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Iran : Un médecin qui serait mort pour raison d’Etat
20.11.2009

Les médias français parlent actuellement de la mort suspecte de Ramin Pour-Andarjani, un médecin qui aurait été un témoin clé dans les crimes commis cet été par le régime dans le centre de détention de Kahrizak. Le problème est que pour un mort suspect, on en parle un peu trop à notre goût dans les cercles officiels du régime ou chez certains journalistes connus pour leur complaisance avec le régime. Il nous semble que ce médecin suicidé est une invention médiatique du régime pour relancer le Mouvement Vert, opposition scénarisée pour simuler une crise intérieure afin de bloquer tout compromis avec l’Occident.



Cette semaine, après 28 jours de remises en cause par les mollahs de toutes les clauses possibles et imaginables de l’offre de compromis nucléaire faites par les Etats-Unis, les Six évoquent enfin du bout des lèvres une fine possibilité que la réponse de Téhéran soit négative. On reparle donc toujours du bout des lèvres de nouvelles sanctions dans un avenir proche dans l’espoir d’inciter les mollahs qui sont bien affaiblis par les sanctions existantes à reprendre les négociations. Ce ne sera pas dans l’immédiat pour les Russes, mais peut-être « au cours des prochaines semaines » pour Obama. On redonne des chances supplémentaires aux mollahs, mais en négligeant un fait fondamental : ce régime a fondé son identité sur l’opposition à l’Occident.

C’est sur la base de cette identité forte et très séduisante pour la rue arabe qu’il s’est octroyé le leadership moral de la région. Grâce à cette identité, il peut s’inviter dans les débats politiques des pays arabes alliés des Etats-Unis et ainsi se poser en porte-parole de peuples en grand désaccord avec leurs dirigeants proaméricains. Il ne va jamais laisser tomber cette identité qui lui donne un formidable moyen de chantage sur les Etats-Unis ou encore sur leurs alliés européens.

Le compromis avec l’Occident représente aussi une menace politique. Un compromis sur le nucléaire est indissociable d’un apaisement avec les Etats-Unis, pays à l’origine des soupçons sur le programme nucléaire iranien. Si Téhéran accepte cet apaisement, il devra se lancer des élections libres à tous les Iraniens, une opération grâce à laquelle Washington pourrait introduire ses propres pions politiques dans l’appareil étatique. Ce sera le début de la fin pour les mollahs.

En fait, ce que les mollahs refusent n’est pas tant un arrangement que l’apaisement qui va avec. On peut leur donner tous les délais ou encore changer les définitions des mots comme délai et compromis, cela n’y changera rien. Ils ne peuvent ni ne veulent négocier pour faire des compromis, Ils peuvent et veulent en revanche négocier interminablement pour éloigner la menace des sanctions. C’est une tactique.

le Mouvement Vert | En début de cette année, Téhéran a mis au point une autre tactique : un scénario de contestation de la légitimité du président élu, interlocuteur des Six, pour rendre invalide tout compromis cédé par ce dernier en cas d’adoption de sanctions trop lourdes à supporter. Pour réussir ce plan machiavélique, il fallait que les chefs d’Etats occidentaux apportent leur soutien aux contestataires.

étape 1 (manifs vertes) | Pour un succès certain (et rapide), on a choisi pour le rôle du président contesté, un homme franchement détesté en Occident à savoir Ahmadinejad. Le principal chef d’Etat ciblé était bien sûr Obama. Téhéran a donc axé ses efforts sur l’opinion américaine en donnant à ce scénario la forme familière pour les Américains d’une révolution de couleur, verte en référence à l’Islam.

Ce scénario n’a pas été un succès car les images d’affrontements entre quelques dizaines de manifestants et des miliciens trop mous ou trop souriants n’ont pas convaincu les Etats-Unis, ni d’ailleurs les Iraniens. Téhéran a été privé du soutien des Américains, mais aussi de la participation des Iraniens, masse sans laquelle on ne peut pas simuler une révolution quelle que soit sa couleur.

étape 2 (violences) | Téhéran a alors changé le niveau de violence affiché en encourageant une plus forte participation des Iraniens pour la manifestation du 15 juin (sans doute en combinaison avec des agents doubles qui sont en liaison avec les groupes d’oppositions). Mais il avait une idée derrière la tête : ouvrir le feu sur un certain nombre de participants, du moins annoncer quelques morts, afin d’obtenir le soutien des Occidentaux aux contestataires en danger. La preuve de cette accusation est une photo signée par une agence liée aux Pasdaran et trouvée par hasard sur un forum réservé aux Bassidjis, photo qui montre l’attaque de la caserne des Bassidjis le 15 juin au soir.
© WWW.IRAN-RESIST.ORG

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Sur d’autres forum du même genre, on découvre que les photographes de l’IRNA étaient aussi présents, ce qui fait beaucoup de monde. Cela fait surtout désordre car cette attaque était supposée avoir été filmée par des anonymes dissidents (d’ailleurs en se basant sur des images sans signatures et de témoignages, nous avions présenté l’attaque comme une action en réponse à des tirs sur la foule).
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Cette journée où l’on a tiré sur la foule n’a pas provoqué une adhésion américaine à la contestation, mais elle a déclenché un soulèvement qui a failli emporter le régime. Les mollahs ont mis une dizaine de jours à éteindre le brasier qu’ils avaient allumé par les tirs sur la foule à Téhéran, mais aussi à Ispahan et d’ailleurs toutes les villes iraniennes.

