Iran : Moscou et Londres veulent des sanctions immédiates 27.05.2010 Les mollahs refusent tout compromis sur leur programme nucléaire et accumulent de l’uranium enrichi potentiellement militaire tout en affirmant qu’ils n’ont aucune visée nucléaire militaire. Washington qui a besoin d’une entente avec les mollahs pour s’imposer dans les régions pétrolières et musulmanes, a pris les mollahs au mot en leur proposant en 2009 un échange de leur stock d’uranium contre du combustible franco-russe. L’arrangement aurait été le début d’une coopération bilatérale pour mettre fin aux sanctions et aboutir à une normalisation des relations diplomatiques, prémices à un retour en Iran des islamistes iraniens formés aux Etats-Unis pour opérer une transition du pouvoir et dessiner la parfaite alliance souhaitée par Washington. Les mollahs ont refusé cet arrangement dans lequel ils perdaient le contrôle de leur destin. Washington a esquivé ce refus, maintenu les sanctions pour affaiblir les mollahs afin de continuer à proposer sans cesse ce même arrangement. Il a tenté un dernier rapprochement via ses alliés stratégiques la Turquie et le Brésil : Téhéran n’a accepté qu’un échange partiel qui préserve son potentiel militaire, ce qui est une manière de refuser la normalisation et le reste. Il a notifié sa réponse par écrit à l’AIEA. En raison de l’importance d’une entente avec les mollahs, Washington continue dans la même voie : des sanctions combinées à un refus de toute polémique. La même ligne silencieuse prévaut pour ses alliés comme la France (qui bouche les trous en se focalisant sur les malheurs de Panahi). Il n’en va pas de même pour les autres grandes puissances notamment la Russie et la Grande-Bretagne, victimes désignées de l’entente souhaitée par Washington. On n’a jamais vu la Russie aussi active pour demander des sanctions contre l’Iran. Elle parle de ses intérêts supérieurs sans entrer dans les détails car il lui est évidemment impossible d’évoquer ouvertement et officiellement l’existence d’un projet américain d’entente avec les mollahs pour agiter l’Asie Centrale et le Caucase dans le but de la priver de ces deux régions qui lui assurent le tiers de ses revenus gaziers. Puisqu’elle ne peut pas s’en prendre ouvertement à ce projet d’entente vu comme une menace pour son avenir, la Russie s’en prend à Téhéran et évoque la menace nucléaire pour rendre impossible la poursuite du dialogue américain avec Téhéran. Etant donné qu’elle avait été cataloguée comme un Etat hostile aux sanctions, elle entend priver Washington de cette excuse et l’engager dans la confrontation avec les mollahs, dans un durcissement des sanctions. Or, chacun sait que le niveau supérieur de sanctions vis-à-vis des mollahs est un embargo sur l’essence, mesure susceptible de provoquer des émeutes fatales au régime. Cela veut dire que Moscou ne voit pas d’autres solutions pour éliminer la menace que la disparition des mollahs, seuls alliés possibles pour ce projet américain d’agitation des régions islamiques. Une version préliminaire de cette approche radicale, d’entraînement des Etats-Unis dans une escalade des sanctions, avait été initiée en janvier dernier par les Britanniques, leader mondial du marché pétrolier et menacés de perdre cette enviable place si les mollahs passaient dans le camp américain. Puisqu’ils étaient les principaux fournisseurs de l’essence à l’Iran et épinglés par les Américains comme des obstacles à l’adoption d’un embargo, ils avaient cessé leurs livraisons. Washington avait alors publié un rapport minimisant l’impact du retrait de l’Etat qui fournissait 75% des besoins pétroliers des mollahs. Ces derniers ont aussi eu un choc car la Grande-Bretagne avait toujours été le grand protecteur du clergé chiite iranien au point qu’elle avait même créé un fond foncier doté d’un milliard de livres sterling au XIXe siècle en Inde pour la formation et la propagation du culte chiite. Le régime avait alors pris sur lui, en réduisant sa consommation pour constituer des réserves, en se disant qu’il avait à ses côtés la Russie et la Chine, deux pays capables de lui fournir ce manque d’essence. Une semaine plus tard, la Chine avait réduit ses échanges pétroliers avec Téhéran, puis la Russie en avait fait autant. Cependant, aucun ne parlait avec assiduité et continuité de sanctions. Washington a esquivé toutes ces interférences et il est resté fidèle à sa politique de guerre d’usure économique combinée à des invitations au dialogue. Téhéran était sous pression de toutes