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Iran : Une improbable révision du rapport de synthèse 2007
17.10.2009

En novembre 2007, pour faciliter le dialogue et in fine une entente avec les mollahs, les Américains ont publié un rapport estimant que Téhéran avait cessé ses recherches en nucléaires militaires en 2003. Le rapport de synthèse National Intelligence Estimate 2007 avait de facto gelé l’adoption de nouvelles sanctions contre Téhéran. Au moment où les mollahs refusent tout apaisement, pour les encourager à reconsidérer leur réponse, Washington laisse entendre qu’il pourrait changer les conclusions de ce rapport.



Les rapports de synthèse des services secrets américains sont des outils pour aider le département d’Etat à déterminer quelles diplomaties il doit mener face aux pays qui représentent des menaces pour les Etats-Unis. Officiellement, ces rapports sont le point de départ des choix et orientations affichés par les Etats-Unis. En ce sens, on peut parler d’un subterfuge car les choix et les orientations diplomatiques d’un pays ne sont pas déterminés par ce genre de considérations, mais par ses intérêts géopolitiques ou énergétiques dans les différents pays.

Comme tous les pays du monde et à plus forte raison comme toutes les grandes puissances, Washington définit ses politiques en liaison avec ses intérêts, mais pour leur donner un justificatif moins politiquement incorrect, il met en avant des préoccupations d’ordre sécuritaire qui sont de nature universelle et non exclusivement américaine : danger pour la paix dans le monde…

C’est ainsi que pour justifier l’invasion de l’Irak et le remplacement de Saddam par des chiites inféodés aux Etats-Unis, on a eu droit en 2002 à un rapport de synthèse sur l’existence des armes de destruction massive en Irak. Par la suite, une fois Saddam renversé et l’Irak placé sous leur égide, les Etats-unis ont revu leurs conclusions sur l’existence des armes de destruction massive en Irak.

Un rapport prépare le terrain pour une certaine politique, et un autre joue les voitures balais pour corriger le tir . C’est exactement en ce sens que nous avons analysé le rapport de synthèse 2007 sur l’Iran au moment de sa publication. Il venait après quatre ans de rapports stipulant une menace d’un niveau très élevé.

De 2003 à 2007, Washington a sans cesse agité la menace nucléaire iranienne en se disant prêt à intervenir militairement en Iran tout en demandant depuis le premier jour le transfert du dossier vers le Conseil de Sécurité. Les autres grandes puissances qui ont d’importants intérêts en Iran stipulaient que le dossier demeure au Conseil des gouverneurs de l’AIEA car ils pensaient que Washington voulait obtenir leur consentement pour une nouvelle intervention militaire. Téhéran refusant tout compromis, en juillet 2006, ces grandes puissances ont accepté un transfert vers le Conseil de Sécurité, mais à condition que le processus se limite à des sanctions économiques. Les Etats-Unis ont accepté et une première résolution en ce sens a été adoptée à l’unanimité le 23 décembre 2006.

En fait sans le savoir, ces grandes puissances venaient de se faire berner en beauté par Washington qui n’avait jamais eu l’intention d’attaquer l’Iran, mais avait juste besoin d’une reconnaissance internationale de la gravité de la menace nucléaire iranienne. Après quoi, Washington a déployé ses propres sanctions pour contraindre les mollahs agitateurs qui contrôlent la rue arabe à devenir ses alliés dans le monde musulman pour agiter ensemble le Moyen-Orient, l’Asie Centrale et enfin le pays des Ouïgours, sans oublier l’Afrique, régions évidemment pétrolières qui intéressent la Chine.

Les premières grandes sanctions américaines sont entrées en action en octobre 2007. Afin de pouvoir les combiner à des offres de dialogue, sans quoi on ne peut pas parvenir à une entente, en novembre 2007, Washington a publié le rapport de synthèse 2007 pour annoncer des erreurs d’estimation dans ses précédents rapports sur l’Iran ! Selon ce rapport, les mollahs avaient arrêté leurs activités nucléaires militaires depuis 2003 et ne comptaient pas les reprendre avant 2010 ou 2015. Washington justifiait ainsi auprès des électeurs américains le dialogue qu’il comptait avoir avec les mollahs. Le rapport permettait également de fixer un calendrier confortable pour cette politique combinant des offres de dialogue et des sanctions.

