![]() | |
Iran : La semaine en images n°134 12.09.2010 Il y a dix jours, le vendredi 3 septembre, le régime des mollahs organisait la Journée de Qods qui célèbre la victoire (promise) des musulmans sur les juifs et la prise (prochaine) de Jérusalem. C’est une journée fondamentale pour les mollahs car elle marque les liens entre leur régime et les milices islamistes arabes qu’ils financent. Ces milices sont la garantie de la puissance de nuisance régionale du régime. Pour préserver cette force, le régime devait mobiliser le plus largement possible afin de montrer l’engagement des Iraniens avec ces milices arabes. Mais la mobilisation a été nulle car depuis longtemps le régime a perdu le soutien de ses alliés intérieurs, la milice et le Bazar, qui lui reprochent de les sacrifier pour ne pas accepter de compromis avec les Américains. Pourtant pour les récupérer d’une manière générale et en particulier pour les mobiliser pour cette Journée de Qods, le régime avait assoupli d’une manière étonnante l’ensemble de ses positions vis-à-vis des Etats-Unis en cessant toute provocation ou menace et en évoquant à tout bout de champ sa volonté de dialogue au point de perdre la face devant ses milices de la rue arabe. L’échec cuisant de la mobilisation après 1 mois de souplesse absolue a convaincu le régime qu’il avait définitivement perdu toute chance de reconstituer cette base. il s’est retrouvé dans une position délicate car l’été dernier quand le peuple s’est soulevé, la milice est restée inactive, mais le Bazar qui est un faiseur historique de révolution n’avait pas suivi le mouvement. A présent, il pourrait suivre et créer les conditions d’un changement de régime souhaité par tous. Le régime a alors pris trois décisions complémentaires que nous verrons en images. La première a été de retourner à sa politique de refus de dialogue puisqu’il n’y a aucun espoir de séduire le Bazar. La seconde décision a été de punir le Bazar qui est la force la plus décisive dans cette équation et la troisième et dernière décision et sans doute la plus intéressante, a été d’annuler un certain nombre de mesures limitant le pouvoir d’achat pour apaiser la colère générale. déclencheur souple | Cette semaine (placée sous le signe des manœuvres délicates) a commencé en trombe par la rumeur d’un malaise cardiaque d’Ali Larijani (qui revendique la direction du régime) après la désastreuse Journée de Qods. Etant donné que ce type est l’un des plus jeunes de la clique au pouvoir, on imagine l’état des autres à la vue de ces rues vides sans aucune trace de treillis paramilitaires. Pour faire bonne figure, le régime a prétendu qu’Ali Larijani qui est aussi le président du Parlement a eu un petit malaise suite à la fatigue provoquée par les débats éreintants sur la réglementation de droit au mariage temporaire et au remariage. Or, cela a eu lieu il y a longtemps et Larijani s’était bien amusé pendant ce débat qui est un bouche trou du régime quand il n’a rien à dire. En attendant qu’il se rétablisse (il était debout vendredi), un autre barbu nommé Abou-Torabi a occupé son siège dans la quasi-indifférence des autres. Mais, le régime a compris qu’il fallait agir au plus vite pour éviter une épidémie de syncope ou une autre chose.
Pour reprendre cette politique d’amplification de crise après un mois de pause, il fallait une bombe médiatique ! A cette fin, le régime a expédié Ahmadinejad au Qatar pays allié des Etats-Unis. L’Emir du Qatar a accueilli à bras ouverts Ahmadinejad car il a cru que ce dernier venait négocier une capitulation après l’échec de mobilisation et la peur d’une révolution. Téhéran a peut-être laissé supposer une telle chose car Ahmadinejad s’est vu proposer une tribune ce que les Etats-Unis refusent aux représentants du régime pour éviter l’escalade souhaitée par ces derniers. Une fois devant le micro, celui que le peuple iranien avait dès son élection en 2005 appelé le singe a surpris tout le monde en accusant les Etats-Unis d’avoir organisé les attentats du 11 septembre juste avant la commémoration de cet événement. Il a aussi évoqué sa capacité à détruire Israël si celui-ci ou les Etats-Unis s’avisaient d’attaquer l’Iran. L’émir a sans doute eu quelque palpitation (on le dirait). Ahmadinejad a remis le couvert quelques heures après dans une rencontre avec des « journalistes iraniens basés au Qatar », journalistes dont la dégaine vaut le détour.
âge de feu | Après avoir relancé sa politique de provocations, le régime est passé au second acte de son plan de redressement vis-à-vis de la fronde intérieure avec une punition pour le Bazar, le facteur décisif pour un changement de régime. Au cours des derniers mois, chaque fois qu’il a eu des problèmes avec le Bazar, un lieu lié a ce corps social avait été victime d’un incendie. Cette fois n’a pas été une exception à la règle : en effet, c’est le marché aux fleurs de Machhad qui a été réduit en cendres le lundi 6 septembre.
