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Etats-Unis : Nouvelle politique iranienne, nouveaux désordres
11.03.2009

Il y a quelques jours, Hillary Clinton invitait l’Iran à la conférence internationale sur l’Afghanistan avec l’arrière-pensée de se retrouver à une table de négociations avec les représentants du régime des mollahs afin d’engager ce dialogue que Téhéran refuse depuis des mois. En l’absence d’une réponse de Téhéran, Washington a lancé une série d’initiatives qui ne sont pas improvisées mais en donnent l’apparence : elles sont les outils de la nouvelle approche américaine annoncée le 26 janvier, une « diplomatie vigoureuse qui inclue une diplomatie directe ».



L’Amérique doit nécessairement arriver à une entente avec Téhéran. L’entente doit permettre aux Etats-Unis de contrôler (économiquement et politiquement) tous les fournisseurs de pétrole à la Chine et à l’Inde, les deux puissances montantes qui cherchent à bousculer son hégémonie sur l’économie mondiale. De ce point de vue, il s’agit en fait plus d’une soumission des mollahs et de leur capacité de nuisance aux Etats-Unis que d’une entente au sens d’un compromis ou une cohabitation. C’est la véritable source de conflit entre les mollahs et les Etats-Unis : Téhéran veut un compromis, mais pas les Etats-Unis qui entendent contrôler ce régime et ses milices en particulier les Pasdaran, sans quoi leurs plans n’auraient pas de sens.

La méthode initialement choisie pour soumettre les mollahs sans les détruire a été l’application de sanctions lourdes, mais pas fatales. Ce qu’a fait Bush pendant 5 ans, via un processus légitimé par le Conseil de Sécurité, mais sans réussir. Cette politique de sanctions molles et sans succès a cependant convaincu Téhéran qu’un compromis était à sa portée s’il usait de la violence, c’est ainsi qu’il a soutenu tous les groupes armés en Irak, distribué des bombes artisanales iraniennes ou roquettes russes aux Talibans et provoqué une guerre au Liban et une autre à Gaza.

Aujourd’hui, cette politique molle et longue ne convient plus. L’Amérique est pressée : le contrôle conjoint du Moyen-Orient et de l’Asie centrale doit servir de fondations à sa future diplomatie en Asie, et sans les fondations, elle ne peut rien entreprendre dans cette région (contre la Chine et ses alliés).

La mise en place d’une entente est devenue urgente. Elle ne peut en même temps appliquer des sanctions plus lourdes car cela détruirait le régime qu’il convoite. La nouvelle administration a donc décidé comme elle l’a annoncé de mettre en place une « diplomatie vigoureuse qui inclue une diplomatie directe ».

La partie vigoureuse de cette diplomatie comprend un renforcement des mesures existantes comme les sanctions ou les actions armées des groupes séparatistes contre les Pasdaran et l’évocation d’intimidations latentes. Parmi ces intimidations dormantes, on peut citer : l’annonce de la création d’un front arabe contre l’Iran, une possible entente avec les Talibans (rejetée encore par ces derniers) ou encore la remise en cause des conclusions 2007 des services secrets américains qui avaient annoncé en 2007 l’absence d’un volet militaire dans le programme nucléaire iranien.

Parallèlement, la diplomatie directe propose sans cesse des cadeaux médiatiques et la fin des menaces et des sanctions en échange de la soumission de Téhéran. Là aussi, il y a une différence avec Bush : Obama utilise de préférences ses alliés régionaux pour des médiations (au lieu des Six qui prônent une entente multilatérale).

Ainsi cette semaine, nous avons eu droit à une combinaison de quelques-uns des outils de cette nouvelle diplomatie. Le Maroc a rompu avec Téhéran pour un faux prétexte. L’Irak a évoqué une possible rupture pour de soudains conflits frontaliers. Le Jundallah a repris ses attaques en promettant de diffuser le film de ses exploits sur YouTube pour ridiculiser les forces d’élite de Téhéran. Washington a évoqué hier une entente avec les Talibans avant de finir en apothéose par une nouvelle intervention du chef du Renseignement américain Dennis Blair, le maître chanteur des accusations nucléaires qui a fait part de ses doutes sur une possible reprise rapide d’un programme nucléaire actuellement en sommeil. Comme la dernière fois, Blair a néanmoins cultivé l’art du flou, indispensable pour intimider l’adversaire.

