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Iran : Ali-Zamani, un condamné à mort très spécial
09.10.2009

Cet été, pour bloquer les négociations avec les Six, Téhéran eut l’idée de mettre en scène une crise interne autour du thème de la contestation de la légitimité du dernier président élu Ahmadinejad par le Mouvement Vert. Ce scénario est bloqué car les Iraniens n’adhèrent pas au Mouvement Vert qui ne cesse de rappeler sa fidélité au régime. Pour attirer les Iraniens dans la rue sous la bannière verte, un site du Mouvement Vert a annoncé la pendaison prochaine de Mohammad-Reza Ali-Zamani, membre de l’Association de la monarchie d’Iran, et laissé circuler un mot d’ordre de mobilisation de ce même mouvement en sa faveur. | Décodages d’une manipulation sordide |



En juin dernier, le régime a voulu mettre en scène sa propre révolution de couleur, c’est ce que l’on a appelé le Mouvement Vert (la couleur de l’islam). Les partisans se disaient des adeptes de la république islamique, mais dénonçaient une fraude électorale. En fait, le régime poursuivait deux objectifs : renouveler sa révolution islamique devant les caméras du monde entier pour se donner une nouvelle légitimité et aussi, et c’est moins banal, remettre en cause la légitimité du président élu au profit de son concurrent « modéré », Moussavi. Téhéran espérait que les Etats Occidentaux qui voient en Ahmadinejad un trublion apporteraient leur soutien à cette contestation auquel cas, ces Etats auraient de leur propre main délégitimé leur principal interlocuteur dans le dossier nucléaire bloquant ainsi toute négociation avec ce pays pour la durée de 4 ans. Par la même occasion, ces Etats occidentaux auraient légitimé un candidat dit modéré qui a exactement les mêmes visions diplomatiques qu’Ahmadinejad.

La clef du succès était que les Occidentaux y croient. Le régime a alors organisé des manifestations avec des jeunes habillés en vert scandant des slogans hostiles à Ahmadinejad sous les regards des caméras des télévisions étrangères conviées par le régime. Mais tout le monde a été surpris par l’absence de la milice qui est d’habitude omniprésente dans toute la ville. Les Iraniens, qui ont l’habitude de voir des manifestations soi-disant spontanées, ont conclu qu’il s’agissait d’un coup du régime et ne sont pas entrés dans la danse. Ils ont ainsi privé le régime de l’élément le plus essentiel pour simuler une révolution : la foule.

Dans le même temps, les Occidentaux ne se sont pas exprimés sur cette soi-disant révolution de couleur. Au départ, il ne s’agissait pas vraiment d’une mesure de prudence, mais du fait qu’ils ne souhaitent pas la fin de ce régime. Par la suite, ces Etats ont compris le jeu de Téhéran et ont évité le piège.

Téhéran qui ne veut faire aucun compromis sur la question de l’enrichissement et par conséquent a de facto besoin d’un moyen pour bloquer les négociations, n’a pas saisi que ce refus allait être permanent et l’a mis sur le compte de son échec dans la mobilisation populaire. Il a envisagé une manifestation populaire pour le 15 juin pour forcer la mobilisation et aussi les réactions internationales. Rétrospectivement, on peut supposer que le régime avait prévu de faire feu sur les manifestants pour élever les militants de son Mouvement Vert au rang de martyrs. Ce scénario extrême a dérapé dans cette même journée pour donner lieu à un soulèvement hostile au régime.

Le soulèvement s’est étendu à tout le pays et le peuple a tenu la rue pendant 10 jours bravant les snipers du régime. Certains comme Neda ont trouvé la mort, d’autres comme Mohammad-Reza Ali-Zamani se sont illustrés car ils croyaient le moment de la délivrance arrivé. Mais sans le soutien des démocraties occidentales qui préfèrent leurs affaires commerciales avec les mollahs, le soulèvement a été maté le 25 juin à la suite d’arrestations massives dont les victimes comme Ali-Zamani (ci-dessous) ont été jugées en août dernier dans un procès théâtralisé qui devait essentiellement faire la promotion du Mouvement Vert.
© WWW.IRAN-RESIST.ORG

