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Iran : Pas de sanctions, mais un nouveau Khomeiny made in US !
06.01.2010

Washington avait laissé jusqu’au 31 décembre 2009 aux mollahs pour accepter sa proposition d’un allégement de son stock d’uranium pour mettre fin à la crise nucléaire. Nous avions affirmé que Téhéran refuserait, mais aussi que Washington ne prendrait aucune mesure hostile suite à cette réponse négative et c’est ce qui arrive : Hillary Clinton a exclu toutes nouvelles sanctions, mais aussi elle a refusé de définir une nouvelle date butoir !



Il y a plusieurs mois, dans nos émissions vers l’Iran, nous assurions les Iraniens qu’il n’y avait aucune chance que les mollahs acceptent l’offre de dialogue américain et aussi que les Américains attaquent l’Iran. Cette affirmation qui se vérifie chaque jour est basée sur l’histoire secrète de la révolution islamique.

Un passé qui se répète | En 1979, cette révolution a renversé la Chah car elle avait le soutien de Washington d’une part en raison de l’hostilité américaine à la politique d’émancipation énergétique du Chah (création de l’OPEP en 1961 et refus en 1973 de reconduire le contrat de 1954 avec le consortium) et d’autre part, en raison de l’adoption par les Etats-Unis de la doctrine Brzezinski qui stipulait la création d’Etats islamiques en Iran et en Afghanistan pour déstabiliser l’Asie Centrale soviétique et la région musulmane de Xinjiang. Le Chah a en fait été éliminé par deux types d’adversaires : les membres du consortium pétrolier (les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la France, la Hollande) pour son refus de vendre presque gratuitement le pétrole iranien et aussi directement par Washington pour ses propres objectifs. Mais Washington voulait utiliser les trois autres pays pour réussir ses propres objectifs. Dans ce groupe de trois présumés pigeons, un Etat était au courant de ce projet : la Grande-Bretagne qui depuis 1848 a toujours utilisé le clergé chiite pour prendre en main le pouvoir.

Ces mollahs alliés historiques de la Grande-Bretagne et qui sont aujourd’hui au pouvoir en Iran ne faisaient pas partie du projet américain : Washington avait basé son projet sur Nehzat Azadi, un parti politique islamiste et fédéraliste, créé par Bazargan [1], l’ayatollah Taleghani et Ali Shariati quelques mois après la création de l’OPEP et la branche armée de ce parti, l’Organisation de Moudjahiddines du Peuple. Nehzat Azadi et l’OMPI devaient renverser la monarchie, symbole de l’unité nationale depuis 2500 ans pour la remplacer par une république islamique fédéraliste, puis dissoudre l’armée nationale, ciment de la stabilité du pays et de la région pour la remplacer par une milice islamique chargée de répandre la révolution islamique dans la région, c’est-à-dire les pays voisins du Caucase et l’Asie Centrale.

Mais ces deux groupes aux objectifs précis définis par Washington avaient un problème : ils n’avaient pas de base populaire et ils étaient mal vus par le clergé qui les voyait comme des concurrents. On peut même parler d’une guerre ouverte entre les deux, dont l’un des épisodes pourrait être l’élimination du plus jeune et charismatique des 3 fondateurs de Nehzat Azadi, Ali Shariati pendant un voyage à Londres juste après le début du projet américain en 1977. Il a donc fallu une alliance avec le clergé chiite dont le résultat a été la création en France d’une cellule révolutionnaire hybride avec Khomeiny entouré des hauts membres de Nehzat Azadi pour mener la révolution, les coups mortels ou encore rédiger la constitution ou la charte des Pasdaran.

Cette alliance a permis la victoire et l’Iran s’est vu doté d’un gouvernement provisoire à 100% composé par les membres de Nehzat Azadi, mais Washington avait oublié un détail : les mollahs et leurs alliés de l’intérieur étaient plus nombreux que les gens de Nehzat Azadi et l’OMPI. Ce sont des gens issus de l’entourage des mollahs, c’est-à-dire les Bazaris ou les paysans, qui se sont enrôlés dans la milice islamique des Pasdaran dont la charte avait été composée à Paris par les gens de Nehzat Azadi ! L’alliance a vacillé le 9 septembre 79 avec la mort suspecte de l’ayatollah Taléghani, le second fondateur de Nehzat Azadi et fut définitivement rompue le 4 novembre 79 quand les mollahs et les Pasdaran ont pris l’ambassade américaine pour publier les documents liant Washington à Nehzat Azadi.

