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Statoil et le Testament d’Alfred Nobel
09.10.2005 ( + note supplémentaire )

Faire acte de candidature pour le Prix Nobel de la Paix nécessite cent cinquante signatures. Est-il aussi simple, ou existe-t-il d’autres mécanismes qui commandent l’attribution de ce prix ? Le Prix Nobel de la Paix a une portée politique mais il a aussi des portées économiques.



Lorsque le 27.11.1895, à Paris, Alfred Nobel rédige son testament, il laisse un capital de plus de 32 millions de couronnes. Ce capital sera employé pour la création d'une fondation et placé en valeurs mobilières dont les revenus seront redistribués chaque année à titre de récompense aux personnes qui, au cours de l'année écoulée, ont rendu à l'humanité de grands services. Les finances de chaque Prix dépendent des revenus de la Fondation Nobel.

Depuis 1987, la Fondation Nobel a ouvert au public le capital d'une de ses filiales sous la forme de vente d'actions et d'obligations. Cette ouverture a eu un effet immédiat : en deux ans, de 1990 à 1992, le capital a doublé ! Qui sont les actionnaires de cette fondation ? Cet article ne peut y répondre mais il peut susciter des questions légitimes.

À peine soldée l'affaire Elf, Eva Joly, ex-pilier de la section financière du Parquet de Paris, est devenue la Conseillère spéciale du ministre de la Justice norvégien. À ce nouveau poste, Mme Joly s’est vue dotée de pouvoirs étendus en matière de la lutte contre la corruption. Elle a voulu faire un cas d’école du traitement du nouveau scandale pétro-financier impliquant Statoil et l'entourage de Rafsandjani.

À la tête de cette Cellule spéciale de lutte contre la corruption, Eva Joly s’est intéressée au fleuron pétrolier local, la Statoil, soupçonnée d'avoir versé 15,2 millions de dollars de pots-de-vin à l’entourage du fils de Rafsandjani.

En octobre 2002, Statoil obtient de la part de l’Iran un très juteux contrat : l’exploitation de South Pars, l’un des plus grands champs pétroliers et gaziers du pays. Coïncidence ? Quelques semaines auparavant, la compagnie norvégienne s’était liée avec une société de conseil inconnue, Horton Investment, basée aux îles « Turks et Caïcos », aux Caraïbes.

Horton Investment, basé à Londistan, appartient à un avocat iranien, Abbas Yazdi, réputé proche du fils Rafsandjani. Yazdi est surtout le directeur d’une succursale de la National Iranian Oil Company, partenaire de Statoil. Un contrat a été signé en catimini entre les Norvégiens et Horton Investment, d’une durée de 11 ans, et une commission de 15,2 millions de dollars a été versée au fils Rafsandjani (via Yazdi sur un compte ouvert au Crédit Suisse First Boston).

En Iran, le clan Rafsandjani reste un passage obligé pour obtenir les droits d’exploitation du brut iranien. Statoil appartient à 82% à l’Etat norvégien.

Cette affaire, révélée en septembre 2003 par le quotidien économique norvégien « Dagens Naeringsliv », a provoqué les démissions en cascade du responsable « prospection et exploration » de Statoil, puis celle de Leif Terje Loeddesoel, le président du conseil d’administration, et enfin celle d’Olav Fjell, le PDG de la compagnie pétrolière.

Suite à la démission du Président du Conseil d’Administration et du PDG de la compagnie, le Conseil d'Administration de la société norvégienne a choisi Kaci Kullmann Five, une ancienne ministre du commerce et membre du comité chargé de décerner les prix Nobel, pour reprendre la société en main et choisir un nouveau PDG.

