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Iran : Résumé d’une folle semaine en juillet
13.07.2008

Entre le vendredi 4 juillet, date de la remise de la réponse iranienne à l’offre des Six, et le vendredi 12 juillet, date de la clôture de l’affaire des missiles longue portée, l’Iran a connu une folle semaine pleine de rebondissements. C’est une semaine charnière qui marque un nouveau départ dans la crise nucléaire iranienne.



Le 4 juillet, un vendredi (jour férié en Iran et fin de semaine en occident), l’Iran a remis sa réponse à l’offre des Six à Javier Solana, le représentant des membres européens des Six. Les mollahs aiment ce genre de détails : utiliser le calendrier pour créer des bulles d’incertitude. La missive des mollahs a perturbé les européens : elle ne contenait pas une réponse positive à l’offre des Six malgré les salves de menaces d’alourdissement des sanctions tant onusiennes qu’américaines ou même européennes.

Parallèlement et quelques jours plus tôt, Téhéran avait donné un avant-goût de cette réponse dans une lettre ouverte publiée dans Libé par Velayati, un ancien ministre des affaires étrangères du régime, lettre qui évoquait une solution en forme de compromis avec une quasi-reconnaissance de son droit à l’enrichissement.

Cependant, les occidentaux ont été pris de court et ils n’ont adopté aucune position officielle commune face à la réponse remise à Solana. C’était à la veille de la rencontre des G8 et après une période de rumeurs de frappes israéliennes avec une autorisation américaine. Quelques jours ont passé et le silence prolongé des Six a déstabilisé Téhéran qui l’a à tort analysé comme une attitude hostile. En fait les occidentaux (européens et américains) étaient gênés car ils cherchaient à trouver la formulation adéquate pour esquiver l’adoption de nouvelles sanctions qu’ils n’avaient cessé de recommander.

Téhéran a paniqué car de nouvelles sanctions sont synonymes d’un effondrement du régime. Il a décidé de se montrer déterminé et il a annoncé le lancement de manoeuvres navales de 10 jours dans le Golfe Persique. Dès le premier jour des manoeuvres, il a annoncé avoir procédé avec succès à un tir de missile longue-portée qui pouvait atteindre le cœur de Tel-Aviv.

Entre temps, exactement au même moment, les Six ont enfin réagi via le président français Nicolas Sarkozy. Ce dernier a parlé en marge d’une réunion des G8, au nom des Six, en affirmant que ce groupe n’allait pas adopter de nouvelles sanctions après le refus de Téhéran et pouvait même envisager d’étudier l’offre de compromis de Téhéran.

Mais Téhéran avait déjà procédé à son premier tir balistique accompagné de slogans dévastateurs et avait annoncé d’autres tirs. Téhéran ne pouvait pas déprogrammer les manœuvres, il a procédé à d’autres tirs, mais Ahmadinejad a pris la parole en marge de la réunion des D8, le sommet miroir de celui des G8, où il a formellement exclu toute possibilité de guerre contre les Etats-Unis ou encore contre Israël.

Malgré cet effort, les seconds tirs des mollahs qui devaient clôturer en beauté les manœuvres amputées d’une semaine ont fait couler beaucoup d’encre, et cette décision née d’une mauvaise analyse des mollahs (qui avaient paniqué) a, à son tour, engendré la panique à Washington ! En effet, les résolutions déjà adoptées par le Conseil de Sécurité interdisent tout essai balistique iranien et ce genre d’initiatives exige l’adoption de nouvelles sanctions. Les Six se sont retrouvés en contradiction avec la décision annoncée par Sarkozy en marge du G8.

Aussitôt, les membres européens et américains des Six ont décidé d’effacer cet épisode : une dépêche de l’AFP avec une expertise britannique du groupe dirigé par François Heisbourg a expertisé comme fausse, la seconde série d’essais balistiques iraniens. Aussitôt, la diplomatie américaine s’est alignée sur une dépêche de l’AFP ! C’est historique !

Pas de missile donc pas de sanction ! Téhéran a d’abord protesté contre cette expertise. Encore une mauvaise analyse ! Avant de réaliser qu’il avait reçu en 3 jours, c’est-à-dire entre le 8 juillet, date la déclaration française des Six, et le 11 juillet, date de la dépêche salvatrice de l’AFP, deux énormes preuves de la volonté de compromis de la part des français, des britanniques et des américains.