D’abord Bush puis Obama ont bombardé les mollahs de sanctions tout en leur proposant secrètement puis ouvertement le dialogue pour une entente. Les deux administrations ont évité des sanctions très lourdes afin de ne pas achever le futur allié sur qui repose toute la future stratégie américaine pour contenir la Chine. Malgré ces précautions qui sont de plus en plus difficiles à appliquer, le régime des mollahs s’est de plus en plus affaibli, mais continue de refuser. En fait, il craint qu’un geste d’apaisement en direction des Etats-Unis, protecteurs d’Israël, ne lui coûte le soutien de la rue arabe, soutien grâce auquel il peut se targuer d’être le maître des nuisances chez les alliés arabes des Etats-Unis. Pour préserver un atout dans ses négociations avec les Etats-Unis, il doit préserver ce moyen de pression. De fait, ce dialogue est impossible par nature.

Aujourd’hui cela fait uniquement 2 ans que les Etats-Unis ont produit le rapport de synthèse 2007 pour mener à bien cette politique censée attirer Téhéran à la table des négociations. La révision prématurée de ce rapport serait synonyme de la révision de cette politique de dialogue, mais aussi de l’abandon de son objectif qui dépasse l’Iran et touche aux intérêts globaux des Etats-Unis. C’est irréaliste.

Par ailleurs, récemment, Washington a aussi renoncé à son projet ABM en prétextant l’absence d’un programme de recherche balistique iranienne afin d’acheter le vote russe concernant l’Iran, d’éliminer un autre obstacle à une entente avec Téhéran et aussi de retarder toutes sanctions trop dures contre Téhéran afin de ne pas achever son futur allié. La révision des conclusions du rapport de synthèse 2007 évoquant le nucléaire militaire ne peut avoir lieu sans que l’on parle de recherche balistique : Washington devrait alors réactiver l’ABM ce qui remettra en cause son deal avec la Russie entraînant des désordres dans le Caucase. La révision du rapport de synthèse 2007 est plus qu’irréaliste, c’est impossible.

Même sur le plan pragmatique, c’est une improbabilité car Washington prétend devoir revoir sa copie après la découverte récente d’un nouveau centre d’enrichissement près de Qom. Or, ce centre est un bâtiment vide qui sera bientôt inspecté et déclaré inoffensif par l’AIEA.

A quoi devons-nous donc cette menace de révision ? En fait, ce n’est pas la première fois que Washington en parle. Il le fait à chaque fois qu’il butte sur un refus de dialogue de la part de Téhéran. Par le passé, cela était une intimidation, mais à présent, alors que Washington ne peut pas aller plus loin dans les sanctions, c’est un moyen médiatique pour dissimuler son inaction.

On peut classer ce chantage à la révision dans le même sac que les nouvelles sanctions sur l’essence évoquées en avril 2008, reportées récemment à 2010, et finalement remplacées par des sanctions pétrolières mineures ratifiées cette semaine par la Chambre, puis par le Sénat, mais elles aussi suspendues à une décision du Président en 2010 [1].

Pris au dépourvu, Washington brasse l’air. Cela semble si évident que Téhéran n’a même pas relevé cette soi-disant menace.


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Pour en savoir + sur le refus de Téhéran :
- Iran : La feuille de route des mollahs
- (8 OCTOBRE 2009)

| Mots Clefs | Décideurs : OBAMA |
| Mots Clefs | Enjeux : Apaisement |

| Mots Clefs | Nucléaire : Politique Nucléaire des mollahs |

[1Selon le texte, aucune compagnie ne pourra bénéficier de contrats avec le département de l’Energie dans le cadre de l’approvisionnement de la réserve stratégique si elle vend des produits pétroliers à l’Iran pour plus d’un million de dollars.