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Iran : L’histoire secrète du Mouvement Vert
30.12.2009

C’est la débandade pour le Mouvement Vert ! Ce mouvement, que l’on disait démocratique parce qu’il critiquait Ahmadinejad ou le Guide Suprême, a enfin avoué qu’il n’avait jamais eu la moindre velléité de changement de régime, mais juste un désir de critiquer Ahmadinejad ou le Guide Suprême pour qu’ils n’oublient pas les principes fondateurs de la révolution islamique ! Ce Mouvement conçu par le régime pour donner une couleur démocratique au refus de tout compromis, notamment sur le nucléaire, a mis un frein aux spéculations Occidentales avant que cela n’aille trop loin comme en juin dernier. Alors que l’on devrait assister à une dénonciation pour publicité mensongère, de nombreux journalistes pro-américains comme Michel Taubmann ont saisi leur plume pour défendre le Mouvement Vert, ce qui nécessite un sérieux décodage.



L’aventure verte des mollahs aura duré 6 mois : de mi-juin à la fin du mois de décembre 2009. En fait, cela ne pouvait pas en être autrement car le Mouvement Vert devait être la réponse négative du peuple musulman et révolutionnaire d’Iran à l’offre d’apaisement et d’entente mutuelle d’Obama qui prenait fin en 2009.

Cette offre revient sans cesse car les Etats-Unis ont besoin de l’Iran pour accéder à l’Asie Centrale et ses richesses pétrolières, mais aussi des mollahs pour contrôler l’opinion musulmane de cette région pour la retourner contre la Chine. Téhéran ne peut en aucun cas accepter l’offre américaine qui est en plus assortie d’avantages économiques car l’entente passerait par une normalisation des relations avec les Etats-Unis, fait nocif pour deux raisons. D’une part, le régime ne pourrait plus rester dans son rôle d’hostilité à l’existence d’Israël qui lui assure le soutien actif de la rue arabe et d’autre part, en cas d’une entente, il devrait ouvrir ses élections à tous les Iraniens, c’est-à-dire surtout aux Iraniens pro-américains qui pourraient alors prendre le pouvoir de l’intérieur, privant les mollahs de leur mainmise illimitée sur les richesses iraniennes et les avantages offerts pour l’entente. C’est pourquoi avant que prenne fin la date limite de l’offre, et commencent des sanctions pour le forcer à accepter, Téhéran devait façonner un mouvement populaire musulman et révolutionnaire hostile à toutes négociations ou entente pour pouvoir se dire obligé de tout refuser par le respect pour la volonté souveraine du peuple iranien.

Pour appliquer ce scénario, il fallait que les Etats-Unis reconnaissent la souveraineté de la rue iranienne. C’est ainsi qu’est née l’idée d’une nouvelle révolution comme expression de la souveraineté du peuple. Téhéran a choisi comme scénario celui qui avait été appliqué par les Etats-Unis dans leurs révolutions de couleurs en Ukraine et en Géorgie : la contestation d’élections entachées de fraudes ! Dans ces scénarii américains, Washington avait à chaque fois son propre candidat en place : dans la version des mollahs, ce rôle a été attribué à Moussavi car il avait été un sympathisant de Nehzat Azadi, le composant pro-américain de la révolution islamique de 1979.

Explications. En 1979, l’année où prenait fin un contrat de 25 ans entre l’Iran et le consortium pétrolier comprenant la Grande-Bretagne, la France et les Etats-Unis, ces derniers ont financé une révolution en Iran contre le Chah qui les avait informés ne pas souhaiter reconduire le contrat très désavantageux pour l’Iran. Cette révolution a été islamique car les Etats-Unis souhaitaient créer au sud de l’URSS un chapelet d’Etats ultra islamiques et instables pour propager une onde de choc islamisto-indépendantiste dans les républiques soviétiques et musulmanes de l’Asie Centrale afin d’exploser l’URSS de l’intérieur. Ce chapelet appelé Ceinture Verte devait par la suite secouer l’Ouest musulman de la Chine communiste. Le choix de Washington pour installer un Etat islamique instable en Iran avait été de porter au pouvoir le Parti politique Nehzat Azadi et sa banche armée les Moudjahiddines du peuple, créés respectivement l’année de la création de l’OPEP par le Chah et l’année de l’émancipation des pays membres de l’OPEP.

Ces deux créations américaines manquaient de la popularité nécessaire pour renverser le régime, les Américains ont sollicité l’aide du clergé en la personne du plus intégriste des mollahs, Khomeiny, qui fut placé dans une cellule révolutionnaire en France entouré de membres de son candidat au pouvoir : le parti Nehzat Azadi.