Les mollahs avaient déjà conscience de leur valeur pour les américains, qui pourront grâce à eux contrôler l’accès de la Chine aux ressources de l’Asie Centrale et du Moyen-Orient, mais ils remarquaient des incompatibilités entre les intérêts britanniques et américains. Ils viennent en plus de constater un quasi-consensus entre la Grande-bretagne et les Etats-Unis (et la France) sur la nécessité de leur maintien au pouvoir. Cette certitude ouvre une nouvelle phase dans la crise, une phase de confiance pour le régime des mollahs.

Les deux preuves de confiance fournies aux mollahs changent la donne car Téhéran entend exploiter ce recul de ses adversaires. Dès le 12 juillet, c’est-à-dire quand Téhéran a compris le sens de la dépêche de l’AFP, les premiers signes de ce changement ont été constatés aussi bien dans le domaine des prétentions militaires que dans le domaine d’une solution pour la crise nucléaire.

Pour ce qui est des prétentions militaires, différents responsables du régime ont pris la parole pour faire des déclarations provocantes, susceptibles d’agir comme des slogans populistes à l’adresse de la rue arabe, pour souligner l’invincibilité du régime ou encore le recul des américano-sionistes qui auraient eu peur de la force du régime. Mottaki, le ministre des affaires étrangères des mollahs, a évoqué la force de frappe iranienne, Qalibaf, le maire de Téhéran, possible candidat à la succession d’Ahmadinejad, a invité les occidentaux à accepter l’Iran, et finalement Ahmadinejad a repris mot pour mot toutes les déclarations du commandant chargé des tirs balistiques sur les capacités militaires iraniennes.

Dans le domaine nucléaire, la prise de confiance de Téhéran est synonyme d’un durcissement du régime vis-à-vis de Washington. Téhéran a ressenti la complaisance américaine comme un aveu de la faiblesse de l’administration Bush et entend exploiter cette faiblesse. C’est pourquoi, il a joué une carte ambitieuse en proposant via Ahmadinejad, à la fois des négociations directes [1]. avec l’administration Bush, mais aussi en guise de signe de bonne volonté l’ouverture d’un bureau diplomatique américain en Iran [2].

Bush peut espérer conclure ses deux mandats sur cette entente aux promesses mirobolantes pour les Etats-Unis, mais il se retrouve dans une situation impossible puisqu’il a toujours exigé une suspension des activités d’enrichissement comme condition préalable à des négociations en direct. De plus, il ne peut se montrer indifférent ou fermé à cette offre car son refus desservirait McCain et jouerait en faveur d’Obama, qui parle d’un dialogue bilatéral pour éviter le pire.

En attendant une réponse de l’administration Bush, cette nouvelle tactique de Téhéran enterre momentanément le compromis de Velayati qui tablait sur de longues négociations via l’UE pour attendre l’arrivée d’Obama. Français et britanniques ont aidé les mollahs à les éliminer des négociations ! C’est là la caractéristique première des mollahs : mordre la main qui les nourrit. Mais on reviendra sans doute à l’option Velayati ou un autre compromis, si Washington éconduit les mollahs. D’autres folles semaines en perspectives…

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| Mots Clefs | Nucléaire : Crise & Escalade |

| Mots Clefs | Nucléaire : Politique Nucléaire des mollahs |

| Mots Clefs | Institutions : Diplomatie (des mollahs) |

| Mots Clefs | Décideurs : P5+1 (les Six) |

| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : USA |

| Mots Clefs | Pays : Grande-Bretagne |

| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : France |

| Mots Clefs | Auteurs & Textes : Selon l’AFP |

[1Ahmadinejad s’est déclaré prêt à parler directement avec Bush. Ahmadinejad a également affirmé que l’Iran préférait des pourparlers directs avec les Etats-Unis sans intermédiaire. « Téhéran n’a pas besoin de médiateur pour les discussions avec Washington et il est bien prêt pour les discussions directs », a-t-il affirmé.

[2Ahmadinejad a souligné que l’Iran se réjouirait de l’ouverture d’un bureau diplomatique américain à Téhéran, en saluant toute mesure susceptible « d’accroître les liens ». Ahmadinejad a cependant déclaré que son gouvernement n’avait reçu aucune requête officielle des Etats-Unis pour l’ouverture d’un tel bureau.