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Iran : La semaine en images n°109
21.03.2010

La principale info de la semaine du point de vue extérieur a évidemment été la célébration de la Fête du feu d’origine zoroastrienne qui est vue par le régime comme un élément hostile à l’Islam. C’est pourquoi cette fête bon enfant avant la révolution s’est transformée en une expression très politisée du rejet du régime et des mollahs et par extension de l’islam dont les Iraniens connaissaient peu la rigueur ou les méfaits. Depuis des années, le peuple parade dans les rues au son des pétards d’une puissance inouïe. Cela est à l’origine d’un grand malaise pour les dirigeants du régime. Pendant cette période, on ne les voit plus et l’on ne les entend plus. Ils attendent que ce mauvais moment passe. La situation a toujours été plus terrible pour ceux d’entre eux qui se prétendent comme étant des modérés ou des dissidents car en tant que tels, pendant cette période, ils doivent être du côté du peuple, ce qu’ils ne peuvent évidemment pas faire. Il en résulte un second mutisme politique plus prononcé du côté des soi-disant modérés. Cette année, ce second mutisme nécessaire a été nuancé par le fait que ces modérés à temps partiel réunis au sein du Mouvement Vert avaient décidé de récupérer la parade protestataire du peuple comme l’expression d’un soutien en leur faveur. Il en a d’ailleurs résulté une semaine courte coupée en deux avec un peu d’agitation Verte avant la fête du feu et du mutisme après cette fête.



photos minutes | La semaine d’actualité a ainsi commencé avec une attaque du domicile de Karroubi par des voyous. Cela n’a pas de sens car Karroubi siège depuis 22 ans à la plus haute instance du régime, le Conseil de Discernement, organisme aux pouvoirs prétoriens qui définit l’ensemble des politiques de l’Etat iranien dans tous les domaines. C’est un véritable gouvernement de l’ombre. De fait, Karroubi est le régime ! C’est d’ailleurs pourquoi nos compatriotes ne soutiennent pas cet homme et son acolyte Moussavi et également ils boycottent leur Mouvement Vert soi-disant d’opposition. Cette absence physique des Iraniens derrière Moussavi et Karroubi est à l’origine des annonces médiatiques à propos des malheurs du Mouvement Vert car sans ces buzz, il n’aurait aucune actualité.

La communication à base de buzz destinée à l’opinion occidentale est utilisée pour diverses raisons : quand il faut mettre en avant Moussavi et Karroubi peu avant qu’ils n’accordent d’interview ou encore quand il faut faire diversion. Cette communication, évoquant l’existence de soi-disant modérés parmi les mollahs, est diffusée très rapidement par les Etats Occidentaux qui ont des intérêts en Iran et justifient leur relation avec le régime par la possibilité d’une évolution démocratique.

Cette fois, il s’agissait d’un rappel : replacer un représentant de cette fausse opposition dans l’actu internationale pour le relier aux évènements à venir de la Fête du feu. On a retrouvé rapidement la nouvelle sur tous les sites d’info en Occident notamment la chaîne France 24 que l’on peut qualifier du partenaire officiel du Mouvement Vert.

Sur le site Iran-Resist qui jouit d’une belle visibilité en Occident, nous avons toujours perturbé la communication à base de buzz, ce qui a obligé le régime à diffuser des photos voire des vidéos de ces soi-disant malheurs du Mouvement Vert. Cette fois, on a beaucoup entendu parler de l’attaque contre la maison de Karroubi, mais les images ont été vues furtivement. Nous avons constaté la même discrétion sur la chaîne France 24. Cela est dû au fait que l’on parlait du domicile d’un des top mollahs du régime. C’est un sujet tabou sous un régime où 85% de la population vit sous le seuil de pauvreté. Mais nous avons persévéré et pu dénicher sur un petit site d’info des images avant qu’elles ne disparaissent quelques heures plus tard après le buzz. En les regardant on comprend le malaise : notre courageux héro de la résistance Verte ne vit pas dans un taudis, mais un bel immeuble de 8 étages tout en marbre.
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Norouz | Le retrait de ces images est un geste incroyable, les mollahs provocateurs auraient peur de montrer leur opulence. Ce geste de recul est lié à la difficulté actuelle des Iraniens à financer les frais de fête traditionnellement pas onéreuse de Norouz, le nouvel an perse.

C’est ce qui a toujours fait la force de Norouz : les riches et les pauvres sont tenus de se réunir avec la famille ou des amis pour veiller l’arrivée de l’équinoxe du printemps en s’amusant, en récitant des poèmes ou en mangeant certains produits qui n’ont rien d’exotique ou d’inaccessible, mais un certain symbolisme : des oranges, des grenades, des fruits secs ou encore du riz parfumé aux herbes avec du poisson. On ne connaît pas d’Iranien qui mangerait du caviar pour Norouz. Ce n’est pas le propos de cette fête zoroastrienne vieille de 3 à 5000 ans. Norouz n’est pas l’occasion d’une grande bouffe, mais une épuration de l’âme.

