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Iran : Qui a peur du missile balistique iranien ?
22.04.2010

L’agence britannique Reuters a rapporté que Washington avait annoncé que d’après ses estimations, « l’Iran pourrait fabriquer un missile balistique intercontinental en 2015 ». Au cours des 4 jours précédents cette annonce, Téhéran avait déployé des moyens médiatiques peu habituels pour affirmer qu’il avait une très grande puissance de feu défensive pour montrer qu’il n’accepterait aucun compromis même sous la menace d’une frappe. Washington qui court après un compromis n’avait pas réagi aux rumeurs. Pourquoi a-t-il pris le contre-pied de son silence avec l’annonce d’une capacité offensive iranienne ? Serions-nous face à un tournant ? Des explications existent. Elles sont surprenantes.



Rapports et estimations | Très régulièrement, des rapports officiels américains accusent les mollahs de chercher à devenir une puissance nucléaire hostile aux Etats-Unis et à ses alliés. Grâce à ces rapports, Washington maintient sa pression sur les mollahs tout en leur proposant l’abandon de cette guerre d’usure économique à leur encontre en échange d’une « entente dans le respect des intérêts des deux pays », dixit Obama.

Pour faire simple, Washington veut priver la Chine et la Russie d’un allié régional qui les aide à garder l’Asie Centrale enclavée notamment en empêchant l’adoption d’un statut pour la mer Caspienne ce qui prive aussi les pays du Caucase de leur accès aux réserves gazières de cette mer intérieure. Washington veut désenclaver cette région riche en gaz pour contrôler ses réserves, mais aussi utiliser l’aura islamiste des mollahs pour agiter ses habitants musulmans pour créer une base de soutien à un soulèvement des musulmans chinois de la très riche région du Xinjiang. Délestée du Xinjiang, réserve de son eau, minerais et pétrole, la Chine sombrera sur la scène internationale. Washington pourrait alors devenir la première puissance économique mondiale par le contrôle des secteurs énergétiques de l’Iran et de l’Asie Centrale, mais aussi du Caucase. Ce projet ambitieux est arrêté par les mollahs qui exigent en échange de leur participation le droit de préserver leurs milices armées au Liban et à Gaza pour avoir un moyen de pression sur Washington en cas de désaccord. Ceci étant incompatible avec ses intérêts, Washington mène une guerre d’usure économique à leur encontre pour les faire capituler : désarmer leur milice avant d’accepter de s’aligner et in fine organiser des élections libres qui seraient une formalité pour transférer le pouvoir politique vers des islamistes iraniens liés aux Etats-Unis.

C’est un vrai bras de fer entre les mollahs et les Américains. La grande difficulté de ce bras de fer est que les mollahs se battent pour leur survie, mais que Washington ne se bat pas pour les abattre. De fait, il doit éviter des sanctions trop lourdes, mais aussi des accusations diffamatoires susceptibles de les rendre trop infréquentables, impropres à une entente. De cet ensemble de contraintes et de nuances est née du côté américain une gestion très précise des accusations et des sanctions afin de rester dans le cadre d’une guerre d’usure lente qui mise sur la durée.

Du côté des mollahs, la gestion de la crise a été basée sur tout le contraire : une amplification rapide de la crise, l’escalade permanente, afin que la peur d’une nouvelle guerre ou le risque pour l’approvisionnement pétrolier poussent Washington et ses alliés Européens (qui n’ont pas les mêmes intérêts économiques) à tout laisser tomber. Le chemin le plus court pour une escalade a toujours été la menace surmédiatisée. Depuis bientôt 5 ans, Téhéran enchaîne les menaces de destruction d’Israël accompagnées de tirs de missiles, les menaces de blocage du détroit d’Ormuz accompagnées de tirs de missiles ou encore des annonces de progrès nucléaires insinuant l’accès rapide à un arsenal atomique accompagnées de tirs de missiles. Cette politique du pire est uniquement basée sur la psychose médiatique.

Partie à trois | Pour cette médiatisation anxiogène, Téhéran a toujours eu le soutien implicite de la Grande-Bretagne, qui est le n°1 du marché mondial du pétrole et du gaz -depuis que ce marché existe- et risque de perdre cette suprématie si Washington avalait les réserves de l’Iran, de l’Asie Centrale et de la mer Caspienne. Cela s’est traduit pendant des années par l’adoption des positions opposées à celles des Etats-Unis à propos de l’évaluation du programme nucléaire iranien ou la recommandation que Washington accepte une cohabitation pacifique avec les mollahs. Mais en décembre 2009, quand les indices économiques iraniens étaient dans le rouge et que Téhéran se montrait incapable d’amplifier la crise avec l’annonce de la construction de 10 nouvelles usines d’enrichissement nucléaire, la Grande-Bretagne est passée à la vitesse supérieure d’hostilité à toute entente irano-américaine en prétendant via le quotidien Times qu’elle avait la preuve écrite que les mollahs possédaient déjà leur première bombe nucléaire. L’affaire avait éclaté dans l’espace médiatique alors que la preuve du Times était un simple texte dactylographié sans date ni entête ni signature. Mais la polémique n’a pas eu lieu car au pays de la liberté d’expression, les médias comme CNN ou la presse écrite avaient été priés de ne pas traiter l’info. Ils avaient suivi les consignes, permettant à Washington d’esquiver l’escalade sans difficulté. Pour relancer le buzz et provoquer une polémique, sans tenir compte de l’absence de preuves, les mollahs avaient réagi avec une réponse ambiguë avant d’annoncer un tir réussi de missile longue portée. Immédiatement, Gordon Brown avait pris la parole pour demander à Washington d’adopter de nouvelles sanctions très fortes. L’intervention de Gordon Brown a coincé Washington qui a dû prendre des mesures pour satisfaire l’opinion publique américaine en s’éloignant le moins possible de son indispensable politique d’apaisement. Petit clin d’œil, Washington a annoncé l’adoption par la Chambre des représentants d’un projet de loi de sanctions à l’encontre des compagnies (majoritairement britanniques) exportant de l’essence vers l’Iran avant de promettre une enquête dont on est sans nouvelles.

