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Iran : l’Etat est en rupture de paiements
10.10.2009

L’Iran dépend grandement du carburant importé pour ses besoins énergétiques et cette dépendance donne un moyen supplémentaire de pression aux Américains. Alors que l’on parle de plus en plus d’embargo, pour rassurer les consommateurs le ministre du pétrole du régime a évoqué une importante capacité d’approvisionnement.



Le ministre du Pétrole, Massoud Mirkazemi est on ne peut plus explicite : « l’Iran ne sera pas touché par l’embargo américain sur les carburants car le pays a mis en chantier des raffineries qui seront capables de lui donner une totale autonomie en matière d’approvisionnement d’ici peu de temps. Et dans l’intervalle, il pourra toujours compter sur les compagnies étrangères, ces dernières craignant de se faire rayer de la liste des fournisseurs de l’Iran si elles coopéraient avec les Etats-Unis. »

Tout cela est très beau, mais l’Iran n’est pas en mesure de dicter sa loi aux grandes compagnies pétrolières d’une part parce que les travaux de la grande raffinerie d’Arak annoncés en 2006 n’ont jamais commencé, et d’autre part parce que les caisses de l’Etat sont vides.

Un rapport de l’inspection générale du régime, publié hier, a révélé que l’Etat n’arrivait pas à rembourser l’argent emprunté aux banques semi privatisées ! L’info est en soi hallucinante : au cours de ces trois dernières années, le régime des mollahs a ponctionné dans les caisses des banques, c’est-à-dire dans les poches des Iraniens qui ont des comptes bancaires (les rentiers et les bazaris ) !

La somme prélevée serait d’au moins 38 milliards de dollars, c’est-à-dire deux fois supérieure aux capitaux propres des banques qui sont moins de 20 milliards de dollars. Ce n’est pas tout, puisque le rapport parle également d’une dette publique aux banques sans préciser son montant, mais d’après notre estimation, elle serait de 30 à 60 milliards de dollars (prélevé fin 2007). Est-ce là le comportement que tiendrait un Etat ayant annoncé avoir gagné une centaine de milliards de dollars pendant l’année 2008 alors que le prix du baril frôlait les 150 dollars ? Les informations contenues dans ce rapport confirment une fois encore que le régime ment régulièrement sur ses revenus pétroliers. Ce qui n’a rien d’étonnant car Téhéran ne vend pas ses barils sur le marché, mais il les vend longtemps à l’avance à prix sacrifiés via des contrats buy-back.

À la lumière de l’information sur cette source occulte (mais restreinte) de revenus pour le régime, on comprend mieux pourquoi l’année dernière les mollahs ont supprimé les allocations en nature [1], les subventions sur le prix du carburant pour les particuliers ou encore les budgets de maintenance des équipements du transport. On comprend aussi les licenciements en masse dans les grandes entreprises industrielles : l’Etat, principal employeur ne peut plus payer. Cette semaine, les Pasdaran qui en 2006 avaient acquis les phases 15 et 16 du gisement Pars sud ont licencié 6000 personnes. Les aciéries d’Ispahan sont aussi en panne d’employés (et aussi en panne de production). Les raffineries de Bandar Abbas ne produisent plus de goudron et ni d’essence.

Le régime est donc loin de l’autonomie en matière de carburant et loin d’être en mesure de menacer les fournisseurs récalcitrants. Sa situation ira en s’aggravant à cause d’un autre problème.

La consommation quotidienne de carburant en Iran est d’au moins 80 millions de litres. Téhéran affirme qu’il peut produire 55% de ses besoins, soit 44 millions de litres, par ses propres moyens. Or, ce chiffre qui reste statique depuis 4 ans est loin d’être réaliste car il omet de prendre en compte le vieillissement des infrastructures que le régime a oublié d’entretenir depuis 30 ans. Les raffineries iraniennes sont de vraies passoires : tout fuit et le pétrole prend le chemin des champs et des nappes phréatiques. Seuls les chiffres pour les raffineries de Téhéran sont connus car des terres agricoles situées à proximité ont été touchées. En 2008, les responsables chargés de l’assainissement parlaient de quantités si importantes que le sol n’arrivait plus à les absorber. Les paysans avaient creusé des rigoles pour récupérer ce pétrole afin de le revendre ! En 2008, on estimait à environ 16 milliards de litres les pertes accumulées dans les nappes phréatiques de Téhéran.

De fait, on ne peut se fier à la capacité réelle de production d’essence en Iran. Tout l’avenir du régime repose sur ses importations. Cet avenir n’est pas rose car aux dernières nouvelles, le Venezuela n’aurait pas confirmé sa récente promesse de livraison de 20,000 barils par jour (soit 10% de la consommation iranienne). Un embargo serait terrible voir fatal pour le régime.

Les mollahs et leurs acolytes, les Pasdaran, sont aujourd’hui face à de très importants problèmes économiques latents. Ils vivent dans la peur. Un dérapage provoquerait une panique générale qui soufflerait leur régime. Ils ne peuvent pas reconnaître leurs erreurs car cela supposerait qu’ils changent de conduite et acceptent un apaisement avec les Etats-Unis. Ils perdraient alors le soutien de la rue arabe et cesseraient d’être une source de nuisance régionale pour devenir un Etat facile à renverser.

Les mollahs et leurs acolytes, les Pasdaran, n’ont d’autres choix que de fanfaronner sur le plan international et préparer à petites touches la société iranienne à une dépression qui sera là avec ou sans embargo. De l’extérieur, ils ont l’air sûrs d’eux avec leurs mesures commerciales punitives ou encore leurs promesses de ripostes avec des missiles dont l’existence reste à prouver, mais il ne faut pas se fier à cette apparence, la république islamique d’Iran est désormais un Etat en sursis.

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Pour en savoir + sur :
- Iran : Les comptes sont dans le rouge d’après Eurostat
- (010 SEPTEMBRE 2009)

| Mots Clefs | Enjeux : Sanctions Ciblées en cours d’application |
| Mots Clefs | Enjeux : Pétrole & Gaz |

| Mots Clefs | Instituions : Politique Economique des mollahs |
| Mots Clefs | Enjeux : Représailles Economiques Iraniennes |

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[1Les salaires sont très bas en Iran. Depuis des années, tous les six mois, le régime distribue des coupons de rationnement donnant droit à des quantités minimales de sucre, d’huile ou de riz. En 2008, Téhéran a annoncé le remplacement du Coupon par des aides en liquide plus conformes à son plan de réforme économique.

Plus qu’une modernisation, il s’agit d’une réduction des coûts : on veut remplacer les coupons qui représentent des quantités fixes de produit de base par des aides payées par un billet qui ne vaut rien en raison d’une inflation générale supérieure à 45%. Aussitôt payée, une telle aide ne vaudrait plus rien.