Accueil > News > Incroyable ! L’Iran demande à El Baradai un rapport moins ambigu (...)



Incroyable ! L’Iran demande à El Baradai un rapport moins ambigu !
07.02.2009

A la 45ème conférence internationale sur la sécurité qui s’est ouverte ce vendredi à Munich, l’émissaire iranien Ali Larijani s’est entretenu avec Mohamed El Baradai pour lui demander qu’il rédige son prochain rapport « sans aucune formule ambiguë ».



JPEG - 24 ko


© WWW.IRAN-RESIST.ORG

Les conférences internationales sont des occasions pour des rencontres. A ce rendez-vous munichois qui réunit plus de 40 dirigeants de haut niveau dont Sarkozy, Merkel ou encore Solana ou le vice-président américain Joe Biden [1], Larijani a en priorité rencontré Mohamed El Baradai, le directeur de l’AIEA et rédacteur des rapports sur le nucléaire iranien. Cette rencontre peut être qualifiée de la plus haute importance pour le régime : il en va de sa sécurité.

© WWW.IRAN-RESIST.ORG
Décodages du mot « sécurité » | Le régime des mollahs est en quête d’une entente avec les Etats-Unis, entente qui doit se solder par la levée de l’ensemble des sanctions américaines contre l’Iran et l’obtention des garanties de sécurité, c’est-à-dire l’impunité pour le Hamas et le Hezbollah. Pour arriver à cette entente, Téhéran doit tenir tête aux Américains et pour tenir tête, il doit compter sur ces alliés européens pour écarter de nouvelles sanctions. C’est pourquoi un nouveau rapport hostile est vu à cet instant comme la plus haute menace pour la survie du régime. Le point important est que Téhéran perçoit le style ambigu d’El Baradai comme la principale menace contre sa sécurité.

© WWW.IRAN-RESIST.ORG
Explications | Cela fait 6 ans qu’El Baradai écrit des rapports très ambigus sur le nucléaire iranien. Les formules dont il a le secret n’avaient jamais dérangé les mollahs. Par ces formules, El Baradai neutralisait tous les documents et insinuations américaines sur l’existence d’un volet militaire dans le nucléaire iranien. Mais en mai 2008, El Baradai a changé d’orientation pour utiliser les mêmes formules ambiguës pour évoquer l’existence d’un volet militaire sur la base des documents inédits d’origine britannique. Dans un premier temps, Téhéran avait dénoncé l’authenticité de ces documents, également dénoncés par les Américains, avant de comprendre que la menace venait surtout de l’ambiguïté des rapports d’El Baradai. C’est pourquoi il exige moins d’ambiguïté pour neutraliser cette méthode de chantage.

© WWW.IRAN-RESIST.ORG
L’anatomie de ce chantage | L’apparition de ces documents britanniques date de la publication en décembre 2007 d’un rapport des 16 services secrets américains sur le danger du programme nucléaire iranien. Ce rapport américain neutralisait l’urgence d’une intervention musclée contre l’Iran en minimisant les progrès nucléaires du régime. Il insistait surtout sur l’abandon par l’Iran de toute étude militaire et ce afin de dédiaboliser les mollahs et de rendre moins politiquement incorrecte une entente avec Téhéran. Cette entente permettra aux Américains de contrôler les principaux ressources et routes de pétrole. Les compagnies pétrolières américaines actuellement à égalité avec les compagnies britanniques supplanteraient leurs adversaires.

A l’époque les Britanniques avaient peu protesté contre ce rapport traître, mais ils ont décidé de le combattre sur le même plan avec d’autres rapports : Ils ont affirmé être en possession de documents inédits sur l’existence d’études de militarisation du programme nucléaire iranien après la date évoquée par le rapport des 16 services secrets américains. Les Britanniques les ont transmis à la direction de l’AIEA qui depuis février 2008 les répercute régulièrement dans ses rapports sur l’Iran avec les mêmes formules ambiguës qu’elle utilisait un an plus tôt pour affirmer l’absence d’un volet militaire.