Une politique qui se répète | A cette date, Washington a commencé une politique de sanctions et de dialogue (citée aujourd’hui par Clinton) dont l’objectif a été une seule chose : contraindre Téhéran à accepter l’organisation des élections libres, c’est-à-dire ouvertes à ceux de Nehzat Azadi pour reprendre en main cette république qu’il avait créé pour un but précis.

Depuis 30 ans, il y a d’une part une nécessité de refuser tout dialogue à Téhéran et une nécessité de parvenir à une entente qui se traduit par des sanctions à petit feu. Il y a 7 ans, quand la Chine est devenue plus présente sur le marché pétrolier, Washington a décidé d’augmenter les sanctions pour arriver à ses fins avant que Pékin ne devienne une grande puissance pétrolière. Il a alors parlé de l’éventualité que la république islamique d’Iran se dote d’armes de destructions massives. S’il voulait renverser le régime, il aurait comme dans le cas de Saddam parlé de la possession d’armes et non de l’éventualité d’une dérive d’un programme nucléaire en grande difficulté par manque de compétence scientifique. Dès le départ, Téhéran a choisi la voie de la surenchère pour provoquer une escalade guerrière afin que ses clients pétroliers, l’Europe et le Japon, fassent pression sur Washington pour abandonner la lutte. Il s’est ainsi retrouvé à simuler des progrès nucléaires par provocation, mais on a alors vu les Américains produire un rapport de la CIA stipulant que Téhéran était loin de la bombe.

Washington a ainsi gardé la gestion de la crise pour continuer ses sanctions à petit feu, avant de s’apercevoir en août 2008 que Téhéran était au bord de l’effondrement, il a alors allégé les sanctions (puisqu’elles sont les siennes) avant d’introduire la politique de dialogue et de la main tendue d’Obama. Téhéran a refusé cette main tendue en février 2009, puis en avril 2009 et ainsi de suite à la dernière date butoir fixée pour fin 2009, date prévisible de sa capitulation. Washington a tout simplement aboli le principe de la date butoir car il ne peut en aucun cas se résoudre à perdre cette république islamique instable.

Washington peut attendre encore longtemps, les mollahs ont trop à perdre pour accepter. Pour se sortir définitivement d’affaire, ils ont même imaginé un scénario de révolution de couleur, la révolution verte, qui devait être la version 100% mollah de la révolution américaine de 1979.

Dernièrement | Nous avons informé nos compatriotes que tel était la donne et nous les avons priés de ne pas participer à la comédie verte pour priver Téhéran du succès de son projet et Washington de toute possibilité d’entente pour qu’il soit contraint de faire adopter enfin une autre politique, du moins des sanctions économiques touchant les produits de consommation pour que les prochaines manifestations des Iraniens ne puissent être assimilées à la révolution verte des mollahs, mais à un rejet du régime. Notre radio a été privée de canal sur le satellite européen Hotbird et on pouvait lire dans le New York Times du 3 janvier que la diplomatie américaine n’évoque plus de sanctions commerciales étendues contre l’Iran, ni la mise en place d’un embargo sur la vente d’essence afin de ne pas « mettre en colère les Iraniens qui manifestent dans les rues ».

La suite vaut son pesant de pancakes à l’effigie d’Obama : la diplomatie américaine serait uniquement en faveur de sanctions ciblées contre les Gardiens de la révolution, la milice qui lui a fait faux-bond le 4 novembre 1979 !

Mais ce n’est pas tout, en sous-main Washington cherche à répondre à la révolution verte des mollahs par sa propre révolution verte, basée sur un Islam Vert et tolérant, révolution qui sera menée par un mollah nommé Mohsen Kadivar (ex-élève de Montazeri) qui enseigne l’Islam à l’université américaine de Duke dans la verdoyante région de Caroline du Nord !
© WWW.IRAN-RESIST.ORG

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Mohsen Kadivar (ci-dessus) qui n’est pas un ayatollah et ne risque pas de recevoir ce titre par ceux de l’Iran ne parle pas de l’abolition du voile dans son Islam Vert, non, son programme tourne uniquement autour du projet raté de 1979 !

Le programme (en 15 points) de Mohsen Kadivar | Sans remettre en cause Khomeiny qui est la référence nécessaire pour agiter tous les Islamistes, Kadivar veut supprimer le principe du Guide Suprême instauré par ce dernier pour « revenir à la première constitution de la révolution » écrite par les gens de Nehzat Azadi, parti qu’il ne cite jamais.

