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El Baradei serait favorable à la bombe islamique ? 08.10.2005 [Libération] Bruno Tertrais, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique, spécialiste des questions de sécurité internationale, répond à Jean-Dominique MERCHET de Libération. [Extraits concernant l’Iran] El Baradei serait favorable à la bombe islamique ?
.Est-ce une bonne nouvelle ? . C’est en tout cas un encouragement pour l'AIEA et son traitement diplomatique et consensuel des crises liées à la prolifération des armes nucléaires, et un petit coup de griffe contre les Etats-Unis. Car l’approche d’El Baradei n’est pas forcément celle privilégiée par l’administration Bush. Washington a d’ailleurs longtemps hésité avant de soutenir le renouvellement de son mandat à la tête de l’Agence.
.L'AIEA est-elle efficace dans le traitement des deux crises avec l'Iran et la Corée du Nord ? . Pour la Corée du Nord, elle est en dehors du coup depuis 2003, lorsque le régime de Pyongyang s’est retiré du Traité de non-prolifération (TNP). En revanche, elle est au centre du jeu avec l’Iran. C’est grâce à son travail d’inspection que s’est développé un consensus international sur l’état d’avancement du programme nucléaire iranien. C’est une situation très différente de ce que nous avions connu avec l’Irak de Saddam Hussein, lorsque tout le débat portait sur la validité des évaluations américaines. Aujourd’hui, dans le cas de l’Iran, on parle d’évaluations onusiennes qui sont beaucoup moins contestables.
.Quel regard portez-vous sur le rôle personnel d'El Baradei ? . Dans le cas iranien, il a cherché une position d’équilibre afin de maintenir Téhéran dans les négociations. Sa ligne de conduite est restée acceptable par toutes les parties concernées : l’Iran, l’Europe, les Etats-Unis, la Russie…
.Un bilan très positif ? . Oui, mais il y a également un gros point négatif. El Baradei a longtemps refusé de considérer que l'Iran violait ses engagements vis-à-vis de l'AIEA et du TNP. Il a fait preuve de légèreté, voire de naïveté. Sans doute pour maintenir le dialogue, avec Téhéran, mais aussi parce que –en tant qu'Egyptien – il se ressent peut-être une certaine affinité avec les préoccupations iraniennes.
.Vous voulez dire qu'El Baradei serait favorable à la bombe islamique ? . Non, mais je pense que sa culture personnelle le porte à être réceptif aux arguments qui ont cours au sein du monde arabe et musulman à propos du statut nucléaire d’Israël.
.Voyez vous une issue rapide aux crises iraniennes et nord-coréennes? . Non. C’est un processus de longue durée qui va nous occuper encore pendant des années. Ce qui est intéressant à observer, c'est que dans les deux cas, le même pays détient largement les clés : la Chine. C’est évident dans le cas de la Corée du Nord, un pays voisin, mais la Chine a aujourd’hui des liens étroits avec l’Iran, notamment dans le pétrole. Et Pékin dispose du droit de veto aux Nations unies, où le dossier iranien pourrait finalement aboutir. La Russie, elle, s’est clairement prononcée contre le programme militaire iranien... même si elle continue à entretenir des liens commerciaux avec l’Iran dans le nucléaire civil. |