Iran : Vers un enrichissement des annonces nucléaires 13.02.2010 Il y a une semaine, Téhéran annonçait sa décision d’enrichir de l’uranium à 20%. Il espérait une escalade guerrière, menace pour l’approvisionnement pétrolier de l’Occident, afin de forcer les Occidentaux à cesser tout soutien aux Américains. Pour éviter cette escalade souhaitée par Téhéran, les Occidentaux ont esquivé. Téhéran a riposté en annonçant un enrichissement à 80%, puis à 100%, promettant d’autres progrès dans le domaine. Pendant des années, Washington s’est emparé de la moindre insinuation dans les déclarations des dirigeants iraniens pour alerter l’opinion publique internationale à propos de l’existence d’une menace nucléaire imminente, mais à présent que ces insinuations sont devenues plus lourdes et plus précises, il esquive ou se montre sceptique sur leur authenticité. La raison est que par le passé Washington avait besoin d’adopter des sanctions contre Téhéran pour contraindre les mollahs (appréciés par les musulmans) à devenir ses alliés régionaux, mais à présent Washington estime que plus de sanctions pourraient anéantir ces futurs alliés utiles. Il utilise donc tous ses médias (dont certains alliés comme la France) pour combattre les rumeurs anxiogènes des mollahs. Ces derniers ont beau s’agiter en annonçant des taux d’enrichissement toujours plus élevés, il n’y a rien à faire, Washington et ses alliés mobilisent leurs médias et sortent de leur manche des experts [1] pour évoquer à l’unisson un manque d’authenticité, de cohérence, des problèmes techniques signalés par l’AIEA, des appareils vétustes… On rassure ainsi les citoyens occidentaux que l’on avait pris à témoin quand on voulait sanctionner les mollahs. On minimise le danger dû à la lenteur des représailles. Depuis le début, cela a été une guerre médiatique pour gagner l’opinion et le restera encore. Cette guerre peut prendre des allures différentes. En octobre dernier, quand immédiatement après la rencontre Genève 2, Téhéran avait remis en cause son engagement pour provoquer un clash express, l’info a été censurée par Washington et ses alliés. Nous avons alors cassé l’embargo sur l’info en diffusant la nouvelle. Les Occidentaux ont riposté avec la diffusion world-wide d’une rumeur médiatique initialement d’origine iranienne sur la judaïté d’Ahmadinejad. Ils ont ainsi accaparé tous les médias et obnubilé les quidams occidentaux pendant plusieurs jours, privant le monde de l’escalade souhaitée par Téhéran. De fait, on pourrait supposer que Téhéran a perdu la guerre médiatique. C’est mal connaître les mollahs. Si les Américains et leurs experts ont gagné la première manche de l’année 2010 en trouvant des explications plausibles pour minimiser l’impact pour l’enrichissement même à 100%, Téhéran compte gagner la prochaine manche avec ce qu’il avait appelé les « bonnes nouvelles nucléaires ». En se référant à la dernière interview d’Ali-Akbar Salehi, le directeur de l’organisation iranienne de l’énergie nucléaire, on peut affirmer que la principale torpille médiatique des mollahs en 2010 sera l’annonce de la maîtrise de la capacité autonome de conception de réacteurs atomiques. Si Washington a recyclé la rumeur de la judaïté de Mahmoud pour torpiller de manière ponctuelle l’annonce du refus foudroyant de l’accord Genève 2, Téhéran lui rendra la monnaie de sa pièce car l’annonce de capacité de conception de réacteurs atomiques recyclera la super rumeur américaine de l’existence en Iran de sites nucléaires clandestins destinés à des activités militaires. La clef de cette guerre est l’impact sur l’opinion occidentale. L’ayant diffusée lui-même pour justifier une escalade des sanctions contre Téhéran, Washington ne pourrait logiquement pas l’esquiver. C’est tout de même bien triste pour les peuples qui ont affaire à des dirigeants aussi cyniques chez eux que dans le camp adverse.
L’art de l’escalade à l’iranienne :
| Mots Clefs | Nucléaire : Politique Nucléaire des mollahs |
[1] Un exemple de minimisation par les experts et journalistes liés à Washington | « L’AIEA a en effet constaté, en novembre 2009, que seule la moitié des quelque 8 000 centrifugeuses de Natanz était en train de produire. La raison ? Dans une étude fouillée du programme iranien, publiée jeudi, David Albright avance des explications. Les Iraniens rencontreraient des problèmes liés à l’installation trop rapide d’un grand nombre de centrifugeuses. L’uranium qu’ils utilisent contiendrait des impuretés. Et un travail de sabotage mené par des services secrets occidentaux, notamment au niveau des circuits de fourniture d’équipements, ne serait pas étranger à ces déconvenues. C’est la raison pour laquelle Barack Obama, qui parle désormais ouvertement de la "militarisation" du programme iranien, semble confiant qu’il reste du temps pour la diplomatie et les sanctions ». LE MONDE | 12.02.10 | Natalie Nougayrède |