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L’axe irano-syrien sera attaqué !
26.09.2005

Alors qu’Ariel Sharon a réussi à s’imposer comme étant l’homme de la paix dans le monde, les quelques chefs d’Etat arabes et leurs nombreux représentants présents à New York, étaient presque marginalisés. Aucun des grands n’était prêt à les écouter. Car l’essentiel a été acquis d’avance, notamment, dans les domaines du pétrole, de la lutte contre le terrorisme ; également, l’éventuelle normalisation avec l’Etat hébreu.



“Même les Algériens qui nous critiquaient et nous donnaient des leçons en matière de défense de la cause palestinienne, tentent ici à New York de trouver l’alibi adéquat pour rencontrer les Israéliens”, ironise un diplomate, membre de la délégation égyptienne ; et à ce dernier de poursuivre : “Même notre ami, Abderrahmane Chalgham, ministre libyen des Affaires étrangères, cherche lui aussi le moyen pour prendre contact proprement et loin des médias avec son homologue israélien”.

La majorité des observateurs présents à cette messe n’hésitent pas à répéter, qu’il semble que la préoccupation majeure des Arabes présents pour célébrer la 60ème année de la création de l’Organisation des Nations Unies, consiste avant tout à faire plaisir aux Américains. Pour ce qui est du reste, le retrait de Cisjordanie, le problème irakien, les menaces contre la Syrie…et même la question des îles émiraties occupées par l’Iran, sont tous des sujets qui peuvent attendre.

Les points que comprenait le document de ce sommet de l’Onu étaient vagues, confus, loin de l’application. Concernant le développement, les promesses sont restées des promesses parce que les Etats-Unis refusent toujours tout engagement dans ce sens ; ce, même si le président Bush a voulu montrer son “visage humain” en plaidant soudainement pour les pauvres de ce monde.

Katrina oblige. Quant au point portant sur le terrorisme, le document a rayé les termes donnant droit à la résistance par tous les moyens des pays occupés. Pour ce qui est du recours à l’armement, le document avait omis tous les signes relatifs à la limite des ventes d’armes dans le monde. La réforme de l’ONU, sujet du grand débat, il semble qu’il a été renvoyé aux calendes grecques. Washington n’était pas prête à le discuter avant que la désignation du projet de changement du secrétaire de cette organisation ne soit tranché. Et, qu’il soit américain de préférence.

Les autres points, tels que la création d’un comité pour instaurer la paix dans le monde ou le changement du comité des droits de l’homme au sein de l’Onu ainsi que la responsabilité d’assurer l’intervention en cas de génocide, ils n’ont pas eu l’attention qu’ils méritaient.

En revanche, trois sujets ont été les “stars” des concertations des coulisses. Il s’agit premièrement de l’Iran et la nécessité de trouver une issue, provisoire certes. Ce qui aidera le président américain à être plus à l’aise pour surmonter les séquelles politiques de New Orléans. Deuxièmement, convaincre des pays comme la Russie, la Chine, de cautionner le projet visant à isoler la Syrie.

Puisque cette dernière refuse toujours, selon la version américaine, de contrôler ses frontières et de continuer à apporter l’aide aux terroristes arabes. Et, troisièmement, exécuter à la lettre la résolution 1559, plus précisément le volet concernant le désarmement du Hezbollah libanais et le placer sur la liste des mouvements dits terroristes. Dans cette foulée, Washington a réussi à imposer, Ariel Sharon, la star des massacres de Sabra et Chatila en 1982 à Beyrouth- une date qui coïncide avec la célébration du 60ème anniversaire de la création de l’Onu- comme champion de la paix au Moyen-Orient.

La bousculade

Les quelques chefs d’Etats arabes présents et les représentants des absents se sont bousculés pour rencontrer et discrètement Ariel Sharon. Ce, au même moment où ce dernier annonçait que le processus de construction de nouvelles colonies en Cisjordanie allait se poursuivre pour répondre aux besoins. Certains de ces responsables arabes, comme Cheikh Ahmed ben Jassem ben Jabr Al-Thani, le ministre qatari des Affaires étrangères, ont appelé ouvertement à la normalisation avec l’Etat hébreu en incitant à encourager le chef de gouvernement israélien à aller plus loin. Un de ses proches disait dans les coulisses que “ceux qui ne veulent pas suivre ce chemin, doivent savoir qu’ils sont une race en voie de disparition”.

En agissant de la sorte, les Arabes ont montré qu’ils sont venus à New York uniquement pour, d’une part, véhiculer la nécessité de la normalisation avec Israël ; et, de l’autre, faire savoir qu’ils cautionnaient le pouvoir provisoire en Irak. Deux obligations imposées par l’administration américaine, à l’heure actuelle. Ainsi, les Arabes doivent prouver qu’ils se battent, jour et nuit, pour soutenir George Bush et l’aider à endiguer sa chute devenue inéluctable.