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Le 26 juin après avoir maté le soulèvement imprévu, la première initiative du régime a été de relancer son scénario initial de la contestation de la légitimité d’Ahmadinejad en organisant des manifestations sous la bannière verte. Le régime a alors connu une suite catastrophique d’échecs au point qu’il a dû renoncer pour un moment à mettre en avant la couleur verte au moment des appels au rassemblement avec l’arrière-pensée de sortir les bannières la dernière minute. Aucune de ses ruses n’a marché. Par ailleurs, le régime a trouvé bête de cacher le vert alors qu’il a besoin de faire admettre cette couleur comme un mouvement populaire et légitime. Il a alors changé de méthode : via des médias qui se disent faussement en faveur d’un changement de régime, il a lancé des appels à la solidarité avec le Mouvement Vert. Pour la première tentative de cette nouvelle approche, le régime a choisi la Journée de Qods, journée de célébration du Djihad pour raser Israël. Il pouvait ainsi faire d’une pierre deux coups : affirmer l’adhésion du peuple aux fondamentaux de la révolution tout en fournissant la foule que son Mouvement Vert attend depuis le 13 juin.

Sur des milliers de médias existants avec un label d’opposants, un seul –ouvertement monarchiste- dont nous faisons partie, a mis en garde les Iraniens sur les dangers de leur participation et les a appelés à boycotter cette journée. Au passage, nous leur avons dit qu’il fallait apprendre à rester chez eux car in fine ce qui abattra ce régime sera une grève générale et non la castagne dans la rue. Nous les avons encouragés à créer leurs réseaux pour que le moment venu on puisse coordonner une grève nationale. Les Iraniens ont suivi ce mot d’ordre et la Journée de Qods a été un échec.

Quelle n’a été notre surprise quand quelques heures après l’annonce de la pendaison prochaine du monarchiste Ali-Zamani par un des très nombreux sites du Mouvement Vert, le bloggeur Babak Daad, ex-attaché de presse de Khatami et le plus actif des animateurs du Mouvement Vert (mais aussi grand chouchou de Voice of America), a appelé les Iraniens à ne plus rester chez eux s’ils ne voulaient pas avoir la mort d’Ali-Zamani sur la conscience.

On vient d’atteindre un nouveau palier dans l’abject avec ce régime. Il faut cependant dépasser l’horreur que nous inspire ce procédé pour se pencher sur ces détails.

Le premier détail est que l’information n’a pas été confirmée officiellement : c’est une tentative médiatique, un sondage. C’est une méthode de base en Iran : on laisse courir une rumeur, si les échos sont bons, on l’officialise, sinon on laisse tomber.

Le second détail est le jour de la manifestation en soutien à Ali-Zamani. Le bloggeur Babak Daad ne laisse pas le libre choix aux Iraniens et précise qu’il leur faut descendre dans la rue uniquement pendant la prochaine manifestation du Mouvement Vert qui a été programmée par hasard le jour anniversaire de la prise en otage de l’Ambassade américaine par les Etudiants islamiques qui sont aujourd’hui les dirigeants du Mouvement Vert. Téhéran reste ainsi sur son approche mixte : affirmer l’adhésion du peuple aux fondamentaux de la révolution tout en fournissant la foule que son Mouvement Vert attend depuis le 13 juin.

Le troisième détail est l’identité de la victime. Plusieurs personnes ont été jugées pour avoir dirigé le soulèvement. Téhéran a choisi un monarchiste pour attirer les Iraniens dans la rue. C’est mieux qu’un aveu sur l’impact de la monarchie en Iran.

Le quatrième détail est ce qui n’est pas dit. Le bloggeur Babak Daad n’a pas appelé les dirigeants du Mouvement Vert à manifester dans la rue ou dans les médias en faveur de la victime, au lieu de cela, il a pointé son attaque sur le peuple. Cela nous rappelle que le Mouvement Vert n’a pas de militants pour investir la rue et qu’il n’a pas vocation à défendre les partisans d’un changement de régime dans ses écrits. Ce mouvement veut seulement profiter de la colère du peuple dans le sens des intérêts du régime.

Mohammad-Reza Ali-Zamani est aujourd’hui en sursis jusqu’au 4 novembre 2009. Si les médias que nous qualifions de faux opposants s’intéressent à son cas et médiatisent l’affaire, il deviendra un moyen de faire pression sur le peuple et par conséquent il sera l’homme à abattre.


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Pour en savoir + :
- Iran : Téhéran impose sa gestion de l’info
- (14 JUILLET 2009)

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