parts, on a alors assisté à l’apparition d’une nouvelle opposition au régime, clone de la transition américaine, menée par Jahanchahi, un homme des mollahs, et Khonsari, un pion de Londres : une porte de sortie proposée par Londres. Ce « mouvement » n’a pas décollé même en offrant des salaires élevés, alors que le temps est un facteur décisif. Il faut renverser la mainmise américaine avant que Téhéran ne cède aux pressions. La Grande-Bretagne est repassée à l’offensive via Catherine Ashton qui lors d’un déplacement à Pékin a parlé de sanctions sino-européennes avant la dernière tentative américaine d’arrangement via la Turquie et le Brésil à un moment où Washington se disait, par pure convenance, favorable à plus de sanctions. Mais à la suite de l’interférence sino-européenne, il est revenu à une politique d’esquive. Il n’a aussi rien dit cette semaine quand Moscou s’est exprimé en faveur des sanctions. Ce refus a déclenché une relance puissante de la part de la Grande-Bretagne : dans son « discours du trône », la Reine d’Angleterre a évoqué ses inquiétudes quant à la menace nucléaire iranienne et dans la foulée, dans son discours devant le Parlement, David Cameron, le nouveau Premier Ministre britannique, s’est dit « convaincu que l’Iran avait l’intention de construire des armes nucléaires » et que le nouveau gouvernement de la Grande-Bretagne s’emploierait à accroître les pressions contre ce pays. Cameron a précisé qu’il avait invité le Président français Nicolas Sarkozy et la Chancelière allemande Angela Merkel à adopter dans les plus brefs délais de nouvelles sanctions onusiennes et européens contre Téhéran. En réponse à cette très grosse interférence, le Sénateur Christopher Dodd, président de la commission des affaires bancaires du Sénat américain, et le Représentant Howard Berman, président de la commission des affaires étrangères de la Chambre, ont publié un communiqué commun pour annoncer le report de l’adoption d’un embargo contre les mollahs pour permettre au président Obama plus de flexibilité dans le dialogue avec Téhéran. Selon ce communiqué, le Congrès attendra l’adoption d’une nouvelle résolution onusienne, une adoption bloquée indirectement par les Etats-Unis via le Brésil, la Turquie et le Liban, pays siégeant actuellement au Conseil de Sécurité. Washington a ainsi clos le débat. La Russie s’est alors lancée dans une vive polémique avec Ahmadinejad pour rappeler sa volonté de sanctions. Un conseiller du président russe Medvedev a déclaré que personne n’avait jamais réussi à conserver son autorité en utilisant la démagogie politique. On se demande à qui s’adresse le mot, Ahmadinejad ou Obama. De son côté, via Reuters, les Britanniques ont révélé que la Turquie allait livrer à la mi-juin de l’essence à l’Iran en liant cette livraison au dialogue autorisé par Washington entre les Turcs et les mollahs. C’est de bonne guerre. Chacun des deux Etats menacés par une entente américano-mollahs interfère de son mieux pour empêcher cette union inopportune pour les deux comme d’ailleurs pour la région et les Iraniens eux-mêmes. Londres a également demandé à Jahanchahi de s’agiter, on ne sait jamais… C’est un choix qui risque d’agacer Moscou, mais il n’aura pas le choix de faire le difficile. C’est une situation d’urgence et il y a de plus en plus d’interférences incontrôlées dans les prochaines semaines, à mesure que Téhéran s’affaiblira et deviendra plus potentiellement ouvert à un arrangement avec les Etats-Unis. Ce n’est qu’un début [1]. Dans tous les cas, même si Washington esquive l’adoption des sanctions ou plus tôt si Washington esquive de plus en plus, Moscou et Londres devront intensifier leurs efforts et le régime sera de plus en plus seul, ce qui est en soit une belle opportunité pour le vrai changement que nous souhaitons.
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| Mots Clefs | Pays : Grande-Bretagne |
| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : RUSSIE | | Mots Clefs | Décideurs : OBAMA |
[1] Il ne faut pas croire que Washington esquive ou encaisse sans rendre les coups. Une plate-forme de BP, le moteur de l’industrie pétrolière britannique, a explosé par hasard le 20 avril pour une raison inconnue au large des Etats-Unis provoquant une marée noire qui a donné lieu à un mouvement spontané de boycott des produits pétroliers britanniques aux Etats-Unis sur FaceBook, mais il n’y a eu aucune campagne spontanée pour demander l’ouverture d’une enquête sur les raisons de l’explosion. C’est la guerre. |