étape 3 (viols à Kahrizak) | Dès lors, le régime avait deux problèmes : Passer à un niveau supérieur de violence affichée, mais en évitant de donner aux Iraniens l’occasion de se soulever. C’est alors qu’ils ont orienté leur scénario sur un procès des contestataires sur un fond de rumeurs répandues par Karroubi sur des actes de violence sordide, en particulier des viols, perpétués dans le centre de détention de Kahrizak !

Il s’agissait en fait de lancer Karroubi est non de parler des victimes et de dénoncer les auteurs de ces crimes immondes. Des victimes étant néanmoins nécessaires, le régime a mis en avant le nom de Mohsen Rouh-al-Amini un bassidji arrêté par erreur et enfermé à Kahrizak.

Cette affaire a aussi eu un sort semblable à celui de la manif du 15 juin : il s’est transformé en un brasier à charge contre le régime sans lui obtenir le soutien des Etats-Unis. Le régime a tenté de recentrer les efforts sur Mohsen Rouhal-Amini, mais d’autres cas ont surgi et il a alors dû changer les versions avant de changer d’axe pour échapper à des questions sans réponse.

étape 4 (re-manifs vertes) | Le régime est alors revenu à son ambition de mettre les Iraniens dans la rue. Pour y parvenir, il a peu à peu masqué la couleur verte pour mettre en avant les couleurs nationales, il a de même changé les slogans. Cela n’a pas réussi, mais en revanche, il a donné du courage aux partisans d’un changement : à la dernière manif, ils ont scandé des slogans en faveur du fils du Chah d’Iran.

Paniqué à l’idée d’un dérapage –dénoncé par les chefs du Mouvement Vert et le principal quotidien du régime-, les mollahs ont décidé de revenir à un scénario sans manif, ce qui nous vaut un retour de Kahrizak à travers le récit de la mort suspecte du docteur Ramin Pour-Andarjani, médecin généraliste de ce centre de détention !

étape 4 (retour de Kahrizak) | Encore une fois, il s’agit d’arriver au Mouvement Vert, qui est actuellement co-représenté par Karroubi. Pour associer ce personnage à Karroubi, le régime le présente comme un témoin dans l’affaire de la mort du bassidji Mohsen Rouhal-Amini, en précisant qu’il avait été entendu pour cette affaire par la commission parlementaire d’enquête sur Kahrizak (dont l’objet était de clore une affaire devenue ingérable). Or, quand on se rapporte aux articles parus à ce moment sur les sites du régime ou encore de son Mouvement Vert, il n’existe aucune trace de cette déposition, ni même de ce témoin. En fait, il n’existe rien d’écrit sur le personnage dans aucun domaine alors que selon le récit, il était un génie de la médecine, major de sa promotion. Rien ! Pas une photo, pas un article écrit par le génie, pas une intervention sur un site, pas un blog, ni même un email.
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La seule trace est la vidéo ci-dessus d’un jeune homme en cravate qui fait un discours, nous dit-on de fin d’étude. Le fait est que le port de cravate est interdit en Iran, mais il y a plus grave : les mots qui sortent de sa bouche ne sont pas en rapport avec les mouvements de ses lèvres ! Mais à chaque décalage trop visible, l’image se pixélise comme quand on veut faire une transition dans un montage. Or, la caméra est fixe et le son continu. En fait, il n’y a aucune certitude que ce jeune homme bien de sa personne soit notre soi-disant jeune docteur admis à 25 ans, médecin d’un centre secret géré par les Pasdaran !

Qu’importe, Jean-Pierre Perrin, auteur prolifique de Libé pour la promotion des faux opposants, a été réquisitionné pour écrire sur le récit de ce personnage fictif. Il a habilement et vite oublié le médecin transparent pour décrire la violence inouïe contre les partisans du Mouvement Vert –sans oublier de donner l’adresse de leur site- dans le but d’aider le régime à obtenir un soutien occidental qu’il attend depuis si longtemps pour son scénario de contestation de la légitimité d’Ahmadinejad.

Ne soyez pas dupes et méfiez vous des contrefaçons. Il y a à côté de ces mises en scènes une vraie contestation en Iran provoquée par une vraie misère dont ne parlent jamais les partisans du Mouvement Vert dont on expose les photos à Paris ou dont on prime les films à Cannes. Si l’on veut la fin de la crise en Iran, il faut oublier ces faux opposants et s’intéresser au peuple iranien.


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une autre tentative pour relancer les Verts (pro-nucléaires) :
- Iran : Un Kurde sacrifié sur l’autel de la realpolitik des mollahs
- (12 NOVEMBRE 2009)

| Mots Clefs | Institutions : Désinformation et fausses rumeurs |
| Mots Clefs | Institutions : Diplomatie (selon les mollahs) |

| Mots Clefs | Réformateurs & faux dissidents : Le Mouvement Vert |
| Mots Clefs | Mollahs & co : Karroubi |

| Mots Clefs | Décideurs : OBAMA |
| Mots Clefs | Enjeux : Apaisement |