Le missile évoqué cette semaine par l’agence britannique Reuters est un parent de cette bombe nucléaire du Times car il arrive dans des conditions similaires, impossibilité pour Téhéran d’amplifier la crise, et provoque les mêmes réactions chez les protagonistes : l’annonce de la tenue de grandes manœuvres militaires dans le détroit d’Ormuz pour procéder à des tirs de missiles chez les mollahs et une absence totale de couverture médiatique [1] et de réactions diplomatiques chez les Américains.

En décembre dernier, Washington avait juste esquivé, mais en mars 2010, quand les compagnies britanniques de l’exportation d’essence vers l’Iran se sont retirées du marché iranien pour forcer Washington à adopter les sanctions qu’il veut éviter, ce dernier s’est montré plus inventif en combinant un silence diplomatique avec la publication dans le New York Times d’une longue liste d’obstacles empêchant toutes sanctions. Sur la base de cette approche qui avait permis à Obama de ne pas prendre des mesures fatales à sa guerre d’usure, Washington a combiné un silence diplomatique à propos de ce missile avec la publication sur le site du prestigieux Foreign Affairs d’une liste comparative de Stephen M. Walt sur le nombre des armes des Etats-Unis et du régime des mollahs. En mettant en avant l’écrasante supériorité des Etats-Unis, Walt recommande de fuir les polémiques stériles pour envisager le dialogue à n’importe quelle condition. Washington a ainsi apaisé les esprits surchauffés à la vue des articles des médias britanniques, puis il a tenté de neutraliser le buzz du missile avec une initiative de réconciliation turco-brésilienne !

Guerres internes, alliances et ruptures | À côté du bras de fer entre les mollahs et les Américains, il y a une vraie guerre économique et entre les Britanniques et les Américains. Cette guerre a commencé en 1930 avec la prise en main américaine du marché saoudien via un gigantesque pot-de-vin versé à Harry St. John Philby, l’agent britannique et conseiller du roi de ce pays créé par les Britanniques. Avec l’essor important de l’information et d’Internet, cette guerre est désormais médiatique. Nous avons assisté à une nouvelle bataille de cette nouvelle guerre et non à un tournant américain de la crise. Il y a cependant un tournant et il concerne les alliances dont disposent les deux adversaires dans cette guerre au sein du club fermé des Six ou dans le monde.

La Russie qui n’aimerait pas voir les mollahs changer de camp n’a cependant pas diffusé la dépêche bidon de Reuters. La Chine et l’Allemagne se sont également abstenues. En revanche, la France qui soutient Obama pour sauver ses contrats en Iran a donné une couverture maximale au missile médiatique de Reuters via Paris Match. Récemment, elle avait aussi accordé une couverture importante à la version anglaise du Mouvement Vert sans pour autant oublier les versions mollahs ou américaine de cette fausse opposition pro-mollahs. C’est peut-être le signe qu’elle ne croit plus aux chances de réussite Obama. Elle n’a cependant pas de préférences.

En dehors des 5 grands, de nombreux pays historiquement liés à la Grande-Bretagne, mais aussi ceux qui font objets de pressions américaines comme l’Inde ont aussi diffusé la nouvelle. Cette implication, mais aussi celle de la France n’a pas enchanté les mollahs qui risquent de se retrouver vite dans le rôle de la victime collatérale. Ils ont annoncé par l’intermédiaire de leur ministre de la Défense (Vahidi) qu’ils n’avaient « aucun projet de S-300 en cours, mais uniquement des projets de DCA pour des cibles à basses et moyennes altitudes » pour éviter de se retrouver avec un missile balistique qui forcerait Washington à adopter des sanctions fatales à son encontre ou encore des mesures plus radicales.

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La crise iranienne évolue un peu, mais sans changer fondamentalement car le fond du problème reste inchangé pour les uns et les autres en particulier les mollahs : ils ne peuvent pas accepter de partager le pouvoir car en plus de perdre tous leurs privilèges, ils pourraient même être inquiétés pour leurs crimes passés s’ils manquaient d’enthousiasme à servir les maîtres Yankees dotés d’innombrables ONG chargées de veiller aux droits de l’homme. Ils doivent résister à toute réconciliation en enchaînant les provocations.


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| Mots Clefs | Pays : Grande-Bretagne |
| Mots Clefs | Auteurs & Textes : selon Reuters |

| Mots Clefs | Décideurs : OBAMA |
| Mots Clefs | Enjeux : Apaisement |

| Mots Clefs | Instituions : Puissance militaire des mollahs |
| Mots Clefs | Institutions : Désinformation et fausses rumeurs |

| Recherche Par Mots Clefs : Internet |

[1Les médias américain de Reuters

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