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Iran : Sondage trompeur !
21.09.2009

Selon un institut de sondage américain, une très grande majorité d’Iraniens juge Ahmadinejad comme un président légitime et le régime comme idéal. Dans le même temps, ces mêmes Iraniens ne seraient pas d’accord sur le refus du rétablissement des relations avec les Etats-Unis ! Ce résultat illogique résulte du fait qu’il ne s’agit pas d’un vrai sondage, d’ailleurs impossible à réaliser, mais d’une manipulation destinée à convaincre les Américains qu’il faut cesser les sanctions pour continuer le dialogue avec Téhéran.



Selon le sondage de l’institut universitaire World Public Opinion [1], 87% des Iraniens sont satisfaits de leur république islamique basée sur la charia… 62% apprécient que le clergé puisse s’opposer à toute loi contraire au Coran… 55% considèrent que la désignation du Guide suprême est parfaitement conforme à la démocratie… 83% considèrent Ahmadinejad comme leur président légitime… 64% adorent leurs ministres… Plus de 50% aiment les bassidjis… Et 57% pensent que les sanctions sont sans effet sur leur régime adoré !

Reste que le sondage en question paraît improbable pour quiconque a de la famille en Iran. Si vous appelez par hasard un faux numéro, les gens vous raccrochent au nez, si vous recommencez, les gens décrochent le combiné. La raison est simple, les conversations vers l’étranger sont écoutées depuis 30 ans et si vous appelez des catégories à risques comme les Bahaïs, la conversation peut être coupée à tout instant par l’opérateur publique qui va rappeler votre numéro à l’étranger sous forme d’une erreur en essayant de connaître votre identité. Les Iraniens se montrent très suspicieux à l’égard de l’appel anonyme. C’est pourquoi il est difficile d’imaginer qu’ils aient répondu à des inconnus qui plus est pour parler politique surtout en rapport avec les Etats-Unis et les sanctions. On est en plein délire.

Le sondage ne serait pas non plus possible par le web qui est aussi surveillé comme en témoigne la lecture par les services du régime des mails envoyés par Clotilde Reiss à ses amis en France. Le seul moyen pour les Iraniens de parler avec l’étranger librement et sans risque est d’acheter un téléphone portable à carte qu’ils jetteraient après le premier usage. Dans ce cas, on doute fort qu’ils défendent le régime au lieu de parler de leurs problèmes comme l’inflation, le chômage et la précarité qui renforcent la délinquance et la marginalisation des jeunes, sujet qui préoccupe tous les Iraniens.

Or, au lieu de laisser entrevoir les problèmes, les sondés affirment que leur situation économique est globalement stable depuis 4 ans et que leur régime adoré résiste bien aux sanctions (ce qui est évidemment faux). Ils se disent ouverts au dialogue, mais critiquent le manque de respect d’Obama, seul obstacle à une négociation directe et sans condition préalable !

Ceci ressemble beaucoup au discours de base du régime des mollahs, un discours qui rejette l’influence des sanctions, qui se dit ouvert au dialogue mais se plaint d’un manque de respect des Etats-Unis. Mais si les résultats du sondage ressemblent au discours du régime, les propos ne sont pas identiques.

Il y a 2 différences fondamentales. La première est qu’il n’y a aucune allusion à une levée des sanctions, qui est une demande primordiale de Téhéran. Le terme de négociation directe et sans condition préalable n’est pas made in Iran mais made in USA. Téhéran refuse une telle négociation car elle est synonyme d’une reconnaissance par l’Iran de la légitimité des sanctions.

Autre différence entre le sondage et le discours des mollahs : les résultats du sondage affirment à plusieurs reprises la légitimité voire la très forte popularité d’Ahmadinejad alors que le régime est sur un scénario de contestation interne de la légitimité du président pour priver les Etats-Unis d’un interlocuteur valide.

L’opinion exprimée dans ce sondage correspond au discours américain sur la légitimité d’Ahmadinejad. Nous sommes face à une opération médiatique américaine pour promouvoir le dialogue avec l’Iran, ce qui est à moitié étonnant car le programme World Public Opinion est financé par certaines fondations américaines comme Carnegie Corporation of New York, Tides Foundation ou encore Oak Foundation qui financent aussi les lobbyistes iraniens qui sous couvert d’actions humanitaires ou de recherche font la promotion d’une entente entre Washington et la république islamique d’Iran. Parmi les donateurs de WPO, il y a aussi United Sates Institute of Peace également très actif pour promouvoir une entente avec les mollahs.

Les sondages [2] sont souvent utilisés pour véhiculer des messages ou influencer l’opinion. Dans le cas présent, la présence des organismes de lobbying révèle les deux cibles permanentes. D’une part, les Américains à qui l’on a fait croire que la menace nucléaire iranienne était immédiate et qu’il faut à présent convaincre du contraire et de l’autre, les mollahs à qui l’on veut montrer qu’il serait facile de convaincre l’opinion américaine que le peuple iranien file le parfait amour avec ses dirigeants ! Ainsi elle ne prêtera aucune oreille aux opposants qui luttent en faveur d’un changement de régime [3].

Derrière ce comportement, il y a une seule vérité : Washington est pressé de conclure une entente avec les mollahs car il sait qu’il ne peut plus gagner la guerre d’Afghanistan et désormais le seul accès aux réserves gazières de l’Asie Centrale est l’Iran.

Avec ce sondage, Washington complète la palette de son offre : il y a deux jours, il a évoqué la fabrication d’une bombe pour laisser entrevoir plus de sanctions, là il montre qu’il peut influencer l’opinion sur le besoin de plus de respect à l’égard du régime et plus de dialogue !

Cependant, la chance de réussite politique de cette opération n’est pas élevée car Téhéran ne peut pas reculer sur son refus d’apaisement avec l’allié d’Israël. Pendant 30 ans, il a promis de déclencher la guerre du siècle au Moyen-Orient si on l’obligeait à faire des compromis avec Israël, il doit tenir sa promesse ou idéalement obtenir le retrait des Américains de leur position ou du moins refuser l’apaisement pour ne pas perdre le respect décisif de la rue arabe ce qui entraînerait la fin de sa relation avec le Hezbollah. De plus, si Téhéran recule un peu et accepte des relations avec les Etats-Unis, il devra accepter des élections libres ce qui clôturerait le régime. La réponse de Téhéran sera donc non à cette nouvelle main tendue d’Obama.


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| Mots Clefs | Décideurs : OBAMA |
| Mots Clefs | Enjeux : Rétablir les rel. avec les USA & Négociations directes |
| Mots Clefs | Enjeux : Apaisement |

[1Le sondage de World Public Opinion

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[2L’usage du sondage a sans doute été inspiré par les mollahs eux-mêmes qui peu avant l’élection en Iran ont publié un sondage sur le sujet aux Etats-Unis où l’on donnait vainqueur Ahmadinejad. Cependant les résultats évoquaient un retournement, ce qui insinuait la contestation qui commença après.

[3Le procédé n’est pas nouveau : sous Bush, Washington a emprunté le même genre de chemins de traverse avec des articles particulièrement diffamatoires de Seymour Hersh sur l’opposition iranienne, un journaliste pseudo-gaucho très partisan d’un dialogue directe avec les mollahs.