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La Perse après l’invasion arabe
14.06.2005

Les résultats du choc entre les cultures perse et arabo-musulmane : La conquête de la Perse par les armées musulmanes au VIIe siècle fut sanglante et introduisit de grands changements.



Le territoire subit une fragmentation et le pays devint la proie de pouvoirs féodaux et des seigneurs de guerre arabes ou à de rares occasions d’origine perse. Des royaumes partiellement autonomes virent le jour, à la merci du Calife des Musulmans qui siégeait à Damas en Syrie ou à Bagdad. Des guerres d’indépendance se sont succédées et les batailles décisives pour les Iraniens ont été perdues.

Les plus célèbres des commandants guerriers qui combattirent les Arabes sont Papak (Babak) et Yaghoob Leyss-Saffar. Tous deux ont mis de longues années de leur vie au service de cette cause, combattant les troupes d’occupation du Calife des Musulmans siégeant à Bagdad.

Papak (ou Babak) a tenu en échec les Arabes pour de nombreuses années, empêchant les musulmans de conquérir la province d’AZARPADEGAN (nom qui fut transformé en Azerbaïdjan par les Mongols). Papak a perdu sa dernière bataille, trahi par Afshin, un iranien converti à l’Islam. Mercenaire au solde du Calife, en tête des troupes arabes, Afshin captura Papak pour être grassement récompensé.

L’histoire de Papak est typique de cette époque : même son nom a été arabisé et transformé en Babak, car la lettre P est absente de l’alphabet arabe. Les pratiques en usage à cette époque étaient celles d’un pays occupé.

De nos jours, Papak, cet authentique héros perse est mis à contribution pour servir les intérêts d’un état étranger qui n’a aucun scrupule à avoir recours à d’incroyables falsifications historiques. Il s’agit du cas des indépendantistes pro-Turquie et de cet état, et l’objet de leur convoitises est l’Azerbaïdjan. En l’absence de justifications historiques étayant leurs revendications autonomistes ou indépendantistes, ils essayent de s’approprier cette figure historique persane. Ils oublient volontairement que Papak vécut bien des siècles avant les invasions Mongole ou Turque, qu’il était persan, au service de la Perse, et que sa langue maternelle était le Vieux Persan (qui était encore parlé, il y a quelques décennies dans certaines régions d’AZARPADEGAN (cf. les sections : Populations & Géographie, pour plus d’informations sur les tentatives de récupération de la figure symbolique comme Papak dans le cadre de la propagande démagogique des partisans d’un Azerbaïdjan rattaché à la Turquie).

Yaghoob Leyss-Saffar a été aussi un Grand Commandant Guerrier qui combattit les envahisseurs arabes et il mourut au combat alors que la victoire finale était proche. Ayant vaincu les armées arabes, il marcha sur Bagdad pour en finir avec le pouvoir central arabe. Le Calife ordonna de rompre les digues de Bagdad pour inonder les armées iraniennes. Yaghoob mourut au cours de cette bataille désespérée et ne put libérer l’Iran du joug du Calife.

Nous tenons à remarquer que certains groupuscules de la gauche extrême iranienne excluent ces héros de notre passé dans une attitude presque hystérique de rejet du nationalisme iranien. Ces adeptes du marxisme sont persuadés que pour établir un communisme internationaliste, il leur faut détruire les figures authentiques de l’histoire de l’Iran.

D’un point de vue culturel, des efforts significatifs ont été entrepris pour préserver notre langue, notre héritage et notre identité nationale. Du 8e au Xe siècle, l’effort a été mis sur la traduction en arabe des textes sacrés ou laïques, persans, syriens, grecs ou indiens afin de les préserver de l’oubli et pour que perdurent les savoirs et les identités nationales sous l’Empire Musulman.

La conversion forcée à l’Islam a changé les caractères sociaux et religieux du pays lentement mais profondément. Certaines des plus importantes doctrines de l’Islam, comme les croyances en l’Enfer et au Paradis, à la Fin annoncée des Temps et au Jugement final, sont les résurgences remodelées du Zoroastrisme : Ces pratiques ayant l’avantage de paraître douces et familières aux iraniens. Il en va de même des 5 prières quotidiennes ou du devoir de donner l’aumône, autres héritages du Zoroastrisme. L’ensemble de ces changements dogmatiques, l’usage de l’arabe dans les domaines religieux et administratifs et la conversion à une nouvelle confession aurait pu conduire à une perte d’identité nationale. Ceci a pu être évité car les perses s’adaptèrent en adoptant l’écriture et l’alphabet arabe (d’origine araméenne) et en maintenant phonétiquement leur ancienne langue, la préservant ainsi de l’extinction.

