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Iran : à la croisée des vraies sanctions
14.04.2010

Depuis le début de la conférence de Washington sur le nucléaire, on a entendu des dizaines de rumeurs sur la position chinoise vis-à-vis de Téhéran, ce qui était bon signe pour les mollahs. Ces derniers ont cependant annoncé qu’ils étaient ouverts à un échange d’une grande partie de leur stock d’uranium enrichi à 3,5% contre 100 kg de combustible à base d’uranium enrichi à 20%. Téhéran a agi ainsi car il a détecté des signaux très négatifs sur des sanctions unilatérales américaines à venir.



Tout au long de l’année dernière, Obama a sanctionné les mollahs, qui sont des partenaires régionaux de la Chine, tout en leur proposant de mettre fin à ces sanctions s’ils acceptaient de devenir ses alliés régionaux. Obama n’a pas appliqué une politique nouvelle, bien avant lui, George Bush et Bill Clinton ont sanctionné les mollahs pendant leur mandat tout en leur proposant des négociations en direct pour parvenir à une normalisation de leurs relations diplomatiques puis à une entente dans le respect des intérêts des deux pays.

Cette permanence des discours en faveur d’une normalisation des relations tient au fait qu’une alliance avec les mollahs ferait de Washington la première puissance pétrolière mondiale donc la superpuissance économique permanente. Dans le même temps, la permanence de la guerre d’usure économique tient au fait que les mollahs privent Washington de cette promotion économique en cherchant à marchander leur adhésion contre le droit de préserver leurs milices pour avoir un moyen de représailles contre les Etats-Unis afin de pouvoir renégocier sans arrêt leur part du gâteau. C’est une situation bien plus complexe qu’il n’y paraît car pour maintenir la pression, Washington doit sans cesse évoquer des motifs plus graves pour renforcer ses sanctions -comme le soutien aux Talibans ou l’ingérence terroriste en Irak…- sans préciser ces accusations pour éviter de rendre les mollahs trop politiquement incorrects et par conséquent impropres à une alliance ou encore pour éviter d’être obligés d’adopter des sanctions plus lourdes, fatales à ces futurs alliés récalcitrants. La seule solution pour Washington est de continuer sa guerre d’usure molle. Cette option unique a jusque-là été une alliée des mollahs. Ces derniers ont également pu compter sur le soutien de nombreux Etats qui ne souhaitent pas devenir des puissances naines dans un monde dominé par les Américains. Ce soutien a pris la forme d’une opposition à la politique américaine de renforcement graduel des sanctions, politique établie par Clinton en 1996.

Les principaux partenaires commerciaux de l’Iran ont évidemment été les principaux opposants aux sanctions américaines : la France et l’Italie qui ont de nombreux contrats pétroliers en Iran, l’Allemagne le principal fournisseur de matériaux technologiques à l’Iran, la Chine et la Russie, des partenaires stratégiques, mais également des fournisseurs d’armes et de technologie et enfin la Grande-Bretagne, son principal fournisseur d’essence et son principal partenaire économique et bancaire occulte via Dubaï. Cette dernière militait également pour le dialogue car un alignement des mollahs sur Washington serait la fin de son leadership sur le marché pétrolier depuis l’existence de ce marché. Dans ce groupe, en raison des liens militaires des pays membres de l’OTAN, les Européens ne pouvaient pas se désolidariser des sanctions et de fait, seules la Chine et le Russie étaient explicitement hostiles à toutes sanctions. Par la Suite, la Grande-Bretagne s’est un peu opposée aux sanctions d’une manière plus ouverte en tandem avec la Russie, mais elle s’est montrée à nouveau discrète quant à son opposition à la suite d’un deal sur le retrait de l’ABM, Moscou s’est alignée sur les positions américaines de sanctions par intermittence. La Chine s’est retrouvée alors comme la seule opposante à des sanctions contre les mollahs.

Dernièrement, ces trois principales victimes potentielles d’un alignement forcé des mollahs sur Washington ont réalisé que leurs oppositions molles ou passives étaient contre-productives car Washington utilisait ce prétexte pour continuer sa guerre d’usure tout en évitant l’adoption des sanctions plus lourdes susceptibles de renverser les mollahs et avec eux le régime islamique dont il a besoin pour s’implanter en Asie Centrale. Ces trois pays ont décidé de priver Washington de ce prétexte afin de l’engager dans la voie de l’escalade pour saborder l’entente rêvée avec les mollahs. A cette fin, la Grande-Bretagne, la Chine et la Russie ont annoncé de fortes réductions de leurs très importants échanges économiques avec Téhéran.

