Iran nucléaire : Mollahs, mode d’emploi 09.11.2009 Il y a deux semaines, Téhéran n’avait pas rejeté l’offre des Six d’un échange d’une partie de son stock d’uranium faiblement enrichi contre du combustible franco-russe à base d’uranium moyennement enrichi. Il y a deux jours, il a rejeté catégoriquement l’offre par la voix de son président ainsi que du chef de la commission des affaires étrangères du Parlement, avant de revenir encore sur cette position. A chaque fois, sa réponse était prévisible car en réaction à l’attitude adoptée quelques jours plus tôt par les Américains. L’ensemble des actions ou réponses du régime des mollahs dans la crise nucléaire résulte de l’attitude adoptée par ses adversaires du groupe des Six, c’est-à-dire les Etats-Unis. Cette attitude est dictée par un enjeu dont on parle peu : une alliance avec l’Iran pour accéder à l’Asie Centrale pour priver la Chine et la Russie de son gaz, ainsi qu’une alliance avec les mollahs pour utiliser leurs savoir faire pour encourager le soulèvement des musulmans russes et chinois. Mais en échange de cette arme stratégique, Téhéran exige le droit de disposer d’un Hezbollah armée au Moyen-orient pour avoir un moyen de représailles sur les alliés régionaux de son futur allié omnipuissant ce qui pousse Washington à inclure des sanctions dans ses offres d’entente. Il passe sans cesse d’une position dure à une position molle. Cet éternel retour de la mollesse est interprété comme un signe de besoin rapide d’entente et il est suivi d’une hausse des exigences de Téhéran, synonyme d’un refus de dialogue. A l’inverse, quand Washington évoque des sanctions, selon la vraisemblance de la menace, Téhéran opte pour du dédain ou une très rapide reculade tactique. En février 2009, suite à l’arrivée d’Obama, les Américains ont donné le coup de départ officiel de cette politique entamée en novembre 2008 par Bush après la publication d’un rapport des services secrets américains faisant état de l’arrêt des activités nucléaires hostiles. Dès son arrivée, Obama a multiplié les initiatives en tout genre. Selon le régime, l’actuelle offre de l’AIEA faisait partie de ces initiatives d’Obama et lui a été proposé en mai 2009. L’offre permettait de geler durablement les sanctions contre le régime des mollahs à un moment où il était entré en récession économique par la faute des sanctions américaines qui le privent des investissements étrangers. Les mollahs en ont conclu que les Etats-Unis craignaient l’application de nouvelles sanctions susceptibles de reverser leur régime, ils ont refusé tout dialogue. En juillet 2009, les Américains pressés d’accéder à l’Asie Centrale ont évoqué la possibilité de nouvelles sanctions économiques très lourdes. Téhéran n’a rien dit car il avait le soutien de la Russie. En septembre il a enregistré une baisse dans ce soutien, il a accepté de reprendre les négociations. Cette décision était intelligente car l’on a par la suite deviné une entente entre la Russie et les Etats-Unis sur un abandon partiel de l’ABM et certains droits sur les régions géorgiennes de l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud en échange de l’embrigadement russe dans le dossier nucléaire iranien. En faisant le choix du dialogue, Téhéran avait fait ce que nous appelons une reculade tactique (manoeuvre limitée et ponctuelle) : il s’agissait d’obtenir un gel des sanctions promises en juillet. Cependant, en acceptant le dialogue, le régime est entré de facto dans un processus d’apaisement. Cet apaisement est exclu pour lui car cela peut lui coûter le soutien de la rue arabe, allié grâce auquel il se pose comme un facteur de nuisance contre les Etats-Unis. C’est pourquoi dès que les Etats-Unis ont accepté son offre de reprise du dialogue, Téhéran a enchaîné les provocations pour bloquer le dialogue afin que la rencontre n’ait pas lieu. L’une de ces provocations a été l’annonce de la construction d’une seconde usine d’enrichissement bunkérisée, ce qui insinuait délibérément une multiplication par deux de ses supposées capacités nucléaires et certaines activités suspectes. Washington a alors esquivé toutes les provocations et le régime s’est retrouvé