Iran : Kapuscinski ou l’amnésie internationale 08.05.2010 Le quotidien Le Monde vient de publier une note pour recommander aux Français de lire de toute urgence un ouvrage de référence sur l’Iran ! Il s’agit d’un livre sur la révolution islamique, mais on n’y apprend rien de nouveau. On aurait aimé connaître les liens entre les révolutionnaires et Washington car cet ouvrage de référence, selon Le Monde, date de 1979. D’autant qu’il a été écrit par un certain Ryszard Kapuscinski en collaboration avec les révolutionnaires islamiques qui venaient d’accéder au pouvoir ! Le titre de l’ouvrage de référence du Monde est : « Le Chah ou la démesure du pouvoir ». Selon l’auteur, le Chah était devenu fou car il voulait faire progresser son pays avec l’argent du pétrole qu’il contrôlait. C’est vrai, c’est mal. Il aurait fallu qu’il laisse le pétrole iranien entre les mains des grandes compagnies (américaines, britanniques, française et hollandaise) qui grâce à un contrat signé en 1954 se partageaient le gâteau au sein d’un consortium en ne versant qu’un demi dollar par baril à l’Iran ! En ayant 40% des parts de ce consortium, les Américains versaient à l’Iran 20 US cent par baril ! Avec 47%, les Britanniques lui versaient 23,5 US cent ! Avec 6%, les Français lui versaient 3 US cent ! En gros, il s’agissait de pétrole gratuit que ces pays pouvaient revendre au prix fort une fois transformé en essence ! Effectivement, le Chah était fou d’aller à l’encontre des compagnies pétrolières. Cette « folie » s’est emparée de lui en 1960 quand il créa l’OPEP pour s’émanciper. Cette « folie » devint aigüe en 1973 quand il annonça aux compagnies qu’il ne renouvellerait plus leur contrat en 1979. C’est l’année de la révolution islamique ! Kapuscinski, qui a passé des heures à compter les boutons de l’uniforme du père du Chah pour les comparer au nombre de ceux de l’uniforme du Chah enfant afin d’en tirer des conclusions politiques, n’a pas établi le moindre lien entre la date de la fin du contrat que le Chah ne voulait pas renouveler et l’étrange neutralité américaine vis-à-vis de la révolution islamique. Il n’a aussi rien remarqué du soutien ouvert des Britanniques aux révolutionnaires islamiques via la BBC. On peut dire que Kapuscinski pouvait manquer de recul ou de documents. Mais un an après la parution de son livre, il avait ce recul et des documents à profusions car les partisans de Khomeiny, membres de la coalition révolutionnaire islamique, qui ont pris d’assaut l’ambassade américaine, ont découvert des documents comptables faisant état d’aides financières de la CIA à partir de 1961 à Mehdi Bazargan, le 1er chef du premier gouvernement de la révolution islamique. Et les coupures de presse de l’année 1961 faisaient état du fait que Bazargan et son parti Nehzat Azadi avaient été les seuls en Iran, dans le monde musulman et dans le tiers-monde à critiquer la création de l’OPEP. Il y avait là un sacré lien entre la révolution islamique, le pétrole et les Etats-Unis. C’était même un lien clef, une sorte de chaînon manquant. Car ce parti financé par la CIA pour s’opposer à l’OPEP a créé en 1973 les Moudjahiddines du peuple, branche ouvertement terroriste. Cette même année (1973), l’année où le Chah a annoncé coup sur coup son refus de renouveler le contrat de 1954, sa décision d’augmenter les prix du baril via l’OPEP et un rapprochement avec l’Europe et le Japon pour des partenariats industriels et pétroliers. En 1973, le Chah est devenu l’homme à abattre. Les choses sont alors allées assez vite. Dès sa création, l’organisation des Moudjahiddines du peuple s’est mise à tuer des étrangers installés en Iran et à brûler les banques pour créer un sentiment d’insécurité pour inciter les investisseurs à quitter le pays. La police s’est mise à poursuivre les auteurs des attentats, mais le président Carter est intervenu pour insister sur la nécessité de respecter les droits de l’homme. A la même époque, Ramsey Clark, un proche de la Maison-Blanche, s’est rendu en Iran pour créer une organisation (faussement gauchisante) de Juristes Défenseurs des Droits de l’Homme avec des membres issus du parti islamiste de Bazargan. Ces faux juristes de gauche (qui ont par la suite écrit la constitution de la république islamiste d’Iran) ne défendaient que les Moudjahiddines islamistes liés à Bazargan et faisaient