Force est de constater que l’AIEA évoquait l’absence d’un volet militaire quand les Etats-Unis évoquaient son existence pour obtenir le soutien du Conseil de sécurité afin de légitimer leur palette de sanctions contre l’Iran. L’AIEA combattait cet effort américain pour affaiblir Téhéran et le pousser à composer avec les Etats-Unis. Dès lors que les Américains ont mis en place leur palette de sanctions et ont décidé de prendre également le contrôle du timing pour gérer tous les aléas de l’entente, les Britanniques qui seront les premières victimes de cette entente stratégique ont miraculeusement retrouvé dans leurs tiroirs des documents contre les mollahs et contre le rapport américain et instantanément les contenus des rapports d’El Baradai ont radicalement changé.

Cette réactivité de l’AIEA laisse supposer que ses rapports d’avant février 2008 étaient aussi dans le sens des attentes Britanniques (hostiles à un affaiblissement de l’Iran en vue de le forcer à une entente). Nous avions longtemps cru qu’El Baradai agissait de manière complaisante avec les mollahs par sympathie islamique, mais il agissait en fait en sous-main pour Londres. Il est important de préciser que le mythe d’El Baradai islamiste a été répandu par Bruno Tertrais qui travaille pour l’International Institute for Strategic Studies, un organisme britannique basé à Londres [2].

© WWW.IRAN-RESIST.ORG
El Baradai Crescendo | Le changement de direction d’El Baradai en février 2008 a été d’abord très soft : il a évoqué l’existence des documents britanniques mais sans accabler les mollahs. Il s’agissait d’un avertissement aux mollahs pour qu’ils cessent leur danse du ventre devant Bush. En l’absence d’une attitude positive de Téhéran, les insinuations sont devenues plus soutenues, mais toujours via des formules ambiguës.

Au fur et à mesure, les rapports d’El Baradai sont devenus plus ouvertement axés sur ce volet militaire suggéré par les Britanniques et finalement la semaine dernière sur CNN, El Baradai a franchi une nouvelle étape en parlant plus ouvertement de ce volet militaire et surtout en fixant un timing vers la première bombe nucléaire iranienne ! Un prochain rapport onusien qui contiendrait ce genre d’allégations très anxiogènes serait une catastrophe pour Téhéran.

C’est ce qui justifie la rencontre prioritaire entre l’émissaire des mollahs et cet homme qui détient désormais une des clefs de la survie du régime.

© WWW.IRAN-RESIST.ORG
Pour en savoir + sur la guerre entre les Britanniques et les Américains :
- Iran : La CIA et le rapport de l’AIEA
- (20 SEPTEMBRE 2008)

| Mots Clefs | Nucléaire : Politique Nucléaire des mollahs |
| Mots Clefs | Institutions : Diplomatie (selon les mollahs) |
| Mots Clefs | Mollahs & co : Larijani & Jalili |

| Mots Clefs | Nucléaire 2 : AIEA : El Baradei |
| Mots Clefs | Nucléaire 2 : AIEA : inspections, actions et rapports |

| Mots Clefs | Pays : Grande-Bretagne |

[1Initialement, Téhéran comptait beaucoup sur ce rendez-vous munichois : l’invitation faite au régime était perçue comme un signe de la fin de son isolement diplomatique et il était réellement question d’une rencontre de couloir entre Larijani et le nouveau vice-président Joe Biden. Cette opération a capoté quand, lassée par les refus répétés des mollahs d’un dialogue officiel, l’administration Obama a révélé l’existence de conversations secrètes entre les mollahs et Obama avant son élection. L’affaire a été révélée en pleine reconquête de la rue arabe par les mollahs et Téhéran a démenti et annoncé par la même occasion que toute rencontre avec des Américains était désormais exclue. Des rencontres auront sans doute encore lieu mais toujours sous le sceau du secret ce qui ne convient pas à Obama, qui a besoin de négociations flagrantes pour une entente officielle et incontestable (qui aura néanmoins des clauses très secrètes).

[2Bruno Tertrais : El Baradai | Entretien avec Jean-Dominique MERCHET de Libération en octobre 2005.