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Iran : Moussavi s’est exprimé sur le nucléaire
10.02.2010

À l’heure où pour forcer les Occidentaux à capituler, la république islamique cherche à provoquer une escalade susceptible de menacer la sécurité du détroit d’Ormuz, il aurait été intéressant d’avoir l’avis des modérés du régime. Mir Hossein Moussavi, que les Etats occidentaux qualifient d’opposant ou encore de modéré, a abordé le sujet dans un discours sur les objectifs du Mouvement Vert. Les médias occidentaux ont censuré ses propos.
| Décodages du discours et des raisons de cette censure |



En juin dernier, Téhéran était au même point qu’aujourd’hui : dans une position de refus de toute réconciliation sur le nucléaire. Il venait tout juste de recevoir l’offre américaine d’un échange de son stock d’uranium faiblement enrichi contre du combustible à base d’uranium enrichi à 20%. Pour l’Amérique, l’offre ne pouvait pas être refusée car en acceptant d’éliminer volontairement son stock potentiellement utilisable à des fins militaires, Téhéran mettait de facto fin à toute tension avec Washington, donc à la crise et aux sanctions initiées par ce dernier. Il ouvrait une nouvelle ère entre les deux pays, rendant possible une entente stratégique dont Washington a besoin pour contrôler l’Asie Centrale et ses habitants musulmans.

Les mollahs ont rejeté l’offre car ils redoutent l’entente qu’elle contient. Cette entente les obligerait à autoriser le retour en Iran des politiciens iraniens exilés proches de Washington, intrus qui pourraient facilement prendre le pouvoir dans les prochaines élections iraniennes non pas pour sortir de l’islamisme, mais pour mettre les mollahs en minorité pour réorganiser des objectifs du régime : fin de l’ingérence au Liban et des attaques contre Israël et début de soutien aux musulmans de l’Asie Centrale et de la Chine.

Face à cette révolution de couleur, Téhéran a imaginé la sienne : le Mouvement Vert en faveur de Moussavi, un candidat dit « modéré » et « engagé en faveur de la restauration des valeurs fondatrices de la révolution islamique » dont la première est « l’indépendance » ou le refus de tout consensus avec l’Occident ! Téhéran s’imaginait qu’Obama, l’homme du discours du Caire, serait moralement obligé de prendre la défense de ce mouvement officiellement spontané et sans chef, reconnaissant de facto son idole hostile à ses projets comme le porte-parole légitime du peuple iranien. Pour coincer le président américain, Téhéran a expédié en Europe des gens comme Mohsen Makhmalbaf, cinéaste primé à Cannes pour ameuter les médias de gauche.

Cette ruse du faux réformateur ou de la fausse révolution de couleur a perturbé Washington qui pour faire accepter une entente avec les mollahs terroristes comptait mettre en avant les modérés, la réformabilité du régime ou encore les élections libres (détournées par le Mouvement Vert). Washington a riposté en collant ses « intellos » (BHL, Taubmann etc.) aux basques de Makhmalbaf pour ravir le terrain aux mollahs et parler d’une contestation qui demande des élections libres. Le journaliste Taubmann a même organisé une conférence de 6 heures à Paris pour populariser les candidats de Washington pour une « république islamique démocratique » [1] (branchée sur l’avenir des musulmans chinois).

En réponse, Téhéran a expédié vers l’étranger des soi-disant exilés (qui quittent l’Iran avec un visa du régime) pour réinvestir le terrain occidental où tout se passe puisque les Iraniens boycottent le Mouvement Vert pro-Khomeiny et ses patrons membres des hautes instances du régime.

Pour contrer l’arrivée de ses renforts, les médias liés à Washington ont commencé à donner la parole à ces soi-disant exilés, preuves d’une contestation en Iran. D’une manière générale, la ligne de Washington a été de louer la contestation du Mouvement sans chef par ses pions ou ses médias sans pour autant le légitimer par un soutien officiel. Cela a énervé Téhéran qui a dû mettre en scène des manifestations violentes pour évoquer les malheurs du Mouvements Vert afin d’obliger Obama à prendre parti. L’apothéose de ces mises en scène a été la manifestation du 27 décembre. Cette fois, les Iraniens ou les Français au service de Washington ont prétendu que ce Mouvement Vert avait dépassé Moussavi