des rapports à Amensty International. Dans le même temps, un opposant (apparemment de gauche) dont personne n’avait jamais entendu parler a écrit une lettre au Congrès américain pour dénoncer le Chah comme un despote sanguinaire imposant des tortures intensives et inhumaines à ses 100,000 prisonniers politiques. Alors que l’Iran n’avait pas de prisons assez grandes pour loger ces 100,000 personnes, Amnesty a commencé à lancer une campagne sur le sujet. Le Chah a protesté et imaginant un coup des Britanniques également perdant dans son activisme pétrolier, il a invité les inspecteurs suisses et neutres de la Croix-Rouge à se rendre en Iran pour des visites-surprises des prisons. Ils n’ont trouvé aucun élément évoquant des mauvais traitements. Mais Amnesty continuait, c’est plus récemment que l’on a su que le maître d’œuvre du projet américain d’instrumentalisation de l’islam politique, Zbigniew Brzezinski, conseiller de Carter, siégeait au conseil des directeurs d’Amnesty International. Les dés étaient pipés. Le combat était inégal. Quand par la combinaison de nombreux facteurs, le Chah a laissé tomber le pouvoir, Khomeiny a commandé une enquête détaillée pour identifier ces 100,000 victimes afin de les indemniser : ces enquêteurs qui étaient des ennemis jurés du Chah ont alors découvert que tout était faux. Ils n’ont pas trouvé une seule victime de torture : le rapport a révélé en 2003. Mais indépendamment de ce retard, après la révolution, Amnesty international et les médias qui avaient participé au lynchage du Chah n’ont nullement exprimé le souhait de se rendre en Iran pour trouver les charniers et les victimes dont ils avaient parlé. Amnesty international et les médias comme le Monde ont été frappés d’amnésie internationale sur leur agissement sans fondement, mais intentionnels pour détruire l’homme qui avait réclamé des revenus décents pour son peuple. En 1980, en se basant sur ces fausses accusations, les liens affichés entre Bazargan et les Moudjahiddines et les documents de l’ambassade américaine établissant un lien d’argent entre CIA et Bazargan, on avait la preuve que Washington avait financé la révolution islamique avec le concours d’organismes médiatiques de deux autres pays bénéficiaires du contrat pétrolier de 1954 que le Chah ne voulait plus reconduire en 1979. Kapuscinski que l’on qualifie d’esprit pur pouvait alors écrire un second livre passionnant sur la révolution islamique axé sur le rôle de la CIA pour protéger les intérêts des compagnies pétrolières privées américaines et les mécanismes pour fabriquer une révolution. Mais une récente biographie de Kapuscinski présente ce compatriote de Brzezinski comme un agent double avec des liens très douteux avec le KGB et la CIA. C’est pourquoi non seulement, il n’y a pas eu un second ouvrage basé sur ces documents, mais encore pour renouveler les mécanismes de l’amnésie internationale, Kapuscinski a inlassablement réédité le même livre où il est question des « 100,000 prisonniers torturés par le Chah, un homme qui est devenu fou par l’argent du pétrole »… alors que ce dernier n’a eu en tout que 4 à 5 ans de revenus décents pour son pays avant que n’éclate la révolution islamique financée par Washington. Ce livre pour maintenir l’amnésie internationale ne contient pas uniquement les mensonges utiles pour Brzezinski, la CIA et leurs commanditaires pétroliers. Ayant éliminé les vrais coupables pétroliers et les bonimenteurs d’Amnesty, cette chose anti-mémoire a aussi déformé les faits historiques pour expliquer la révolution (les mollahs et les lobbyistes utilisent aussi cette méthode). Le livre évoque aussi une anecdote qui a été copiée collée dans plusieurs livres du même genre en 1978 : « imaginez vous que le Chah avait acheté des industries avec la manne pétrolière (nb. qui date uniquement de 1973) alors que le pays n’avait pas de routes ni de camions » (pour les transporter), écrit Kapuscinski ! « Il n’en savait rien », précise le méticuleux journaliste payé par les pétroliers. L’Iran (c’est-à-dire l’empire perse) n’avait pas de routes en 1974. L’ouvrage de référence du Monde !
un pays en mutation, où les filles peuvent chahuter tête découverte dans les mosquées !
Le livre de Kapuscinski est abject. © WWW.IRAN-RESIST.ORG
article très complémentaire :
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