Parallèlement, les présidents pakistanais et turc ont affirmé que pendant leur séjour à Téhéran pour le 10e sommet de l’OCE, une organisation de coopération économique établie en 1985 par la Turquie, l’Iran et le Pakistan, ils ne manqueront pas d’encourager Téhéran à accepter la participation à la Conférence sur l’Afghanistan afin d’ouvrir le dialogue avec les Etats-Unis. Pour flatter les mollahs, le ministre pakistanais des Affaires étrangères Qureshi a qualifié la République islamique d’« acteur de poids dans la région », et son homologue turc, Ali Babacan a affirmé que la Turquie souhaitait servir de médiatrice entre l’Iran et les Etats-Unis conformément à une demande qui aurait été formulée par les mollahs. Or, les mollahs avaient récemment envoyé les Turcs sur les roses quand ces derniers avaient proposé leurs services comme médiateurs. Téhéran avait alors précisé qu’il n’avait pas besoin d’intermédiaires pour parler aux Américains s’il le souhaitait. Ces propos de Babacan sont selon notre analyse un moyen américain pour forcer Téhéran à aller en avant et aussi affirmer son ouverture au dialogue afin de rééquilibrer les propos de Dennis Blair qui avait mis en doute la volonté de dialogue de Téhéran.

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Nouveaux désordes | Cette nouvelle diplomatie de combinaison d’approches contraires sera peut-être plus efficace que celle de Bush pour contrôler la gestion des sanctions afin de soumettre les mollahs, mais cette nouvelle diplomatie (unilatérale) sera sans aucun doute la source de nouveaux désordres. Elle est comme la précédente politique américaine placée sous le sceau du double langage, mais un double langage plus facilement exploitable par les très nombreux adversaires d’une entente irano-américaine. Ces adversaires sont réunis au sein des Six et le plus virulent d’entre eux est la Grande-Bretagne dont les compagnies pétrolières perdront leur leadership centenaire du marché pétrolier si les Américains imposent leurs compagnies dans la zone unifiée Golfe Persique-Iran-Asie Centrale.

Sous Bush, les Britanniques combattaient la tentative de substitution des Etats-Unis aux Six via El Baradai qui produisait des rapports toujours dans le sens opposé des conclusions ou allégations américaines. Cette fois encore, El Baradai s’est fait entendre pour aller en contresens de l’un des outils majeurs de cette nouvelle diplomatie américaine. Alors que les Américains tentent de créer un front arabe anti-Iran (pour contrer l’influence des mollahs dans la région), le directeur général sortant de l’AIEA a plaidé en faveur d’une plus grande coopération entre l’Iran et ses voisins arabes.

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Vitesse | Mohamed El Baradai a également exprimé l’espoir que dans les semaines à venir s’ouvre un dialogue irano-américain. La Russie qui est aussi un autre adversaire d’une entente irano-américaine a également parlé de la nécessité d’un dialogue rapide entre Téhéran et Washington. Un dialogue rapide face à un Iran récalcitrant est synonyme de concessions américaines dont un gel des sanctions américaines comme le demande Téhéran, et comme l’avaient suggéré par le passé El Baradai, mais aussi les membres non américains des Six. Or, en l’absence de pressions sur Téhéran, Washington pourrait avoir son dialogue direct, mais il devrait alors oublier son projet de soumettre Téhéran pour accepter un compromis.

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La précédente diplomatie américaine plaidait en faveur d’un processus de sanctions onusiennes pour donner une légitimité multilatérale à ses propres sanctions unilatérales et ce afin de permettre aux Etats-Unis de prendre en main la gestion des pressions sur Téhéran. Cette approche a été lente et a conduit à des excès des mollahs au Moyen-Orient. Elle a aussi légitimé une entente multilatérale que Washington ne souhaite pas. La nouvelle diplomatie américaine qui continue à détourner des rapports des services de renseignement et en plus doit agir dans la précipitation pourrait prendre son propre auteur de vitesse et provoquer de nouveaux désordres qui ne profiteront qu’à ses adversaires y compris les mollahs.

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| Mots Clefs | Décideurs : OBAMA |
| Mots Clefs | Enjeux : Rétablir les rel. avec les USA & Négociations directes |
| Mots Clefs | Enjeux : Garanties Régionales de Sécurité : le DEAL US |

| Mots Clefs | Nucléaire 2 : AIEA : El Baradei |
| Mots Clefs | Décideurs : P5+1 (les Six) |