L’entrée de ces nouveaux joueurs a surpris les mollahs, mais ne les a pas chagrinés car ils jouent eux-mêmes la carte de l’escalade pour provoquer une crise pétrolière afin de pousser Washington à capituler. L’entrée de ces nouveaux joueurs a en revanche déplu à Washington qui y a vu un risque pour lui de perdre le monopole des pressions sur les mollahs. Pour reprendre ce monopole, via ses alliés régionaux comme la Turquie et le Pakistan, il a proposé des contrats pétroliers à l’Iran avant de les annuler pour avoir un moyen de pression autonome des Chinois, Russes et Britanniques. La mise en place de ce système de sanctions virtuelles a incité la Chine à rompre avec sa position hostile aux sanctions pour ne laisser aucun prétexte à Washington. Téhéran est encore une fois resté sur son refus en espérant que la Chine parvienne à engager Washington dans l’escalade susceptible de faire capituler Washington et ainsi mettre fin à la crise.

Washington a alors joué la carte de la lenteur : il espérait se donner un à deux mois de guerre d’usure intensive pour faire plier les mollahs avant l’entrée en jeu de la Chine comme co-directeur des pressions sur les mollahs. Au lieu de plier, ces derniers ont préféré attendre l’escalade. Washington a alors décidé de leur envoyer un très grand avertissement. Pour le comprendre il faut se remémorer l’historique de la guerre d’usure économique de Washington contre les mollahs.

Cela a commencé en 1996. Bill Clinton avait alors évoqué le soutien au terrorisme pour interdire à ses partenaires d’investir plus de 20 millions de dollars dans le secteur pétrolier iranien. Téhéran avait alors sorti de son chapeau Khatami le modéré qui a amélioré l’image du régime pour rendre difficile ses sanctions. Avant la réélection de ce dernier, en 2000, Bill Clinton avait parlé pour la première fois des activités nucléaires et balistiques des mollahs. C’était un avertissement. Téhéran n’a pas plié et a joué à fond la carte de la fausse modération de Khatami. En 2003 après avoir jeté l’ancre en Irak et en Afghanistan, prenant l’Iran en tenaille, le nouveau président américain G.W. Bush avait relancé ce prétexte nucléaire pour exiger un renforcement des sanctions contre ces mollahs qui refusaient de passer dans le camp américain. Le but étant de forcer les mollahs à plier et non à les renverser : Washington avait alors comme par magie oublié d’associer le nucléaire au terrorisme. 7 ans après, au moment où Washington est dans l’impasse et risque de perdre le contrôle de sa guerre d’usure contre Téhéran, il a enfin évoqué le thème du terrorisme nucléaire, mais cette fois, il a oublié d’y associer les mollahs. Washington s’est retenu de franchir la dernière étape qui consiste à associer les mollahs au terrorisme nucléaire, une accusation qui ne peut déboucher sur aucune entente et contient la promesse ou l’avertissement de la fin de la mise à l’écart par Washington des partisans d’un vrai changement de régime. Par ailleurs, en évitant d’associer d’emblée les mollahs au terrorisme nucléaire, Washington a obtenu l’adhésion tacite des Chinois à sa prochaine guerre d’usure unilatérale (contre les mollahs).

C’est pourquoi, les mollahs ont légèrement reculé en se disant ouverts à un échange d’1 tonne de leur stock actuel d’uranium faiblement enrichi (de 50 à 66% de ce stock). Cependant, le même jour, les mollahs ont annoncé leur volonté d’investir lourdement dans les banques chinoises afin d’esquisser un rapprochement avec ce pays pour l’avoir à leur côté et non à co-direction des pressions à leur encontre.

Le choix appartient évidemment à la Chine et non aux mollahs, mais quelle que soit la décision chinoise, elle desservira la cause des mollahs car Washington ne veut pas de la chine comme arbitre du jeu. Si elle s’impose comme l’avocat des mollahs ou une candidate à la direction des pressions, Washington se verra contraint de préciser ses accusations contre Téhéran pour évincer la Chine et prendre en main la gestion des pressions sur les mollahs. Tous les acteurs de la crise sont arrivés au bout de leurs pirouettes. Il faut à présent livrer combat ou capituler. Nous sommes à la croisée des vraies sanctions : à une courte distance d’un changement de régime [1].

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| Mots Clefs | Institutions : Diplomatie (selon les mollahs) |

| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : Chine |
| Mots Clefs | Enjeux : Sanctions (du Conseil de Sécurité) |

| Mots Clefs | Enjeux : Apaisement |
| Mots Clefs | Enjeux : Garanties Régionales de Sécurité : le DEAL US |

| Mots Clefs | Enjeux : Changement de régime |
| Mots Clefs | Résistance : Menace contre le régime |

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[1Selon nos estimations, nous sommes à 3 ans du changement d’approche de Washington.

Pour en savoir + :
- Reza Pahlavi : Appels pour la démocratie en Iran
- (31 octobre 2009)

| Mots Clefs | Décideurs : Reza Pahlavi |