients et plus de mécontents en colère dont le Bazar aurait fait doublement les frais. Le Bazar a pris les devants en faisant grève, un acte très fort car il a contribué à la chute du Shah en faisant grève et mettant des millions gens dans les rues. En ajoutant à cela le fait que le Bazar n’a pas sa place dans le modèle économique des Etats alliés des Etats-Unis, on est clairement dans une situation où le Bazar est face à deux ennemis avec le devoir de les neutraliser ce qui lui laisse un seul choix : abattre le régime par une grève. Le régime qui sait que ceci a compris qu’il était dans une situation de guerre contre son ancien allié à qui il manque une seule chose pour vaincre : le soutien et la confiance du peuple. Etant donné qu’il ne peut pas séduire le peuple car ce dernier veut sa chute et un océan de sang pour venger 30 ans de maltraitance, le régime a employé sa semaine à se montrer fort et serein tout en intimidant le Bazar pour le faire reculer ou en l’accusant de voler le peuple pour empêcher leur unité. Samedi (1er jour de la semaine en Iran) | Cette semaine d’efforts complexes a commencé par une reculade. Pour désamorcer la crise, samedi, le régime n’a pas réservé un accueil chaleureux à Ahmadinejad à son retour. Il est rentré très discrètement et sous le feu des critiques des parlementaires à l’égard du ton employé à New York. A cette occasion, le régime a orienté ses projecteurs médiatiques sur ce jardin zoologique qu’est son Parlement, présidé par Ali Larijani, le n°2 du Conseil de Discernement (le véritable gouvernement du régime).
Lundi : manipulations hasardeuses | Après ces deux jours d’apathie, lundi, le premier coup du régime a été de viser les Bazaris à la bourse. Le régime a augmenté de 50% le taux iranien du dollar qu’il maintient artificiellement bas depuis des années, à au moins 1/7ième de sa valeur réelle, pour permettre aux Bazaris d’importer en toute aisance des produits étrangers avant de transformer leur brouette de recettes de Rials en des quantités astronomiques de dollars. Un dollar plus fort est équivalent à des prix plus hauts et des clients en moins. Pour un effet maximum, la Banque Centrale Iranienne (BCI) qui veille rigoureusement au maintien du taux est restée silencieuse et inactive. On peut parler d’un avertissement ponctuel car dans le même temps, l’Euro, qui n’intéresse pas les Bazaris, n’a pas varié dans les mêmes proportions : ainsi pendant quelques heures, le taux iranien de l’Euro a été inférieur au taux iranien du dollar. Les choses sont devenues normales à la suite de l’intervention de la Banque centrale Iranienne car le taux doit rester bas pour les mollahs et les Pasdaran qui sont eux-mêmes des commerçants. Ce premier avertissement n’a pas fait reculer les Bazaris ; le lendemain, le régime a recommencé en faisant grimper le taux à + 70% et en accusant les Bazaris de spéculer sur le dos des Iraniens afin de les dépouiller. On peut cependant supposer un très gros mensonge d’une part parce qu’il n’existe pas de photos confirmant cette suractivité des agents de changes et d’autre part parce que suite à cette hausse, les Iraniens ont paniqué et le régime est intervenu pour baisser le taux qui n’a plus décollé, ce qui n’est pas possible quand il y a une spéculation intensive. Pour désamorcer une nouvelle crise qui aurait pu le déstabiliser, il s’est vu obligé d’affirmer qu’il était devenu un exportateur d’essence et il a alors mis de côté cette solution hasardeuse de manipulation des taux de change pour essayer le langage de la force qu’il connaît mieux. Mercredi : le discours de confiance | Dans un premier temps, le Conseil de Discernement qui est chargé de la gestion politique du régime a envoyé l’un de ses plus importants membres, Velayati, qui est l’ambassadeur plénipotentiaire du régime, à la rencontre des hauts gradés des Pasdaran qui sont les derniers fidèles du régime. Le discours était axé sur la défense nationale. C’est à partir de ce moment que ce n°137 de la semaine en images devient intéressant car les jeunes photographes iraniens issus de la classe moyenne ratatinée par ce régime ont su saisir l’instant pour nous montrer ce que le régime veut cacher. Nous vous laissons juges de l’impact du discours de Velayati sur les Pasdaran.
De ce volet militaire de l’affirmation de sa puissance, le régime n’a retenu que des photos du ministre en train de réceptionner les hydravions car les manoeuvres terre-mer du régime ont été un désastre. La majorité des agences de presse l’ont censurée car on y voit guère des troupes d’élite, mais des vieux ou des jeunes inexpérimentés qui ne savent même pas comment tenir leur fusil. Cela confirme une forte démobilisation du côté des troupes. Ce que le régime avait constaté depuis l’été 2009.
A la vue de certaines images, on pourrait supposer que le régime a encore des ressources, mais une vue de face montre que ses sauveurs du régime étaient environ 200. Une autre vue d’un film projeté montre qu’ils étaient 10,000 il y a trois ans.
Jeudi soir : la riposte | Le régime a décidé vite. Par le passé, à chaque fois qu’il avait craint les Bazaris, un haut lieu du Bazar avait brûlé entièrement grâce à une intervention tardive des pompiers. Cette fois, le soir du constat de sa faiblesse, la plus grande chambre froide du Bazar situé à Chiraz qui contenait le plus grand centre de conditionnement du pays a pris feu et a brûlé entièrement ! Il est dit que les pompiers sont intervenus, mais il n’existe aucune photo de cette catastrophe ce qui laisse supposer le contraire. Les grévistes n’ont pas reculé, le Bazar de Khorram-Abad s’est mis en grève. Par le passé, après chaque incendie, le régime avait menacé les Bazaris avec des interventions de pompiers affirmant que les souks étaient vétustes et susceptibles de brûler à tout moment. Cette fois le régime a diffusé ce message par un discours du chef des pompiers iraniens lors de la Prière de Vendredi à Téhéran qui est depuis 30 ans le rendez-vous hebdomadaire entre les dirigeants et les Bazaris. Vendredi : prière et menaces | Avant le discours du principal orateur religieux, c’est le chef des pompiers du régime (1ière photo) qui a parlé. Il a évoqué le risque sérieux que le bazar de Kermân (le plus ancien d’Iran) brûle encore. Après ces propos, c’est Ahmadi-Moghadam, le chef de la police (2nde photo), qui a pris la parole pour menacer les grévistes de l’intervention très musclée de ses troupes. Ces discours de menace pure n’ont pas été entendus par les Bazaris car ces derniers étaient absents.
Pour vous montrer l’évolution de la fréquentation, voici une photo de la Prière de Vendredi il y a quelques mois, puis une photo de la semaine dernière suivie des photos de cette semaine (en province aussi les salles de prières étaient remplies de gradés).
Le même jour, le régime a également ordonné la destruction du passage Delgosha, une aile du Bazar de Téhéran qui avait été classée monument historique à l’époque du Shah.
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