Selon les zoroastriens, l’année était divisée en 12 mois de 30 jours plus une période de 5 jours hors temps appelée Pandjeh ou quintet qui servait de transition vers le Nouvel an. Selon les Zoroastriens, pendant ces 5 jours, les esprits des morts rendaient visite aux vivants. C’est pourquoi il fallait faire un grand nettoyage du logis pour les accueillir dignement. Pendant l’un de ces 5 jours, on devait également allumer des feux pour sauter par-dessus les flammes afin de purifier son âme des maladies accumulées pendant l’hiver. On devait également dresser une table agrémentée de 7 produits symboliques portant les noms de 7 anges zoroastriens. L’un des éléments de cette table était du blé en herbe appelé Sabzeh (ou Verdure) qui symbolisait la bonne fortune. Puis on se réunissait avec la famille et des amis pour veiller le passage au printemps, avant de se vêtir d’habits neufs pour rendre visite aux autres proches avant de finir les fêtes par une sortie champêtre au treizième jour de l’année (Sizdeh Bedar) pour jeter à l’eau son blé en herbe afin de conjurer le mauvais sort.

Quand l’Iran est tombé sous la coupe des envahisseurs musulmans, ces derniers ont interdit ces rituels, mais aussi la langue iranienne. Pour sauver leur langue et leurs rituels, nos ancêtres se sont adaptés : ils ont métissé leur langue, mais aussi leurs rituels en modifiant la composition de leurs 7 mets symboliques, ils ont aussi organisé la fête du feu à la vielle du Mercredi, une journée vue comme maléfique par les envahisseurs. Leurs descendants ont perdu une grande partie des significations cachées de cette fête, mais les rituels ont été sauvés et encore aujourd’hui ils sont perpétués religieusement par tous les Iraniens.

En 1979, après la révolution islamique, les mollahs ont tenté d’interdire ces fêtes qui connectaient les Iraniens à leur histoire pour les remplacer par l’Aïd. Parmi les rituels, le plus visé a toujours été Tchahar Shanbeh Souri, réservés aux plus jeunes et pouvant dégénérer en émeutes. Dès le départ, Téhéran a joué l’agressivité en mettant en avant une communication basée sur des insultes, des accusations de vandalisme ou encore la diffusion d’images de personnes estropiées à vie par le feu ou les pétards, ce que l’on retrouve encore. Mais cette fois, il n’y a pas eu de métissage pour composer avec l’adversaire, mais un repli sur l’identité passée : Norouz et ses rituels simples et accessibles à tous sont devenus des bastions d’une résistance muette au régime. Norouz et ses rituels accessibles ont aidé les Iraniens à tenir le coup dans le monde cynique des mollahs en se repliant sur des valeurs connectées à un passé glorieux. Cette année de la hausse vertigineuse du seuil de pauvreté, les Iraniens qui sont de plus en plus pauvres n’ont de fait pas été privés de quelques achats ou d’une simple fête, mais de leur dernier rempart. C’est pourquoi, le régime a retiré les images de la superbe maison de Karroubi : il a eu peur de pousser les gens à bout.

Avec ce recul, le régime a touché l’absurde puisque depuis des mois, il ne cesse de provoquer les Iraniens pour les faire descendre dans les rues dans le but d’attribuer leur présence au Mouvement Vert. Finalement, plus que la fête du feu elle-même qui a été une réussite car les gens ont participé sans porter d’habits verts, ce retrait des images de la maison luxueuse de Karroubi peut être vu comme le principal événement de la semaine. Le régime veut provoquer une agitation, mais il a peur de ses conséquences.

Cela explique l’absence dans les rues des agitateurs professionnels du Mouvement Vert qui auraient pu embraser la nuit. Le régime a estimé plus prudent d’éviter de mettre le feu aux poudres. De fait la nuit n’a pas été verte, mais digne de Norouz, festive et dédiée à la joie. Selon la tradition, les Iraniens sont descendus dans les rues de leur quartier pour scander les slogans traditionnels de la fête du feu et non les slogans formatés du Mouvement Vert.

Fête du Feu | Selon des consignes données par nos amis de Radio Toloo, les jeunes de l’est de Téhéran ont évité de porter des habits verts pour éviter la récupération de leurs images. Ils ont aussi poussé le son à fond pour rendre impossible les ajouts des slogans préenregistrés. Et enfin, ils ont évité toute confrontation physique ou verbale avec la milice qui selon notre analyse est en froid avec le régime depuis novembre dernier. Selon des témoignages de nos contacts à Téhéran, les miliciens ont été sensibles à ce geste et ont fraternisé avec les jeunes en sautant par-dessus les flammes ce que les messieurs Moussavi et Karroubi n’ont jamais fait dans leur vie. En revanche, face à des images impossibles à détourner en faveur de son Mouvement Vert, le régime a dû restreindre la transmission d’images ou encore, il a manipulé certaines vidéos pour accentuer les verts au point que l’on retrouve des jeunes Iraniens avec le corps tout vert !
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Parallèlement à ces images amateurs festives, le régime a couvert l’événement en alternant des reportages sur les achats des pétards par les jeunes, sur la fête elle-même mais aussi les fêtards aux doigts arrachés… D’une agence à l’autre dans tout le pays, nous n’avons retrouvé que cinq blessés. La fête du feu de cette année a été l’une des plus calmes des trente dernières années !
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deux jours à tuer | Passé le cap de cette soirée à haut risque d’émeutes, le régime a soufflé, les parents aussi. La fête du feu n’a pas dégénéré, il est cependant certain que les uns et les autres espéraient le contraire. Tout le monde a perdu. Les mollahs ont perdu leur pari vert et les Iraniens leurs dernières illusions à deux jours du nouvel an. On peut parler d’une foire aux désillusions, une sorte de gueule de bois des rêves refuges de Norouz.

Les uns sont allés traîner aux cimetières, les autres sont allés traîner entre les allées sales des rues sales où les vendeurs à la sauvette vendent des produits pas chers pour un peuple vaincu.
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C’est la loose.