La première phase de ce plan avait été la suppression des aides alimentaires en nature. Cette suppression avait privé le régime du soutien des familles les plus pauvres et cela s’était soldé par un boycott des manifestations par ces dernières. Par la suite, le régime avait alors perdu l’affection des jeunes miliciens bassidjis issus de ces familles malmenées. Le régime était alors occupé à fond dans sa politique d’augmentation des prix et n’a pas vu venir cette rupture, il l’a réalisée quand ces jeunes miliciens chargés de sa sécurité n’ont pas pris sa défense lors du soulèvement populaire de l’été 2009. Dès lors les relations avec ces jeunes sont devenues très mauvaises au point que régime les avait désarmés en décembre 2009. Il s’était alors reposé sur les miliciens plus âgés qui ont également rompu avec le régime en raison de sa politique d’augmentation des prix qui a placé tout le poids des sanctions sur le peuple. C’est cette même politique de hausses incontrôlées des prix qui a aussi privé le Bazar de ses clients, provoquant sa rupture avec le pouvoir. Cette rupture est entrée dans une phase critique quand le régime s’est mis à incendier les commerces. Cette semaine, ayant constaté qu’il ne pouvait pas récupérer les Bazaris (c’est fou qu’il l’ait pensé) ou encore les Bassidjis, qui sont tous les deux des corps sociaux organisés, le régime s’est retourné vers le peuple, corps social non organisé donc théoriquement plus malléable. Il a annoncé le retour des aides alimentaires en nature pour récupérer ce composant central d’un soulèvement ! En gros, diviser pour mieux régner. Parallèlement à cette annonce très rassurante, son objectif étant de mobiliser ces gens pour prouver à ses derniers partisans qu’il est encore solide, le régime a annoncé qu’il offrirait le transport gratuit pendant toute la journée par bus, autocar de luxe, et même 700 taxis (à Téhéran) pour acheminer gratuitement tout le monde à la grande fête de la fin du Ramadan qui se tenait ce vendredi au gigantesque mausolée de Khomeiny. diversion médiatique | N’étant cependant pas très sûr du résultat, en ce début de la semaine, le lundi 6 septembre, après avoir mis en place toutes les pièces de son puzzle, Téhéran a aussi donné un coup de collier dans l’affaire Sakineh pour réanimer cet écran de fumée destiné à accaparer les médias afin que la vraie info sur sa précarité ne saute à tous les yeux. Les Européens qui marchent à fond avec les Américains pour préserver ce régime l’ont aidé dans cette tâche. C’est ainsi que ce lundi c’est tenu à Paris une conférence de presse sur la nécessité de se focaliser uniquement sur Sakineh. Cette conférence a été animée 3 personnages que l’on voit sur cette photo.
A l’autre extrémité de la table se trouve Mina Ahadi, une « opposante iranienne » qui aide Mohammad Mostafaï pour la promotion de ces affaires en tant que militante des droits de l’homme. Ahadi est une ex-membre de Toudeh, un parti haï par les Iraniens car il voulait livrer le pays aux Soviétiques dans les années 50 et a aidé Khomeiny en 1979. Ahadi est aujourd’hui membre d’un nouveau parti inspiré de Toudeh. Cette entité soutenue par l’Europe a pour fonction d’être l’infréquentable qui rend impossible l’unité de l’opposition en exil. Le panel était complété au centre par Bernard-Henri Lévy, l’ami du Commandant Massoud, ce sympathique combattant de l’islam qui a appliqué la charia et ordonné des viols collectifs (sur les chiites), mais qui est exempt de toute critique car il roulait pour les Etats-Unis. Bernard-Henri Lévy est également actif pour la promotion de Moussavi, un autre islamiste au pouvoir en Iran, ainsi que de soi-disant opposants iraniens en faveur d’une république islamique démocratique. mauvais pari | Après avoir ainsi mis en place toutes les pièces de son puzzle (provocations d’Ahmadinejad, incendie du Bazar, promesses au petit peuple, écran de sécurité médiatique), le régime s’est fait tout discret pour attendre la fête de la fin de Ramadan en espérant une belle mobilisation surtout que la fin de ce mois est une fête religieuse. Ces espoirs ont été vains ! La mobilisation a été inférieure à celle de la Journée de Qods, si bas qu’il n’y a aucune photo de l’arrivée massive des croyants. A Téhéran, le mausolée est resté vide. Le régime a dû réunir par on ne sait quel artifice 3000 personnes qu’il a disposées dans une rue à proximité de l’université de Téhéran où se tenait la prière de vendredi. La foule a été si petite que le régime n’a même pas pu remplir Le parvis de la porte d’entrée de l’université.
renforts | A ce moment où le régime se trouvait très menacé, BHL a appelé à une manifestation nationale en faveur de Sakineh et la Grande-Bretagne, alliée historique du clergé chiite iranien, a secouru ce dernier en acceptant de lui prêter pour 4 mois, le cylindre de la déclaration des droits de l’homme de Cyrus de Grand dans l’espoir que le régime puisse enfin mobiliser les Iraniens avec quelque chose qu’ils adorent. C’est idiot comme l’expression des officiels du régime qui sont censés être sous le charme de ce mythique cylindre car ce petit objet risque de donner aux Iraniens ce qui leur manquait pour agir : un rappel qu’ils ont été très grands.
|