Liens entre Statoil et le Comité du Nobel

Statoil a choisi Mme. Kaci Kullmann Five qui devait non seulement choisir une nouvelle équipe mais elle devait sauver le contrat éclaboussé par l’affaire d’autant plus que 2003 est l’année du début des problèmes des mollahs avec l’AIEA. En Juin 2003, le monde découvre les manigances nucléaires du régime islamique et les Norvégiens ont sur les bras l’affaire de la corruption et l’infréquentabilité du régime des mollahs (Enlèvement et Meurtre de Zahra Kazemi qui enquêtait sur les familles des prisonniers politiques).

En Juin 2003, Les services secrets américains révèlent l'existence de deux sites secrets dans le centre de l’Iran, une unité d'enrichissement d'uranium à Natanz et un site de production d'eau lourde près d'Arak. Washington pense alors que Téhéran semble maîtriser tout le cycle de production d’énergie nucléaire, ce qui lui permettrait de fabriquer une bombe atomique sans recourir aux importations.

L’attribution du Prix Nobel de la Paix à Shirin Ebadi a changé partiellement la donne. Le prix prestigieux avait été attribué « en toute objectivité » à une Iranienne « en lutte pour les droits des femmes au pays des mollahs ».

Ceci a été présenté comme une note d’espoir. Shirin Ebadi montrait qu’au pays des mollahs, les libertés étaient restreintes mais qu’il existait un champ d’action.

Depuis octobre 2003, Ebadi a prouvé à maintes reprises elle est devenue l’ambassadrice du Coran expliqué aux mécréants et l’avocate de la Charia, lois religieuses qui sont à son avis mal-interprêtées par les «intégristes».

Elle n’a jamais pris aucune position laïque, ni même séculière, lors de ses nombreuses interventions aux quatre coins de la planète.

Cependant, nul n’ose dénoncer son comportement ou ses propos de peur de tomber lapidé par les ayatollahs de la presse bien pensante de la gauche. Son anti-américanisme est salué et l’on oublie qu’au nom de ce principe, elle tient des discours ambigus. Elle a un avis sur de nombreux sujets, mais elle est quasi muette sur la situation en Iran : le sida, la toxicomanie, la prostitution des enfants et la très grande précarité ne la concerne pas et dans la cas du procès de Zahra Kazemi, elle va jusqu’à dénigrer les témoignages qui établissent que la victime avait été violée par plusieurs hommes avant de mourir !

Shirin Ebadi qui représente si mal les aspirations des Iraniens, et plus généralement l’idée qu’on se fait d’une militante pour les droits des femmes, sillonne le monde pour donner une image apaisée de l’islam au pouvoir. Le Comité Nobel aurait pu la rappeler à l’ordre, mais il n’en est rien : tout porte à croire que ce comité est tout au plus indifférent à cette dérive.

Les opposants iraniens pensent qu’il s’agit d’une opération de réhabilitation du régime en place en Iran afin de rendre cet Etat fréquentable pour de « assurer » les intérêts de la Norvège et de l’UE en Iran.

Shirin Ebadi milite pour l’islam au pouvoir et la couverture médiatique qui lui est consacrée amplifie ses propos et donne une image fausse de l’Iran : c'est quelque peu contraire au testament d’Alfred Nobel.

Il faut rendre hommage à Mme. Kaci Kullmann Five qui a su faire oublier l’affaire Statoil-Rafsandjani en usant de son influence au sein du Comité Nobel.

L’action de Shirin Ebadi a été fort nuisible aux opposants iraniens car le Prix Nobel de la Paix canonise celui qui l’obtient. Elle a eu droit à la parole et elle n’a cessé de louer la révolution islamique, ses acquis et ses caciques.

© WWW.IRAN-RESIST.ORG

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Note supplémentaire sur « Statoil et le Testament d’Alfred Nobel »

Depuis l’attribution du Prix à Ebadi, deux ans ont passé au cours desquels la répression a demeuré juste en changeant d’habit, la misère et la pauvreté ont gagné du terrain et les Iraniens sont devenus encore plus résignés.

Une des raisons de cette résignation est le respect dont témoignent les journalistes européens à ceux qui cachent la vérité de cette déchéance. Les Iraniens sont les oubliés de ces histoires d’amours médiatiques.


