Iran : La semaine en images n°131 22.08.2010 D’un point de vue international, l’événement de la semaine a été l’inauguration de la centrale de Bouchehr. Cela a aussi compté pour les Iraniens, mais négativement, puisqu’ils l’appellent la Tchernobyl iranienne. La Russie n’a pas la cote en Iran. Par ailleurs, pour les Iraniens, cette inauguration est passée au second voire troisième plan car le régime a annoncé le début officiel de la procédure de suppression des prix subventionnés qui annonce des hausses de prix vertigineuses. Le prix de l’électricité a déjà été multiplié par 12 sans aucun avertissement, sans doute pour tester la réaction de la rue. À présent, on prépare l’opinion pour une multiplication par 30 ou par 60 du prix du pain. Cette mesure économique qui est le résultat direct des sanctions traumatise tout le monde, c’est pourquoi les mollahs qui jouent les intransigeants sur la scène internationale ont été très discrets depuis une semaine. On ne les avait guère vus ou entendus sur la scène nationale, cela a continué cette semaine : malgré une actualité riche en commémorations révolutionnaires, les mollahs ont assuré un service minimum. Ce qui fait un peu désordre pendant le mois de Ramadan ! Avant les images de ce cache-cache, voici un exposé sur les risques encourus par le régime en cas d’une libération des prix. La politique de refus de tout compromis ou dialogue avec les Etats-Unis est difficile à supporter pour les mollahs eux-mêmes. Mais ils n’ont guère le choix. Les mollahs ont accédé au pouvoir en 1979 dans une coalition révolutionnaire aux côtés des membres de la formation islamo-fédéraliste du Nehzat Azadi qui était financée par Washington depuis les années 60. L’Etat américain voulait installer les gens du Nehzat Azadi et sa branche armée l’OMPI au pouvoir et à la commande des Pasdaran pour générer une vague révolutionnaire-islamiste qui déstabiliserait l’Asie Centrale désintégrant la Russie et la Chine. La vague devait aussi déstabiliser et redessiner le Moyen-Orient avec le Hezbollah chiite dont l’embryon a été conçu dans les années 70 par Mostafa Chamran, un des membres fondateurs de Nehzat Azadi. Les mollahs, utilisés comme catalyseur social, ont renversé le gouvernement provisoire à 100% Nehzat Azadi avec l’aide des Bazaris pour s’approprier les 3 instruments imaginés par Washington : la république islamique, les Pasdaran et le Hezbollah. Depuis 30 ans, Washington cherche à trouver un terrain de dialogue ou à forcer le dialogue par des sanctions afin de parvenir à une réconciliation pour permettre à ses pions de revenir en Iran afin de prendre le pouvoir de l’intérieur de manière « démocratique ». C’est pourquoi Téhéran refuse tout apaisement ou le moindre dialogue constructif ! Il en va de sa survie d’avorter tout dialogue quand cela devient constructif ! Cette attitude a mis Washington dans l’embarras car il voulait reprendre le régime et non risquer de le perdre. Pour éviter de se retrouver en situation de sanctionner les mollahs au point de les renverser et en même temps pour les secouer vraiment, en 1996, Washington s’est attaqué aux faiblesses du régime : sa dépendance aux revenus pétroliers et sa dépendance à l’importation pour approvisionner le marché intérieur car pour plaire au Bazaris et s’enrichir, les mollahs ont toujours privilégié l’importation à la production. Washington a sanctionné les compagnies pétrolières pour les empêcher d’investir en Iran et les mollahs ont perdu 50% de leur budget d’achat de produits de grande consommation. Après cette claque, Washington a sans cesse envoyé discrètement ses divers alliés en Iran pour harceler les mollahs avec des promesses de contrats alléchants, alternant ainsi les punitions et les promesses de cadeaux en cas de réconciliation. Mais cela était absurde pour les mollahs car en cas de réconciliation, ils devaient céder les pouvoirs politiques et économiques aux pions de Washington et alors, les bénéficiaires de grands contrats seraient ces gens liés aux Etats-Unis. une 1ère annonce de suppression suivie d’émeutes | Dès le début de cette politique de double approche (dont Washington est très fier), les mollahs ont compris qu’ils étaient condamnés dans tous les cas de figures. Il fallait mettre fin le plus rapidement possible à la guerre d’usure économique : ils ont décidé d’intensifier leur provocation pour engager le plus rapidement possible les Américains dans une escalade afin de les forcer à abandonner par peur d’une guerre régionale perturbant l’approvisionnement pétrolier mondial. Washington a esquivé ces provocations et il a étendu ses sanctions au domaine bancaire pour réduire encore l’accès des mollahs aux devises étrangères pour les mettre dans l’embarras pour approvisionner le marché afin que par la peur d’émeutes ou de soulèvements provoqués par des pénuries, ils cèdent. Téhéran faisait un chantage à la guerre pétrolière, Washington lui a répondu par un