Iran : Une escalade prévisible 08.02.2010 Téhéran vient d’annoncer sa décision (réversible) de se lancer dans deux jours dans l’enrichissement à 20% pour produire du combustible nucléaire pour son réacteur de recherche. Si on enlève les fioritures, il vient en fait d’annoncer qu’il veut enrichir de l’uranium au-delà du seuil réservé à un usage civil. Téhéran cherche la confrontation. | Retour chronologique sur une escalade prévisible |Pour parvenir à une entente les mollahs, en avril dernier, Washington leur a proposé de leur livrer du combustible nucléaire pour leur réacteur de recherche en échange de leur stock d’uranium enrichi à 3,5%, une offre de nature à terminer la crise car, sans restreindre le droit des mollahs à tout niveau d’enrichissement -exigence qui empêche toute entente-, elle éliminait le stock potentiellement transformable en une bombe. Washington a assorti l’offre d’une menace d’un embargo sur les carburants, menace sérieuse car toute l’industrie iranienne dépend de diverses variétés de carburant, la pénurie serait synonyme de révoltes populaires déstabilisatrices pour un régime fort impopulaire. Mais les mollahs n’ont pas donné suite car ils estiment depuis toujours et à juste titre que Washington a besoin d’eux pour accéder à l’Asie Centrale ou pour contrôler ses musulmans sensibles à leurs slogans. La supposition est fondée, mais Washington a surtout besoin d’alliés dociles, ce qui n’est pas le cas des mollahs et justifie les menaces de mesures fatales ou l’application des sanctions conçues pour affaiblir sans renverser ces futurs alliés utiles. En fait si Téhéran a refusé l’offre en toute quiétude, c’est parce qu’en plus de ses certitudes géopolitiques aléatoires, il bénéficiait du soutien de la Russie, grande productrice de produits pétroliers. La situation a changé quand Washington a cédé sur l’ABM et la Géorgie pour obtenir l’adhésion de la Russie à sa politique iranienne. Cela a changé l’architecture du groupe des Six : la Russie a intégré l’offre et celle-ci est devenue commune aux Six. L’adhésion russe a aussi changé les perspectives de l’Amérique : la menace de l’embargo est devenue plausible, ce qui a changé l’importance de la date limite américaine du 31 décembre 2009 pour la solution diplomatique. Téhéran a alors accepté une rencontre pour discuter de l’offre à l’origine américaine des Six. C’est ce que l’on a appelé Genève 2 ou la rencontre de dernière chance, le 1er octobre à Genève. Lors de la rencontre Téhéran a accepté l’offre, mais pour la forme on lui a donné un délai de réflexion. Au retour, Washington a gelé ses menaces de sanctions contre Téhéran. Ce dernier est alors revenu sur son engagement en évoquant la possibilité d’enrichir lui-même son stock pour produire lui-même son combustible pour son réacteur de recherche. La rencontre de la dernière chance était alors fichue, Washington aurait dû adopter des sanctions qu’il avait promises en cas de l’échec de la diplomatie. C’est ce que souhaitait Téhéran : incapable de résister aux sanctions en vigueur depuis 2007, il veut entraîner ses adversaires dans une escalade guerrière afin que la peur d’une menace sur leur approvisionnement pétrolier ne les oblige à demander aux Etats-Unis de mettre fin à ses sanctions. Washington a esquivé l’escalade pour continuer ses sanctions destinées à rendre les mollahs plus malléables. Téhéran a renoué avec sa stratégie de l’amplification de la crise avec des exercices militaires chargées d’insinuations intimidantes pour Israël. Washington a de nouveau esquivé et Téhéran a recommencé avec l’annonce de la multiplication par 100 de sa capacité d’enrichissement ! La machine s’est emballée car Téhéran est économiquement de plus en plus faible. Il lui faut une très grosse cirse pour mettre fin le plus rapidement possible aux sanctions. Cette faiblesse étant utile à Washington pour sceller un contrat de docilité avec les mollahs selon ses clauses, il a esquivé la provocation. Téhéran est reparti à la recherche de sa grosse crise avec une maladroite rumeur insinuant qu’il avait déjà la bombe quand il a réalisé que ses réserves de devises étaient à sec et qu’il ne pourrait plus longtemps résister aux sanctions. Nouvelle esquive des Etats-Unis ! Il y a 10 jours, Téhéran a prévenu qu’il annoncerait sa capacité d’enrichir à 20% (droit qui lui a été implicitement accordé par Washington en avril 2009). Washington a esquivé l’annonce et ce qu’elle sous-entendait. Hier, Téhéran a confirmé qu’il avait promis le 25 janvier dernier (par nécessité de provoquer une escalade, mais également encouragé par la mauvaise attitude de Washington). Encore une fois, Washington a esquivé ! La présente annonce anxiogène d’un enrichissement au-delà du seuil réservé à un usage civil est une étape dans la quête absurde des mollahs. Il y aura d’autres provocations, mais aussi d’autres esquives. Cette ronde de provocations et d’esquives continuera tant que les mollahs tiendront debout. Vu leur état économique, on pourrait tabler sur la fin prochaine de cette ronde, mais parce que Washington a besoin des mollahs pour agiter à sa guise les régions pétrolières qui intéressent la Chine, il a dernièrement fait parvenir 600 millions de dollars aux mollahs. Le métronome de la crise est donc à Washington et non à Téhéran.
N°2 du best of des esquives américaines
N°2 of the highlights of the American dodges
| Mots Clefs | Institutions : Diplomatie (selon les mollahs) |
| Mots Clefs | Décideurs : OBAMA |
| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : RUSSIE | |