La conversion forcée signifie des changements non seulement de la doctrine mais des pratiques et des rituels. Les différentes divinités (Eyzads) que les Zoroastriens vénéraient ont été abandonnées. Les célébrations sacrées festives faisant appel à la musique, au théâtre et aux jeux ont été interdites et remplacées par la prière du vendredi dans des mosquées où une pierre s’élevait en direction de la Mecque (le Qhibla), remplaçant le fastueux décor de la Charpente plaquée or des temples Zoroastriens. La musique et la danse furent interdites, les théâtres ont fermé. Le port du voile fut imposé à la femme et la ségrégation sexuelle devint la règle.

Le mouvement Shi’iste iranien a forgé une tradition spécifique qui donnait aux Iraniens l’illusion que cette religion était la leur. Le mouvement était fondé sur une foi dissidente qui attribuait le califat à Ali, cousin et beau-fils du prophète. Les Iraniens ont adhéré à cette foi. Une légende a été inventée selon laquelle le fils martyr d’Ali appelé Husayn aurait épousé la princesse captive d’origine sassanide, Shahrbanou (littéralement Princesse de la Cité). Cette figure est une création fictive dont le nom dérive de la déesse Anahita et bien évidemment le fils né de cette union est aussi fictif que son illustre mère. Cette légende a été créée de toutes pièces pour appuyer les résistances des iraniens qui étaient engagés dans une lutte avec les califes Umayyades. Dans ce dessein, une alliance a été conclue avec la tribu d’Abbas de la lignée du prophète et la victoire offrit le califat à cette tribu qui fonda la dynastie des Abbassides en 750 après J.C.

Après la victoire, les Abbassides ont trahi les Iraniens et éliminèrent leurs chefs pour briser le pacte qui leur avait permis de s’emparer du pouvoir. Cependant, les Abbassides ont fait revivre le faste Sassanide et adoptèrent leur autoritarisme notamment dans les domaines religieux. Cette période est donc également marquée par des répressions massives et des reconversions forcées qui permirent à l’Islam de s’enraciner et de se développer durablement en Iran.

Le rituel oecuménique s’inspira de plus en plus des rituels zoroastriens ; ainsi furent adoptés les rites funéraires, les lois de la pureté et le culte des 12 imams (saints). Cet élément fondateur du shi’isme n’est autre que le culte des 12 divinités Zoroastriennes (les Eyzades) qui durent subirent un remodelage pour s’intégrer à l’Islam. De même, Saoshyant, le sauveur des Aryens, la figure emblématique du zoroastrisme qui doit apparaître à la fin des temps pour délivrer le monde du mal se mua en « Maître du Temps : l’Imam Zaman », le 12e et ultime imam vénéré par les shi’ites. Ces transformations donnèrent aux Iraniens l’occasion de préserver leurs rituels traditionnels et de les inclure dans un système hétéroclite fait de ces anciennes traditions et de nouveaux concepts originaux. Le zoroastrisme est aujourd’hui pratiqué par une minorité, mais on peut affirmer à la lumière des faits cités que les rituels de cette religion continuent d’être appliqués par une grande majorité d’iraniens.

Les historiens ont relevé des continuités frappantes dans les structures sociales, administratives et culturelles en Iran. Les Iraniens qui étaient un peuple sédentaire ont apporté de grandes contributions à la civilisation arabo-islamique de tradition nomade. Leurs connaissances en administration, en mathématiques, en astronomie, en architecture, en chimie, en médecine, en poésie et en musique ont grandement aidé l’établissement du nouvel ordre islamique.

B) Les Conséquences de la confrontation culturelle entre les Iraniens et les turco-mongols
Le second millénaire a été le début des déplacements des tribus turques vers les territoires persans et byzantins dans le but d’imposer leur domination sur ces territoires en lorgnant sur Bagdad et rêvant de la conquérir in fine.

Le démantèlement de l’empire islamique a permis aux pays dominés de se libérer et l’Iran, comme d’autres territoires, est passé sous la domination des dynasties locales. C’est à cette époque que l’Iran a d’abord subi les conséquences de la montée en puissance des Turques Seljukides et ensuite, elle a été dévastée consécutivement par les Mongols et par Tamerlan (=Timur Lang/trad. Timur le boiteux).

La sanglante invasion mongole du XIIe siècle a mis à feu et à sang cette région et cela empira dans les interminables guerres fratricides que se livrèrent les descendants de ces envahisseurs qui finirent par diviser encore davantage l’Iran. Au XIVe siècle, le conquérant turkmène Tamerlan ne fit qu’amplifier cette tendance et les conditions politiques et économiques se sont dégradées davantage. Malgré tout ce désordre, non seulement l’islam ne faiblit point, mais demeura et même se fortifia : tous ces conquérants asiatiques ainsi que leurs descendants se convertirent à l’Islam. Par conséquent le persan devint la langue officielle dans les cours royales de la Turquie et des Indes, offrant aux artistes et aux scientifiques persans l’opportunité de dominer la vie culturelle de ces royaumes.