chantage à la pénurie et à la révolution. Les mollahs n’ont pas cédé et ils se sont mis en quête de solutions d’urgence. Quelques mois plus tôt, après le début des sanctions bancaires, la première approche du régime alors menacé d’un embargo sur l’essence a été de supprimer les prix subventionnés de l’essence pour brider sa consommation. Il y avait alors eu une nuit d’émeutes autour des pompes à essence et des pillages de grands magasins. Le régime avait annoncé des dizaines d’arrestations et même deux condamnations à mort. Mais les images de cette nuit donnaient à penser que l’opération était factice du moins autour des pompes à essence. Rétroactivement, il nous semble que Téhéran avait organisé l’émeute pour tester la population. Il y a eu des pillages ponctuels, mais la ville n’a pas globalement bougé malgré les rumeurs lancées par le régime et ses médias. Le régime a alors mis en place une libération partielle du prix de l’essence, ce qui laisse supposer qu’il n’a pas été entièrement rassuré à l’issue de ce test, d’où les annonces dissuasives des condamnations à mort. C’est pourquoi quand Washington a réduit ses revenus en devises, le régime n’a pas annoncé une libération partielle des prix de tous les produits de grande consommation et il est allé puiser des devises, là où il y en avait : sur les comptes bancaires des Bazaris ! Plus de 30 milliards de dollars ont été retirés des comptes privés pour les dépenses d’un an. Quand les Bazaris ont protesté contre la politique de refus de compromis, le régime a incendié le Bazar de Téhéran. Quand les Bazaris ont appris pour leurs devises, Téhéran a menacé de les pendre. Le régime a alors perdu ses alliés les Bazaris. La 2nde annonce de suppression : tout pour éviter des émeutes | Les Bazaris étant à sec, le régime s’est attaqué au fondement de son problème : l’approvisionnement du marché intérieur. Se voyant incapable d’y parvenir, il a décidé de réduire la consommation en réduisant le pouvoir d’achat des Iraniens, mais sans hausse de prix par peur de pillages et d’émeutes réels. Sa première mesure a été de supprimer les primes mensuelles versées à des millions de miliciens, fonctionnaires ou retraités. Il a aussi supprimé les aides en nature (produits importés distribués gratuitement). Cela a choqué les victimes car les dirigeants continuaient à vivre dans l’opulence et à toucher des salaires extraordinaires équivalents à des dizaines d’années de salaires d’un fonctionnaire. Les mesures mises en place ont été insuffisantes et finalement le régime a dû annoncer une prochaine suppression des prix subventionnés au début de l’année 2009 pour brider la consommation. Il a présenté cela comme un progrès social : il allait supprimer des subventions qui profitaient aux riches comme aux pauvres pour ne distribuer des allocations qu’aux pauvres. Dans le même temps, il continuait ses provocations pour déclencher une escalade et forcer Washington à capituler. Pour éviter cette escalade, Washington a annoncé une nouvelle politique d’apaisement : en fait, il a rendu officielle et non clandestine sa politique de sanctions et d’offres de dialogue et d’investissements. On donnait un délai supplémentaire à la guerre d’usure pour forcer la réconciliation qui permettrait le retour des pions islamistes de Washington chassé du pouvoir en 1979. Téhéran a alors intensifié ses provocations et face au chantage de changement de régime, il a inventé le Mouvement Vert, un courant soi-disant démocratique pour un retour aux principes de base de Khomeiny ! En juin 2009, le régime voulait organiser sa propre révolution de couleur avec Moussavi, un drôle de démocrate qui plébiscitait la suppression des prix subventionnés. Mais en autorisant le droit de manifester à un peuple très en colère, le régime s’est retrouvé avec un soulèvement. Le régime a alors réalisé l’impact de ses mesures économiques : quand des millions d’Iraniens étaient dans les rues avec des slogans comme « Mort à la république islamique », les miliciens surtout les cadets du bassidj n’ont pas bougé. Le régime a réprimé le peuple par les Pasdaran quadras et le peuple s’est retiré des rues, boycottant le Mouvement Vert ouvertement pro-Khomeiny. Ce soulèvement, l’inaction des bassidjis et par la suite le boycott populaire vis-à-vis du Mouvement Vert ont fortement déplu à Washington car il a cru que les Iraniens allaient renverser ou discréditer le régime dont il a besoin. Il a refusé tout soutien aux opposants hostiles au régime, il a apporté son soutien au Mouvement Vert pour sauver l’islamisme et il a permis au régime de respirer un peu en lui accordant quelques revenus en devises via ses alliés comme l’Europe, l’Irak, le Japon, l’Inde, la Corée du Sud. Washington a aussi cessé de l’accuser sans arrêt pour éviter de se retrouver en situation de le sanctionner… Il a ainsi fermé les yeux sur les efforts des mollahs pour agiter le Moyen-Orient ou encore sur les