Quel est le Bilan des efforts d’Ebadi ?

Elle est très décriée en Iran. Très opportuniste, elle a partiellement récupéré les slogans de l’opposition : personne n’y a cru [1]. Elle s’en est alors prise publiquement à Rafsandjani. C’est une enfonceuse de portes ouvertes. Rafsandjani est en quelque sorte le « coupable reconnu » de tous les maux de la société iranienne. Incontestablement, l’homme le plus détesté des Iraniens se prête à ce jeu dans l’intérêt supérieur du système. Quand le régime veut lancer un opposant officiel, le candidat ou la candidate se doit d’attaquer Rafsandjani !

Tel est le bilan d’Ebadi.

- Et ce sont les iraniens qui en payent le prix ...

- Ebadi demeure auréolée des meilleures intentions … en Europe.

- Et si par notre travail, nous arrivions à la démasquer …


- Ebadi serait dévoilée mais à quel prix !



Depuis 2003, le Prix Nobel semble récompenser indirectement pour la seconde fois, le régime des mollahs et leur champion, Rafsandjani : maître absolu du système et Patron du pétrole iranien
. Cette ligne semble un peu en contradiction avec le Testament du père Nobel but Business is Business.



RAPPEL. En1895, à Paris, Alfred Nobel rédige son testament, il laisse un capital de plus de 32 millions de couronnes pour récompenser les personnes qui, au cours de l'année écoulée, ont rendu à l'humanité de grands services à l’humanité. En 1987, la Fondation Nobel a ouvert au public le capital d'une de ses filiales sous la forme de vente d'actions et d'obligations. Cette ouverture a eu un effet immédiat : en deux ans, de 1990 à 1992, le capital a doublé ! Qui sont les actionnaires de cette fondation ?

Diplomate de carrière, M. El Baradei est né le 17 juin 1942 en Egypte et a étudié à l’université du Caire avant de réussir en 1964 un doctorat en droit international à New York. Il entame, la même année, sa carrière au siège des Nations Unies. En 1984, il entre à l’AIEA. Il se spécialise dans les domaines de la coopération technique et de la sécurité nucléaire. Le 5 juin 1997, il est nommé directeur général de l’organisation, succédant au Suédois Hans Blix dont il a été l’adjoint.


En février 2003, lors de la crise diplomatique avant l’intervention américaine en Irak, il avait affirmé qu’il n’y avait pas de preuve que Bagdad développait un programme d’armes nucléaires.

Selon Bruno Tertrais, [2] en tant qu’Egyptien, El Baradei ressent peut-être une certaine affinité avec les préoccupations iraniennes [3] (sa culture personnelle le porte à être réceptif aux arguments qui ont cours au sein du monde arabe et musulman à propos du statut nucléaire d’Israël).

Mohamed El Baradei est marié à la nièce d’Ayatollah Mahdavi-Kani.

Mahdavi-Kani, un des piliers du régime, responsable du Comité Révolutionnaire de Téhéran, coordinateur de l’ensemble des Comités Révolutionnaires sur tout le territoire iranien, responsable de dizaines milliers d’exécutions, est le président de l’Association du Clergé Combattant qui regroupe les éléments les plus orthodoxes du régime islamique. Khamenei et Rafsandjani sont membres de l’Association du Clergé Combattant.

[1Ebadi a récupéré les slogans de l’opposition, mais elle joue sur les mots et remplace le boycott du régime par le boycott des « conservateurs » ou des « lois » ou institutions conservatrices, recyclant les concepts des « réformes ». Rappelons que les réformateurs ne sont pas en désaccord avec les « conservateurs » sur le Hezbollah, la bombe, l’économie, la charia, le destruction d’Israël, la peine de mort … (voir articles associés).

[2Bruno Tertrais, Chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique, spécialiste des questions de sécurité internationale

[3Les Français utilisent couramment le mot « iranien » pour désigner « les mollahs » !