Un homme est de nos jours reconnu comme le père de l’Iranisme et c’est lui qui a permis à l’Iran de conserver son identité et ne pas être arabisé ou englouti par le monde turque. Cet homme n’est autre que l’immense poète Ferdowsi, auteur du célèbre "Livre des Rois", un ouvrage épique qui retrace la légendaire histoire iranienne d’avant les invasions. Ferdowsi est le plus grand poète qui vécut sous l’ère de la dynastie turque des Ghaznavides. Il a consacré sa vie à la rédaction de cet oeuvre pour faire revivre l’esprit iranien et vibrer la langue persane. Il y consacra 30 ans de sa vie. Son oeuvre lui attira la colère du Roi turque qui l’exila afin de le punir. La récompense de cet immense poète est qu’aujourd’hui son oeuvre est hautement estimé et présent dans tous les foyers iraniens.

C’est Dieu qui m’a donné la force et la victoire, et non pas le roi et son armée.
Le monde est mon esclave et Rakhsh est son trône ;
Mon épée est mon sceau, mon casque est mon diadème ;
Le fer de ma lance et ma massue sont mes amis ;
Mes deux bras et mon coeur me tiennent lieu de roi.
J’illumine la nuit sombre avec mon épée ;
Je fais voler les têtes sur les champs de bataille.
Je suis né libre et ne suis pas esclave, je ne suis le serviteur que de Dieu.
(Rostam à Kavous, Livre des Rois, Ferdowsi (932-1025) Sindbad, Actes Sud)

Un autre changement très important pour l’Iran eut lieu au XVIe siècle, sous le règne de la dynastie turcophone des Safavides (1501-1732). L’état Iranien a retrouvé son intégrité territoriale avec cette différence qu’à cette époque ses frontières allaient au-delà de celles qui lui sont reconnues aujourd’hui. Les Safavides, dirigeants très croyants, ont unifié le pays, amélioré les finances de l’état et ont adopté le shi’isme pour s’affranchir de l’influence de l’empire Ottoman de confession sunnite. Ils ont également créé une hiérarchie religieuse très institutionnelle pour ordonner des milliers de prêtres qui contrôlaient tous les aspects de la vie quotidienne de leurs sujets. De nouveaux rituels et pratiques religieux ont été inspirés du christianisme et adoptés comme d’authentiques éléments du shi’isme parmi lesquels l’automutilation par flagellation avec des chaînes.

C’est à cette même époque que la très Fondamentaliste et très redoutée autorité religieuse Alameh Majlessi a réuni la synthèse de son oeuvre dans l’ouvrage intitulé Bihar al Anwar ou l’océan des lumières. Cet homme est considéré comme le père spirituel de Rouh-Olah Khomeyni. Bihar al Anwar est considéré comme l’ouvrage de référence en matière de shi’isme et il est très similaire au code confessionnel Sassanide intitulé Din-kard & Vandi-dad (la doctrine religieuse persane incluant bien des éléments proprement persans a ainsi survécu et continue d’être honorée).

La dynastie Safavide a été renversée à la suite d’une révolte qui agita l’Afghanistan, un territoire alors iranien. Ashraf l’afghan et ses troupes marchèrent sur la capitale de la Perse, alors située à Ispahan. Ashraf l’afghan renversa sans peine Shah Hossein Safavi, le dernier roi Safavide dont le pouvoir se caractérisait par ses propres convictions religieuses mêlant ferveur et superstitions et aussi par un entourage très corrompu. Ces deux éléments empêchèrent d’organiser la défense du royaume face à l’agression de la petite armée afghane. Le roi priait dans son cabinet, espérant un miracle, négligeant de donner l’ordre de livrer bataille aux généraux de sa puissante armée.

Quelques années plus tard, le pouvoir des afghans a été balayé par un de ces généraux, Nader Afshâr qui chassa les envahisseurs et rétablit l’autorité de l’état iranien sur le territoire. Élu par ses pairs comme le nouveau roi d’Iran, il fonda la dynastie Afshar et entreprit de restaurer la suprématie iranienne dans la région. Nader a été assassiné dans un complot par ses opposants, lassés de la brutalité qui le caractrisait dans les dernières années de son règne.

La chute de la dynastie Afshar conduit à l’établissement de la dynastie Zandieh qui tient son nom de son fondateur Mirza Karim Khan Zand, un homme cultivé mais lui aussi très dévot. La dynastie Zandieh a eu une très courte durée et elle a été renversée par agha Mohamad Khan Qajar qui a assassiné le jeune héritier, Lotf-Ali Khan Zand pour renverser cette dynastie et établir la sienne.

La dynastie turcophone Qajar (1795-1925) a tenté de restaurer l’Empire Safavide inscrivant son administration dans la continuité de cette dynastie. C’est pendant cette période que Téhéran devint la capitale de l’Iran. Mais la légitimité religieuse des Safavides faisait défaut aux Qajar et ils se montrèrent de ce fait bien incapables de s’imposer en état central autoritaire et en plus ils ont dû subir la convoitise des états européens beaucoup plus industrialisés, plus riches et plus puissants, et tout particulièrement celle de la Grande-Bretagne et de La Russie Impériale.