À ce moment-là, Moussavi est sorti de sa réserve pour réclamer par écrit la direction du Mouvement Vert et rappeler l’engagement de ce Mouvement en faveur de la révolution islamique. La lettre a été censurée par les Américains, mais aussi par les Européens qui ont d’importants intérêts en Iran et justifient les échanges avec les mollahs violents en évoquant la réformabilité du régime. Dépité par cette censure, Téhéran a tenté de passer le message par l’autre chef du Mouvement vert, Karroubi qui a été censuré à nouveau. Il a alors relancé l’arrivage de nouveaux faux exilés verts (un danseur, des chanteurs, des journalistes…) et mis en place le plan très médiatique des « Ambassades Vertes » pour de tonitruantes défections de diplomates iraniens pro Verts. Le Monde a récemment interviewé l’un d’eux, Mohammad-Reza Heydari. Il est important de préciser que le ministère iranien des affaires étrangères est un sous-ensemble du ministère des renseignements, ce qui veut dire que Téhéran est en train de chercher à reprendre le terrain extérieur. Par ailleurs, Heydari est un nom de code, chaque fois que l’on parle à un « diplomate iranien » et on lui demande son nom, il se présente comme « Heydari ». Nous connaissons ainsi plusieurs Heydari à Paris, ce qui suppose une Maman Heydari aux capacités parturientes très élevées.

En réponse à cette double offensive sur le plan intérieur et extérieur (Karroubi ter et Ambassades Vertes), Washington a tenté une grande contre-offensive avec une avalanche d’appels à manifestation en Iran ou en exil lancés par ses pions iraniens en exil pour créer une direction parallèle du Mouvement Vert, parfait ponton pour exiger des élections libres profitables à ses pions. C’est en réponse à cette grosse charge que Moussavi nous revient avec son dernier discours où il a aussi parlé du nucléaire.

Décodages du dernier discours censuré de Moussavi | En décembre dernier, Téhéran avait cru que Washington tentait de prendre en main la contestation pour évoquer un changement de régime, c’est pourquoi le discours avait été axé sur l’obédience de Moussavi et du Mouvement Vert à l’Islam et la révolution islamique. Entre temps, Téhéran a saisi son erreur d’estimation sur les intentions de Washington, c’est pourquoi le thème de l’obédience à l’Islam a cédé sa place au slogan de l’indépendance scandé par Khomeiny en 1979 (slogan qui signifiait la rupture de toute relation apaisée avec l’Amérique). L’objet du refus de l’apaisement étant de nos jours le nucléaire, Moussavi a appelé les étudiants membres de la milice universitaire ainsi qu’Ahmadinejad qui fut un de leur membre à renouer avec la méthode de Khomeiny prônée par le Mouvement Vert pour renoncer à la diplomatie et annoncer sans détours un NON SANS APPEL.

Le futur visage du régime n’a également pas oublié la tentative de l’OPA des pions de Washington sur le Mouvement Vert. Pour lui, un Mouvement Vert aussi clairement hostile à tout consensus et qui contrairement à Ahmadinejad « n’a jamais parlé aux Occidentaux, ne peut être accusé de liens avec les Etrangers ». Selon Moussavi, ce Mouvement ne supporte aucune déviation de ses slogans par les Etrangers (…) Ces derniers devraient savoir que les querelles électorales sont un différent interne à la famille révolutionnaire islamique comportant des religieux, des bassidjis ou encore des Pasdaran ». Moussavi a ajouté qu’ils étaient « tous des frères ». Il a rappelé que « le 11 Février est à ses yeux une journée d’unité ». De ce fait, il y sera pour montrer « l’unité de la famille qui devra être présente pour sauver la révolution islamique et la république islamique ».

24 heures après, la milice universitaire (qualifiée de modérée) a publié une déclaration inspirée de cette intervention reprochant à Ahmadinejad sa complaisance avec Washington et appelant tous les frères à la nécessité de « revaloriser le premier principe de la devise du régime : l’indépendance ».

Cela veut dire que le régime des mollahs n’acceptera jamais aucun apaisement avec l’Occident. Téhéran veut une confrontation, une menace guerrière sur le détroit d’Ormuz pour forcer les Occidentaux à capituler. Au lieu de prendre acte de cette réalité, les Occidentaux ont censuré les propos de Moussavi pour éviter des sanctions contraires à leurs intérêts géopolitiques ou pétroliers. Hier, ils avaient esquivé les provocations d’Ahmadinejad pour la même raison en évoquant « leurs doutes quant aux capacités d’enrichissement des mollahs ». Il ne sert à rien d’esquiver, Téhéran déborde de capacités de nuisance pour provoquer une escalade.


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Washington et les Verts :
- Iran : La grande mobilisation
- (6 FÉVRIER 2010)

Pour en savoir + :
- Iran : Une escalade prévisible
- (8 FÉVRIER 2010)

| Mots Clefs | Réformateurs & faux dissidents : Le Mouvement Vert |
| Mots Clefs | Mollahs & co : Mir-Hossein Moussavi |
| Mots Clefs | Institutions : Diplomatie (selon les mollahs) |

| Mots Clefs | Décideurs : OBAMA |
| Mots Clefs | Enjeux : Apaisement |

[1Pendant l’émission du mardi 23 juin 2009 "Du grain à moudre" consacrée à l’Iran, Michel Taubmann s’est dit partisan d’une république islamique démocratique.