aides militaires aux Talibans. Téhéran a empôché l’argent, il a retardé l’application à risque de son projet de suppression des subventions, mais il n’a pas cédé. Il a profité de l’accalmie pour tenter de faire revenir les Iraniens dans les rues à des dates de manifestations du Mouvement Vert. Il n’y est pas parvenu. En juillet dernier, il a provoqué une grève au Bazar pour insinuer une rupture révolutionnaire afin que le peuple se déplace en masse à la veille d’une manifestation du Mouvement Vert. Le peuple n’a pas été au rendez-vous, mais le Bazar a poursuivi sa grève créant de facto une situation pré-révolutionnaire. Le régime a eu très peur car il a été encore une fois incapable de compter sur ses miliciens pour contraindre les Bazaris à reprendre le travail. Le Bazar, ex-allié profiteur, est alors redevenu un acteur politique de poids. Ce mois de juillet, Téhéran a eu un second choc. Washington en difficulté en Afghanistan, critiqué pour son inaction au Moyen-Orient, a décidé de s’attaquer à la source de ces problèmes, c’est-à-dire aux mollahs en réduisant le commerce autorisé pour leur assurer un minimum de devises. L’Allemagne a coupé les ponts pendant la grève. Téhéran n’a pas bougé, il a même intensifié ses provocations. L’Europe a officiellement lâché les mollahs, Téhéran a continué ses provocations encore plus intensément en disant qu’il allait remplacer cette source de devises par la Chine et l’Asie : la Chine a refusé de signer de nouveaux contrats pétroliers et le Japon a lâché Téhéran. L’Irak a cessé ses livraisons d’essence, privant Téhéran de la part réservée au secteur privé : le régime a compris qu’il lui fallait activer rapidement la procédure de suppression des subventions pour étouffer la consommation. Craignant un manque de coopération du Bazar, il a incendié plusieurs dépôts et il a agressé plusieurs meneurs parmi les Bazaris. Il a aussi cessé les provocations censées casser le dialogue pour annoncer qu’il n’y aurait jamais de dialogue avec les Etats-Unis et enfin il a exposé les armes conçues pour couler des pétroliers dans le but de provoquer un clash. Washington a esquivé le clash et son allié la Turquie a divisé par quatre ses livraisons d’essence. La suppression était plus nécessaire que jamais car on était à quelque jour du Ramadan, période propice à une surconsommation. Il était clair que Téhéran devait aussi déclencher une escalade. Comme une mesure test de cette suppression à risque, Téhéran a multiplié par 12 le prix de l’électricité et il a également annoncé la présentation de nouvelles armes très destructrices pour le 22 août, journée nationale de la promotion de l’industrie militaire. Mais, le régime avait tapé trop fort sur les Bazaris : trois Bazaris sont morts à Machad. Les Bazars de plusieurs villes se sont mis en grève : Téhéran a alors cru détecter un début de contestation de la part de son nouvel adversaire, favorable à un dialogue avec les Etats-unis, il a réduit un peu son niveau de provocation en ralentissant le rythme de ses provocations anti-dialogue. Il devait annoncer une nouvelle arme chaque jour, son premier geste d’apaisement a été de cesser ce genre d’annonce dès le lundi 16 août. © WWW.IRAN-RESIST.ORG
Cette guerre est une source de mécontentement pour les Iraniens car non seulement le régime a continué la guerre par recherche de profit provoquant des centaines de milliers de morts, mais encore après ce crime, il a oublié les victimes de la guerre en accordant de petites pensions misérables aux gazés et les invalides et en abandonnant les villes détruites qui étaient de cités pétrolières riches et épanouies avant la guerre et la révolution. Les principales villes de la région de Khouzestan porte les séquelles de cette guerre. Ahwaz et ses banlieues dévastées font partie du lot.
Le régime s’est débarrassé de cette corvée en organisant une conférence sur les prisonniers sans les intéressés. Elle était animée par Mohsen Rezaï, ex-chef des Pasdaran et un des champions des pots-de-vin pendant la guerre. Le régime a également organisé une mini rencontre entre quelques anciens combattants bien-portants et Rafsandjani, actuel patron politique du régime, mais aussi ancien ministre de guerre et super champion des pots-de-vin militaires.
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De fait, il n’y a eu aucune fanfare grandiose pour cette inauguration et l’on n’a pas vu ou entendu Ahmadinejad. Cela s’est passé entre techniciens iraniens et russes dans une ambiance très sobre : des images pour expliquer la mise en place de barres de combustible et une conférence de presse avec les employés de la Centrale et un mollah dont l’utilité n’a pas été précisée.
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Qui peut croire au succès d’un tel projet ? La réponse est sur la photo de la conférence de presse des deux ministres des affaires étrangères.
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