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Iran : La semaine en images n°126 18.07.2010 La semaine qui s’est terminée a été riche en évènements : la grève générale dans les Bazars des principales grandes villes du pays, le geste conciliant des Etats-Unis de restituer un homme qui affirmait être enlevé et finalement l’attentat contre les Pasdaran dans une mosquée de la ville de Zahédan qui est l’œuvre d’un groupe financé par Washington. L’ensemble de ces évènements ont un point commun : ils sont liés et malgré leurs intérêts, il existe une palette très réduite d’images les concernant. Cette décision du régime tient au fait que les images racontent bien plus qu’elles ne sont supposées montrer. Le régime a réduit le champ d’investigation des Iraniens pour éviter certaines réactions populaires qu’il juge désagréables. Dans ce 126e numéro de la semaine en images, nous pourrons cerner certains de ces sujets d’inquiétudes. une situation pré-révolutionnaire | Cette semaine ne pouvait que déranger le régime car elle a commencé par la grève qui a débuté, il y a une douzaine de jours au Bazar. Les mollahs ne pouvaient être que mal à l’aise car le Bazar est l’allié politique du clergé depuis 1830 et la révolution islamique a triomphé grâce au Bazar qui a lancé une grève nationale pour mettre au chômage des millions de gens très pauvres afin de créer une situation instable. À l’annonce d’une grève générale, chacun a pensé à une rupture et plus elle dure, plus on pense à une révolution à l’envers. De fait, le régime a vécu une semaine avec la hantise de cette détérioration et a commencé la semaine avec ce qui peut y mener : le ralliement des commerçants de plusieurs villes à la grève. Le régime s’est retrouvé mis en danger comme pendant le soulèvement populaire de l’été dernier. Cette semaine, le régime a vécu avec une menace presque plus importante que le soulèvement révolutionnaire de juin 2009 car à l’époque le peuple était dans les rues, mais les Bazaris étaient restés du côté du régime. Avec une rupture de ce côté, on entre dans une situation pré-révolutionnaire : tout devient possible, un autre soulèvement lui serait fatal. Le malaise du régime est d’autant plus grand qu’en juin 2009, les Iraniens ont pu descendre dans la rue quand le régime a voulu simuler une révolution de couleur, le Mouvement Vert, en faveur du très anti-américain Moussavi pour signifier l’attachement du peuple aux valeurs de Khomeiny et ainsi avoir une raison légitime de continuer à refuser tout apaisement avec les Etats-Unis. Mais une fois dans la rue, les Iraniens n’avaient pas agi comme le voulait Téhéran : ils avaient scandé des slogans hostiles au régime et surtout, ils avaient chanté l’hymne national interdit par Khomeiny comme un signe de leur envie d’effacer la révolution islamique. On connaît la suite : Moussavi avait appelé le Guide à réprimer les contre-révolutionnaires. Le régime avait réprimé et maté le soulèvement. Il aurait alors pu en finir avec ce faux-pas, mais ce qui est extraordinaire est qu’après avoir maté le peuple dans de telles conditions, le régime a tenté de l’attirer par toutes les ruses dans les rues pour donner une réalité à sa fausse révolution de couleur. La situation actuelle est la suite de ces efforts pour provoquer des manifestations. La semaine dernière, Téhéran a poussé le Bazar à la grève par l’instauration d’un impôt injuste pour simuler une situation pré-révolutionnaire aux alentours du 9 juillet, date d’une manifestation du Mouvement Vert. Le résultat est un avatar du soulèvement de juin dernier : le Bazar autorisé à fermer refuse de rouvrir malgré le retrait de l’impôt qui a provoqué la crise. Il y a un air de parenté entre cette grève et le soulèvement du peuple iranien en juin dernier. Cette ressemblance ne se limite pas à la menace latente pour le régime, il y a d’autres points de similitude. Le premier est qu’en juin dernier, les jeunes miliciens bassidjis chargés de la sécurité intérieure avaient refusé de tirer sur la foule des gens comme eux issus des classes populaires. Cela avait provoqué leur mise à pied et leur remplacement par des miliciens plus âgés. À la suite de cette décision, le régime avait enregistré une hausse des demandes de départ en retraite anticipé parmi ce groupe qui cette semaine n’a pas été au rendez-vous de la répression du Bazar pour le forcer à rouvrir par des coups ou des menaces d’incendie. Comme le corps social, la classe politique iranienne a aussi réagi de la même manière qu’en juin 2009 : les faux dissidents ont observé le silence pour nier la grève ou minimiser son existence (un semi black-out médiatique). La communauté internationale a également réagi comme en juin dernier, par le dédain : les Américains qui ont besoin des mollahs pour contrôler la rue musulmane n’y ont accordé aucune presse pour éviter le soutien de leur peuple à la contestation du régime islamique et les Européens qui sont les partenaires économiques du régime ont aussi détourné leurs regards. Malgré ce double mépris, en raison des ralliements silencieux comme celui des bassidjis, la grève du Bazar a gagné en ampleur. À Téhéran, la grève a commencé à toucher les boutiques situées en dehors de l’enceinte du Bazar. Le Bazar d’Ispahan a rejoint le mouvement. À Tabriz, à Hamedan et à Machad, la grève s’est généralisée. Les images sont signées INA, un site d’info du Mouvement Vert qui les diffuse en parallèle avec des articles évoquant une grève partielle.
En l’absence d’un succès de son Mouvement Vert, le régime a dû laisser de côté la promo à risque de ce Mouvement pour revenir à sa solution de base face aux Américains : multiplier les provocations pour saboter la réconciliation ou encore pour menacer l’approvisionnement pétrolier dans le but de faire capituler Washington. C’est pourquoi la semaine a débuté par des annonces de progrès nucléaires et aussi des menaces sur le détroit d’Ormuz. Le calendrier iranien qui est rempli de dates de célébrations révolutionnaires a aidé le régime car la journée des Pasdaran qui a lieu le 3 du mois lunaire arabe Shaabân tombait cette année le mercredi 14 juillet. Étant pressé de tenir des propos provocateurs, le régime l’a fêté en avance et a célébré non pas une mais trois journées des Pasdaran pour exposer ces derniers remparts du régime dans divers décors : les soldats au mausolée de Khomeiny, les officiers en compagnie d’Ahmadinejad et enfin les commandants et les très hauts commandants chez le Guide qui a salué leur préparation face aux urgences (guerrières).
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Le colis Amiri a été expédié en Iran par un vol d’une compagnie dont l’identité reste à préciser. Mais on n’a pas assisté à une conférence de presse rappelant celle de Vakili-Rad, l’assassin de Bakhtiar. Amiri a fait le V de la victoire avant d’accuser Washington d’enlèvement et de torture, mais aussi de lui avoir versé 50 millions de dollars pour qu’il valide l’authenticité des faux documents accusant à tort les mollahs d’activités nucléaires militaires.
C’est un choix cynique car les patriotes iraniens hostiles au régime ont la hantise qu’une période de changement de régime soit propice à une balkanisation souhaitée par les Américains. Ainsi les Américains ont frappé les troupes qui sont les derniers remparts du régime tout en cherchant à démoraliser les acteurs de la situation pré-révolutionnaire qui ne leur convient pas. Dans le même registre, vendredi, il a laissé entendre un possible retrait des Moudjahiddines du peuple, groupe haï par les Iraniens, de la liste américaine des organisations terroristes.
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