L’alliance a été bénéfique : avec l’aide des mollahs qui avaient la confiance du peuple, l’Amérique a renversé le Chah qui servait son pays pour le remplacer par un gouvernement islamique 100% Nehzat Azadi (NA plus ses ramifications) sous la direction de Mehdi Bazargan, le dernier fondateur en vie du parti.

C’est l’ayatollah qui a gagné la révolution, mais ce sont les amis des Etats-Unis qui ont gagné le pouvoir. L’ayatollah a pris sa revanche avec la prise de l’ambassade américaine et la publication des dossiers de financement des partisans de Nehzat Azadi. Le gouvernement Bazargan a donné sa démission et le parti fut interdit. Bazargan est mort d’une crise cardiaque suspecte, certains de ses ministres (de la direction du parti) ont été tout simplement tués, d’autres comme Ebrahim Yazdi ou Mohsen Sazgara ont oublié Oncle Sam pour rejoindre l’ayatollah. Les activistes alliés de NA se sont aussi scindés en deux groupes, une partie ont rejoint le régime, les autres ont pris le chemin de l’exil vers les Etats-Unis et rêvent de revenir à la lueur d’une seconde révolution islamique.

Moussavi, neveu de Khamenei, ne faisait partie d’aucun de ces groupes car il était un simple ancien sympathisant de l’entourage d’Ali Shariati, l’un des trois fondateurs de NA. C’est pourquoi au lieu d’être éliminé, il s’est vu nommé d’abord comme 1er ministre de Khomeiny puis à la disparition de ce dernier comme un des 22 membres à vie du Conseil de Discernement, organe plénipotentiaire du régime des mollahs. Quand il a fallu trouver un homme pour jouer le rôle du candidat de Washington au sein de la révolution de couleur, il a été choisi car il était à la fois un ancien pro-US, mais aussi un élément 100% sûr.

En le choisissant, Téhéran pensait avoir bétonné son scénario pour piéger Obama. Mais Washington avait une autre idée en tête : Pousser Téhéran à aller loin dans ce scénario Vert pour mener le pays au bord d’une seconde révolution islamique dans laquelle ses pions exilés de NA débarquant vite de Washington auraient leur chance. C’est pourquoi Obama a gardé le silence quand a éclaté la révolution de couleur : il n’a rien dit sur Moussavi et rien sur le Mouvement Vert.

Dès lors qu’il n’y a pas eu de soutien spontané de Washington, Téhéran a dû passer au plan B : attirer la foule en grand nombre dans la rue pour forcer Obama à prendre parti. Il a alors activé un de ses agents dormants aux Etats-Unis : Mohsen Sazgara, un ex de Nehzat Azadi. Ce dernier, consultant auprès de Voice of America, a monté en une nuit une télé on-line dans sa maison de banlieue de Washington où en T-shirt vert pâle, il incitait les jeunes Iraniens à bouger car était arrivé l’heure du changement de régime. Washington a laissé faire ce petit malin. D’autres agents du régime qui travaillent dans les médias dits de l’opposition ont joint leurs forces à cette désinformation pour faire également descendre les plus âgés dans la rue. Washington a encore laissé faire et tous ont réussi à faire surmonter aux Iraniens leur crainte de Moussavi, figure permanente du régime. Ce fut la marée humaine du 15 juin. La pseudo-révolution qui devait réaffirmer le soutien du peuple aux principes fondateurs de la révolution islamique a alors viré au soulèvement national !

Nous avons aujourd’hui les preuves que le régime avait prévu d’ensanglanter cette journée ou annoncer des morts (comme avant-hier) pour forcer Obama à prendre parti très vite pour éviter que cela n’aille trop loin (comme le souhaitait Washington). Mais encore une fois, Obama n’a pas pris position, en revanche la chaîne Voice of America financée par le Département d’Etat a commencé à parler de la contestation et pour avoir le monopole de la direction des affaires, Washington a interrompu la diffusion vers l’Iran des chaînes iraniennes d’opposition qui roulent pour Téhéran. Washington a ainsi pris en main la gestion de l’info notamment pour empêcher la diffusion des témoignages de manifestants hostiles au régime dont les slogans ou propos anti-islamiques auraient été en contradiction avec une seconde révolution islamique en Iran. A titre d’exemple, le 20 juin, journée de forte tension pendant laquelle a été tuée Neda, la VOA a prétendu avoir un problème technique pour diffuser le son pour ne pas diffuser ce genre de slogans.