à la table des négociations où on lui a à nouveau proposé, cette fois sous le label de l’AIEA, l’offre américaine d’un échange de son stock contre du combustible franco-russe. S’étant engagé à dialoguer pour désactiver les sanctions promises en juillet, il a alors accepté cette offre. A la même rencontre, il a aussi confirmé son accord pour une inspection du chantier de sa seconde usine d’enrichissement. Encore une fois, il venait de faire une reculade tactique face à la coalition inattendue menée par les Américains incluant les Français, les Russes, mais aussi les Allemands qui restent pour l’instant en retrait. Téhéran n’avait cependant aucune envie de respecter cette promesse. Il a d’ailleurs remis en cause tout accord seulement quelques heures après le retour de la délégation des négociateurs à Téhéran. Pour l’encourager à accepter, les Américains qui ont enfin pu placer à la tête de l’AIEA un élément favorable à leurs politiques ont décidé d’utiliser comme un moyen de pression le rapport à venir de l’inspection de la seconde usine d’enrichissement située à Fordou près de la ville sainte de Qom. Il s’est alors engagé un second bras de fer entre Téhéran et Washington, un bras de fer au cours duquel, on a répandu toutes sortes de rumeurs sur les activités de cette usine dont les gros œuvres n’ont même pas été achevés. On a ainsi évoqué des révélations d’un savant atomiste iranien réfugié en Allemagne qui aurait parlé d’expériences militaires sur ce site ! Parallèlement, Washington a évoqué la possibilité de revoir les conclusions du rapport de ses services secrets sur les activités nucléaires iraniennes, rapport qui décide de la continuité ou fin de la politique de l’apaisement. Téhéran n’a pas lâché à ce jeu de barbichette et n’a pas fait risette, malgré l’annonce des sanctions très lourdes (souvent promises jamais appliquées). Il a eu la confirmation de sa bonne attitude quand Washington a expédié Erdogan en Iran avec de belles promesses de coopérations économiques. Il a eu une seconde confirmation quand en l’absence d’une réponse positive à ce commis voyageur turc, Washington a craqué et dans un nouveau geste d’apaisement, son AIEA a blanchi le second site nucléaire des mollahs en le qualifiant à ce stade des choses d’« un trou dans la montagne ! » Bien que ce site soit effectivement un trou dans la montagne, il y avait le risque que l’on lui reproche sa simple existence pour lancer de nouvelles sanctions. Quand cette menace s’est évanouie pour des années, Téhéran a eu une preuve définitive de l’improbabilité de nouvelles sanctions fortes. Il a alors rejeté catégoriquement l’offre qui lui avait été soumise en mai par Washington et en octobre par l’AIEA en la qualifiant de « non réglementaire selon la charte de l’AIEA » et en exigeant que le combustible lui « soit vendu conformément à ses droits en tant que signataire du TNP ». Washington n’a rien dit, mais il a fait bouger un des membres de sa coalition imbattable. Medvedev a parlé en faveur des sanctions : Téhéran a reculé en affirmant que « l’option échange était encore sur la table ». « Notre première option est d’acheter le combustible à 20%. Si nous ne pouvons pas l’acheter, alors nous pourrons faire un échange limité, à condition de recevoir d’abord le combustible à 20%, en préalable à la livraison par l’Iran d’une quantité limitée de son uranium faiblement enrichi », a déclaré Boroudjerdi, le président la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée consultative islamique (Parlement). Cependant, Boroudjerdi a également critiqué la Russie à propos de son refus de livraison du système de DCA S-300 afin d’évoquer le manque de fiabilité de ce pays comme fournisseur de combustible à l’Iran. Cette critique du régime est annonciatrice d’un retour à sa première réponse à l’offre (oui à un échange, mais non aux fournisseurs désignés). Fin provisoire de la dernière reculade tactique : Téhéran attend à présent la réaction de Washington pour choisir sa prochaine manoeuvre.
| Mots Clefs | Nucléaire : Politique Nucléaire des mollahs |
| Mots Clefs | Décideurs : OBAMA |
| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : RUSSIE | |