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Iran : Le cadeau d’anniversaire que les Américains regrettent déjà
02.02.2010

Il y a une semaine, Washington a surpris en autorisant l’Irak à passer un joli contrat pétrolier de 600 millions de dollars avec les mollahs à un moment où ces derniers donnaient des signes d’épuisement à quelques jours de l’anniversaire de leur révolution. La somme a donné le sourire aux mollahs puisqu’ils sont repartis en mode offensif contre cette Amérique qui leur avait donné la preuve qu’elle ne souhaitait pas leur renversement. Mais la question est à quoi peuvent servir ces 600 millions pour un régime ruiné ? A quoi ont été affectés ces pétrodollars ? La réponse est déconcertante et fort instructive pour ceux qui espèrent fricoter avec les mollahs.



Pour accéder à l’Asie Centrale et contrôler ses populations musulmanes afin de couper les liens de cette région avec la Chine, Washington a besoin d’une alliance ferme avec un régime islamiste en Iran, un régime de mollahs à sa solde. Idéalement, il préfère des laïcs islamistes comme Erdogan et le but pour y parvenir est d’imposer aux mollahs la tenue d’élections ouvertes à tout candidat, en priorité les siens afin de prendre le pouvoir de l’intérieur et ainsi mettre les mollahs en minorité, les obligeant ainsi à composer avec lui. Dans ce but, il leur impose des sanctions depuis 30 ans, pour divers motifs graves et depuis 30 ans, les mollahs qui ne veulent pas partager le pouvoir résistent de leur mieux.

Dernièrement, Washington a pu renforcer ses sanctions et les étendre à tous les partenaires commerciaux des mollahs en évoquant le motif gravissime de la prolifération nucléaire. Il a ainsi pu priver les mollahs de nouveaux contrats pétroliers ou d’accès à des investissements étrangers.

Incapables d’accepter le partage du pouvoir, les mollahs ont toujours cherché la confrontation pour provoquer un état de guerre dans le golfe Persique dans le but de mettre en péril l’approvisionnement pétrolier de l’Occident, avec l’espoir que l’Europe fasse pression sur Washington pour abandonner son objectif. Cette conduite a provoqué l’application de nouvelles sanctions qui ont encore plus épuisé l’Iran. Les Bazaris victimes de cette situation préfèrent une entente d’une part, parce que politiquement ils n’ont rien à perdre, et d’autre part, parce que l’entente peut même s’avérer très lucrative.

C’est pourquoi privé de devises, le régime n’a donc eu aucun remord de taxer les Bazaris. Il y a un an, il l’a essayé de manière ouverte en imposant un impôt très lourd aux commerçants d’or, mais l’affaire s’est soldée par des grèves qui l’on fait reculer. Après cet échec, il s’est servi autrement en vidant à l’insu des intéressés les réserves de devises des comptes bancaires des Bazaris, mais toutes les bonnes choses ayant une fin, mi-janvier, quand il n’y avait plus rien à voler, il a ébruité la rumeur de la faillite de deux grandes banques iraniennes dont ils avaient détourné les capitaux.

Le motif mis en avant des faillites est le refus de l’Etat de sauver des banques mal gérées qui auraient accordé des prêts vertigineux à 10,000 entrepreneurs (Bazaris) qui ne remboursaient pas leurs dettes. Mais non seulement, les mollahs accusaient les Bazaris de leur propres détournements, mais encore ils ont laissé entendre que cela résultait du taux préférentiel du dollar offert par le régime (entre 1/10e et 1/100e du taux réel), taux qu’il fallait supprimer pour éviter ce genre d’abus.

En fait, les mollahs voulaient effacer leurs propres dettes sans rien rembourser aux clients volés et au passage se libérer de ce taux instauré pour avoir le soutien du Bazar à un moment où ils ne peuvent plus compter sur les Bazaris. Ces derniers ont paniqué et ont décidé de retirer leur argent des banques pour vite acheter des dollars avant que les taux ne remontent. N’ayant pas justement de devises en sa possession, les mollahs ont interdit tout gros retrait en précisant que les contrevenants seraient arrêtés pour blanchiment d’argent, un délit qui expose son auteur à l’expropriation de tous ses avoirs ou biens.