Washington a ainsi dominé les mollahs dans leur propre projet. On avait alors assisté à une marche arrière de Moussavi et des Verts qui ont lâché les contre-révolutionnaires et déserté le terrain pendant les 10 jours du soulèvement et de répression du régime. Pour reprendre la main face aux patriotes dans la rue et aux Américains maîtres de l’info, les gens du régime ont intensifié la publicité pour le Mouvement Vert à l’étranger.

Washington est alors intervenu pour rester dans le coup, mais aussi pour isoler les vrais opposants qui dénigraient les Verts et demandaient que l’on parle de la vraie opposition à l’ensemble du régime, celle qui faisait déplacer les foules en Iran. On avait ainsi vu BHL organiser une conférence avec Jahanchahi, le lobbyiste bcbg des mollahs à Paris. On a aussi vu arriver Michel Taubmann, animateur du cercle des intellectuels partisans d’une intervention américaine en Irak, dans le rôle du promoteur de la démocratie en Iran. Le 29 juin, il organisa une conférence de soutien à la contestation en Iran où la parole a été assurée à 90% par les agents exilés du parti islamiste déchu Nehzat Azadi, premier dirigeant de la république islamique d’Iran, parti également à l’origine des exécutions nécessaires pour éliminer l’armée nationale et la remplacer par les Pasdaran.

Ainsi 4 jours après le soulèvement des Iraniens maté par le régime, Washington a de son côté enterré ce soulèvement non-islamiste pour ramener le débat sur le Mouvement Vert, catalyseur nécessaire pour un retour au pouvoir de ce qu’il reste de ses pions islamo-fédéralistes de 1979.

Dès lors sa politique a été de réduire au silence les vrais opposants en focalisant ses efforts sur le Mouvement Vert dans l’espoir d’encourager ce Mouvement à aller au-delà de ses limites pour prendre le régime à son propre jeu. A chaque fois que Téhéran a tenté un coup pour mobiliser les Iraniens sous la bannière verte afin de forcer Obama à reconnaître le Mouvement Vert comme le porte-parole de la rue, Washington a été présent pour l’aider indirectement via des journalistes ou encore des soi-disant « experts politiques spécialistes de l’Iran » (comme Taubmann). Ces derniers se sont souvent retrouvés côte à côte avec les lobbyistes du Mouvement Vert sans partager les mêmes objectifs finaux. C’est ce qui arrive aujourd’hui encore.

Quand les mollahs avaient lancé leur Mouvement Vert, ils devaient façonner un mouvement populaire musulman et révolutionnaire hostile à toutes négociations ou entente avant la fin de l’année 2009. N’ayant pas réussi et pressés par le calendrier, dimanche dernier, à 5 jours de la fin du délai accordé par Obama, ils ont essayé de faire bouger les Iraniens en simulant une mini révolution, opération au cours de laquelle, ils ont aussi évoqué des nombreux morts. Mais les Iraniens n’ont pas été convaincus et n’ont pas bougé. En l’absence de la mobilisation attendue, il n’est resté que ces morts, preuve de la méchanceté du régime. Pour s’en sortir, le régime a tenté une diversion médiatique avec de soi-disant arrestations, et les Verts ont vite oublié leurs morts pour se focaliser sur les personnes arrêtées en s’empressant de préciser qu’ils n’avaient jamais souhaité la fin du régime, mais un retour aux principes fondateurs de la révolution islamique. Ceci a évidemment surpris les médias Occidentaux qui sont devenus plus réceptifs à nos analyses. Pour éviter que le Mouvement Vert ne perde toute crédibilité comme opposant, nous assistons à des interventions simultanées des experts lobbyistes de Téhéran et de Washington. Leurs objectifs finaux étant différents, les discours ne sont pas identiques, mais chacun défend docilement le caractère démocratique de ce mouvement fantoche dont la date de péremption est pourtant dépassée depuis le 15 juin dernier.

Pathétique.

© WWW.IRAN-RESIST.ORG

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Pour en savoir + sur Nehzat Azadi et Khomeiny :
- Iran – 4 novembre : La dernière surprise des mollahs
- ( 3 NOVEMBRE 2009)

| Mots Clefs | Institutions : Diplomatie (selon les mollahs) |
| Mots Clefs | Réformateurs & faux dissidents : Le Mouvement Vert |
| Mots Clefs | Mollahs & co : Mir-Hossein Moussavi |

| Mots Clefs | Resistance : Lobby pro-mollahs en France et ailleurs ! |

| Mots Clefs | Décideurs : OBAMA |
| Mots Clefs | Enjeux : Garanties Régionales de Sécurité : le DEAL US |
| Mots Clefs | Enjeux : Apaisement |
| Mots Clefs | Enjeux : Sanctions unilatérales (en cours d’application ou à venir) |