Kadivar veut aussi réhabiliter le premier gouvernement de la révolution, c’est-à-dire celui qui était composé à 100% de membres du Nehzat Azadi, pour réhabiliter leur programme islamiste mais aussi fédéraliste. Le nouveau Khomeiny veut aussi effacer le souvenir de la prise de l’ambassade américaine, autrement dit interdire la réédition des documents trouvés. Le nouveau Khomeiny veut aussi demander pardon à l’OMPI ou encore interdire l’entrée en politique des Pasdaran. Mais le point le plus génial de son programme est que selon lui, « nous, Iraniens, ne sommes pas des Arabes pour nous occuper de la Palestine, nous sommes en revanche proches des Moghols et en ce sens, nous devrions nous focaliser sur les musulmans de l’Asie Centrale et surtout ceux de la Chine ! »

Pour y arriver, le nouveau Khomeiny à la barbe bien taillée propose dans un article publié dans Le Monde l’organisation d’un référendum avec 3 questions :
Voulez-vous une République islamique sans Guide suprême ?
Une République qui ne soit plus islamique ?
Une République islamique avec un Guide suprême ?

Il assure les lecteurs du Monde que « les commandants des Pasdaran et quelques fondamentalistes seront pour la troisième option (avec un Guide suprême), beaucoup de jeunes pour la seconde (république non islamique) et environ 50 % des Iraniens pour la première (république islamique sans guide) car la majorité des Iraniens ne veut pas renverser le régime, juste éviter une dérive dictatoriale ».

Ce nouveau Khomeiny est aussi menteur que son prédécesseur hirsute car 75% des Iraniens sont considérés comme des jeunes, on ne sait donc pas où il trouve ses 50% en faveur d’une république islamique (active en Chine) convenable aux Américains.

Ce nouveau Khomeiny de pacotilles, ex-étudiant bahaï converti à l’islam en 1979 puis inscrit l’année suivante à Qom, est bon pour la Caroline du Nord et les colonnes du Monde ! Washington devrait oublier la doctrine Brzezinski et changer de politique s’il ne veut pas perdre son temps, mais avoir un avenir en Iran.


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Pour en savoir + sur les sanctions à l’étude :
- Iran : Le chant lancinant d’Obama et les paillassons
- (9 DÉCEMBRE 2009)

Pour en savoir + sur les mensonges de Khomeiny :
- Iran, 1er février 1979 : Khomeiny et ses partisans démocrates
- (2 FÉVRIER 2008)

Pour en savoir + sur le Chah :
- Iran : 16 janvier 1979, le Roi est parti
- (15 JANVIER 2009)

Ce que pensent les Iraniens :
- Iran : Un nouveau facteur entre en jeu
- (15 DÉCEMBRE 2009 )

Le Monde et Brzezinski :
- Iran : Lobbying américain dans les colonnes du Monde
- ( 26 NOVEMBRE 2008)

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| Mots Clefs | Décideurs : OBAMA |
| Mots Clefs | Enjeux : Rétablir les rel. avec les USA & Négociations directes |
| Mots Clefs | Histoire : Brzezinski et Carter |

| Mots Clefs | Histoire : Mohammad-Reza Shah (le Chah) |

| Mots Clefs | Réformateurs & faux dissidents : Le Mouvement Vert |
| Mots Clefs | Institutions : Les Racines de la Révolution Islamique |
| Mots Clefs | Mollahs & co. : Khomeiny |

| Mots Clefs | Auteurs & Textes : Le Monde (Marie-Claude Decamps, Corine Lesne...) |

[1Actuellement, un livre vendu sous le titre « Histoire secrète de la révolution iranienne » (de Ramin Parham et Michel Taubmann) cherche à présenter le très islamiste fondateur de Nehzat, Azadi, Bazargan, comme un laïque pour réhabiliter le parti Nehzat Azadi afin de donner une chance aux pions islamistes pro-américains initialement destinés à dominer l’Iran. Ce livre loue également les mérites de Brzezinski. Nous consacrerons bientôt un article inventaire aux divers mensonges publiés dans ce livre.

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Pour en savoir + sur Taubmann :
- Iran : Pourquoi le Monde s’agite ?
- (31 DÉCEMBRE 2009)