Le manque de devises a exposé le régime à un autre problème plus grave : l’incapacité d’approvisionner le marché avec les produits de base. Cela voulait dire qu’il allait aux devants de pénuries donc d’émeutes populaires. Pour éviter des pénuries aussi risquées, le régime a tout simplement décidé de réduire le pouvoir d’achat des Iraniens. Dans un premier temps, le régime a diminué les pensions des retraités car de nombreuses familles iraniennes vivent grâce aux retraites des aînés, mais cela n’a pas suffi. Il y a trois semaines, le régime est passé à la vitesse supérieure avec la suppression des subventions sur les produits de base qui allait libérer les prix et le plan d’uniformisation des salaires qui allait supprimer les salaires les plus élevés. Ainsi, le marché pouvait rester approvisionné, mais les produits devenaient inaccessibles.

Comme il avait résolu sa dette en liquidant les banques endettées, pour éviter les pénuries, le régime a décidé de liquider le marché intérieur. Cette double décision a donné l’alerte aux Bazaris, ils ont décidé de fermer leur compte dans les banques, ce qui a donné lieu à des bagarres dans les banques. Le régime a même placé des gardes armés à l’intérieur des succursales et l’on rapporte des coups de feu et des blessés.

Alors il s’est passé une chose inouïe ! La perspective d’émeutes susceptibles de renverser le régime islamique a paniqué Washington ! Sans les mollahs, ses plans régionaux tomberaient à l’eau. C’est pourquoi, l’Etat américain, qui interdit à ses alliés comme ses adversaires de signer des contrats pétroliers avec les mollahs, a autorisé l’Irak à signer un contrat de 600 millions dollars pour l’achat de 19,000 barils de gazole par jour pendant quelques mois (même pas un an). La somme n’a pas été choisie au hasard car au taux réel du dollar, c’est la somme exacte que les mollahs ont piquée dans les caisses des bazaris. Ceci sous-entend que pour Washington, la vraie menace pour le régime est une rupture avec le Bazar et non une rupture avec la rue. Il a accordé au régime la capacité de répondre à une forte demande de devises du côté du Bazar.

Mais au taux iranien du dollar, les 600 millions de dollars seront insuffisants pour répondre à une demande massive de devises des Bazaris. Le régime des mollahs a donc décidé d’affecter cette somme à un autre problème : la satisfaction de la rue. C’est pourquoi il y a une semaine, il a évoqué un possible report presque définitif de la loi impopulaire de la libération des prix au motif qu’elle serait « trop inflationniste ».

Mais au bout d’une semaine, Téhéran semble avoir changé d’avis sur l’affectation réservée à ce cadeau puisqu’il vient de reparler de la libération des prix en même temps qu’il a formellement démenti les rumeurs de manque de liquidités dans les banques, annonçant que ces dernières « regorgeaient de billets » convertibles en dollars dont le taux sera « encore baissé pour réduire l’inflation ». La raison de ce changement n’est pas le bien être des Bazaris, mais des hommes d’affaires issus du régime qui veulent depuis toujours s’emparer du Bazar puisque dans le même temps, le régime a maintenu ses infos sur les mauvais payeurs (Bazaris) qui ne sont plus 10,000 mais 35 en promettant de « les punir de la plus dure manière par le ministère de la justice ».

La contrepartie de ce choix pour engloutir de manière définitive le Bazar est une libération des prix encore plus forte que les annonces initiales du régime ou même nos prévisions sur la base de précédentes déclarations des responsables professionnels des secteurs concernés. Ainsi on parle d’une « multiplication par 12 du prix de l’électricité » au prétexte de la « nécessité de financer des nouvelles centrales ». Pour réduire la consommation de l’essence, on parle à présent d’un « plan obligatoire de retrait des vieilles voitures polluantes ». Il y a aussi une campagne pour évoquer la « pollution des nappes phréatiques » afin de décréter un manque puis un rationnement. Et enfin au prétexte que selon la Banque Centrale l’inflation aurait été divisée par deux et que le salaire minimum serait calculé sur le taux de l’inflation, on annonce « une baisse générale des salaires ». Le régime a trouvé les prétextes pour liquider définitivement le pouvoir d’achat des Iraniens. C’est aussi un cadeau pour les « entrepreneurs » liés au régime.

Washington voulait sauver le régime en lui accordant ce cadeau, mais il vient sans doute d’aggraver la situation en amplifiant les inégalités populaires ainsi que les inquiétudes du Bazar (entité également populaire disposant d’un important réseau social). Il est connu qu’il ne faut pas jouer avec le feu, ce que les Américains font en Iran depuis 1960 faisant fi de leur ignorance de la société iranienne.


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| Mots Clefs | Décideurs : OBAMA |
| Mots Clefs | Enjeux : Garanties Régionales de Sécurité : le DEAL US |
| Mots Clefs | Enjeux : Apaisement |

| Mots Clefs | Instituions : Politique Economique des mollahs |

| Mots Clefs | Résistance : Menace contre le régime |