De plus, les Américains ont fait des suites du président irakien, le Kurde, Jalal Talabani, et le patron du Parti d’Al-Daâwa, le Chiite, Ibrahim al-Jaâfari, des lieux de pèlerinage pour les responsables arabes. Ce, au moment où ces derniers tentent d’écarter les Sunnites à travers la nouvelle Constitution. Néanmoins, force est de souligner que certains responsables arabes ont, malgré les pressions américaines, changé d’avis à la dernière minute.

Cela est dû, d’après des sources concordantes à New York, aux menaces qu’avaient reçu leurs régimes de l’Organisation Al Qaïda Fi Bilad al- Rafidaïne. Ce qui, en dépit des justifications formulées, n’a pas plu à Washington qui demandait à ces régimes arabes de mieux faire en ce qui concerne l’Irak.

En tout état de cause, les chefs des Etats musulmans non arabes n’avaient pas un comportement meilleur. L’Indonésien comme d’ailleurs le Pakistanais Moucharraf se sont précipités pour saluer Sharon en tenant à préciser que cela se fait dans l’objectif de “soutenir les Palestiniens”. Allez comprendre comment ? Le président pakistanais a, par contre déclaré dans une interview accordée à notre confrère londonien, Al-Hayat, que son “pays ne normalisera les relations qu’après la création d’un Etat palestinien”. Sur ce point, le ministre palestinien des Affaires étrangères, Nasser al-Qoudwa, a répondu à La gazette du Maroc que “le mal est déjà fait en aidant Israël à consolider ses percées dans les mondes arabe et musulman”.

Un des sujets qui demeure une priorité de ce sommet, celui du nucléaire de l’Iran. Tous les membres de la délégation de la République islamique dirigée par le nouveau président, Mahmoud Ahmadinejad, maintiennent un silence de carpe. Au point qu’ils n’ont pas eu la moindre réaction sur l’évolution intervenue sur la position américaine concernant ce dossier. Les petites phrases transmises par Gorge Bush à son homologue chinois dans lesquelles il affirma que “l’Iran a le droit de développer sa capacité nucléaire à des fins civiles et pacifiques” ont laissé Ahmadinejad de marbre. Cela où en même temps à Téhéran, l’establishment accuse les Etats-Unis d’être à l’origine des massacres perpétrés en Irak.

Le cours du déroulement de ce 60ème anniversaire de l’ONU montre que l’administration Bush trouve de grandes difficultés à avoir le reste du monde- à part les Arabes, Israël et certains pays européens- à ses côtés. Nous remarquons que ce monde semble être “content” de voir la première puissance de la planète quémander le soutien politique à gauche et à droite ; et, de la voir essuyer les revers aussi bien externes qu’intermes. Les prochaines semaines seront significatives car la position de beaucoup de pays vis-à-vis de Washington vont varier voire changer. Si George Bush est déjà conscient, les régimes arabes ne le sont pas malheureusement.

Objectif Syrie

Si les Etats-Unis n’arrivent pas à imposer une quelconque position anti-iranienne, moins encore à faire changer d’avis les uns et les autres concernant l’Irak, ils seront contraints de se battre pour faire passer le projet visant à isoler la Syrie en première étape. De source au Quai d’Orsay à Paris, on apprend qu’une nouvelle résolution concernant la Syrie est en train d’être étudiée au Conseil de Sécurité. Plus particulièrement entre les Etats-Unis, la France et la Grande- Bretagne. Cette même source estime que cette résolution pourra voir le jour à la fin de 2005 ou au début 2006. Ses initiateurs attendent apparemment la clôture des travaux du Comité d’enquête international chargé de l’assassinat de l’ancien premier ministre libanais, Rafic Hariri. Ils espèrent, au cas où Damas serait accusée, d’aller plus loin dans leurs pressions.

Reste à savoir si la résolution attendue pourrait appliquer des sanctions contre la Syrie ? Les observateurs les plus avisés l’affirment. Ils laissent entendre, cependant, que les Américains et les Européens ne sont toujours pas d’accord sur la nature de ces sanctions. Si les premiers insistent sur l’application de sanctions économiques obligeant la Syrie à se soumettre ; les seconds optent pour des sanctions politiques telle que la réduction des représentations diplomatiques.

Mais, d’ici trois mois, beaucoup de choses pourraient changer sur le terrain. Surtout lorsqu’on prend en compte l’émergence de mouvements islamistes de plus en plus radicaux dans la région que ni les Etats-Unis ni les Européens ne sont capables de contrecarrer. Ce, sans compter aussi l’axe irano-syrien qui reste un des plus forts régionalement. Dans tout cela, les Arabes de la normalisation et du soutien du pouvoir provisoire en Irak restent hors circuit.

- Paru sur La Gazette Du Maroc le 19-09-2005