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Iran-Russie : Une compagnie gazière commune à l’assaut du marché européen ?
15.12.2007

Selon le quotidien russe la Gazeta, en visite à Moscou pour parler de la livraison de Bouchehr, le ministre iranien des Affaires étrangères Manouchehr Mottaki a proposé jeudi à la Russie de créer une compagnie gazière commune. Ce projet d’une compagnie gazière est pointé en direction de l’Europe, même si l’Iran et la Russie poursuivent des objectifs européens totalement divergents aussi bien à long terme qu’a court terme.



Tout d’abord, si ces deux pays contrôlent à eux deux près de 20% des réserves mondiales de pétrole et 47% des réserves mondiales de gaz, l’un est le plus important fournisseur de gaz de l’Europe et l’autre a de réelles difficultés à inciter les européens à investir dans son secteur gazier, en panne d’investissements depuis 18 mois. Le problème ne se pose donc pas de la même manière pour la Russie que pour l’Iran.

Pour les mollahs, il s’agit dans un premier temps (à court terme) d’envoyer un avertissement à Total qui ne cesse de retarder son investissement en Iran. Téhéran propose une alliance à la Russie, alors qu’il aurait préféré un bon contrat avec Total. Cette promesse est fondée sur des intérêts gaziers divergents à court terme mais aussi à long terme. L’Iran et la Russie ont tous les deux des frontières terrestres avec l’Asie Centrale, au même titre que l’Afghanistan, ces trois pays sont les seuls couloirs d’accès vers les très grandes réserves gazières de Turkménistan et du Kazakhstan.

Ensemble, la Russie et l’Iran arment les Talibans pour neutraliser le territoire afghan comme couloir d’accès vers ces richesses et en même temps, au nom des valeurs écologiques, ils refusent qu’un tube subaquatique relie l’Asie Centrale à la Caucase (voisine de la Turquie). De ce fait par une alliance tacite, ils sont les seuls intermédiaires pour accéder aux réserves gazières de l’Asie Centrale. Actuellement, les pays de cette région doivent vendre leur gaz à la Russie qui revend la précieuse cargaison (à l’Europe) et peut à n’importe quel moment fermer le robinet pour revoir les contrats et les prix.

En revanche, là aussi il y a une divergence : Pour se libérer du monopole russe et contourner la Russie, les européens ont lancé le projet de gazoduc de Nabucco qui devait se relier au tube subaquatique de la Caspienne. Téhéran a aidé les russes à neutraliser Nabucco en refusant tout projet de gazoduc traversant la Caspienne, mais il a ainsi également contribué à éliminer la concurrence de l’Asie Centrale à son propre bénéfice en espérant que le Nabucco finirait sa course en Iran et non en Asie Centrale.

De ce point de vue, la promesse iranienne d’une compagnie gazière commune paraît illogique d’autant plus qu’en cas d’une entente avec les Etats-Unis, les mollahs pourraient facilement remplacer la Russie comme fournisseur de gaz et aussi comme couloir d’accès vers l’Asie Centrale. On comprend l’intérêt pour la Russie de conclure un accord qui éliminerait tous ces risques, mais quelle serait la motivation des mollahs ?

Cette promesse est un moyen pour encourager les russes à leurs fournir la centrale de Bouchehr aussi rapidement que possible. Les mollahs en ont besoin pour justifier le maintien de leurs activités d’enrichissement nucléaire, mais la Russie refuse d’accéder à cette demande par peur que l’Iran n’ait plus besoin d’elle après. Visiblement, les mollahs souhaitent garder dans leur jeu un outil pour maintenir en état un aspect menaçant. La république islamique souhaite une entente avec les Etats-Unis mais sans renoncer à sa spécificité terroriste. La promesse d’une compagnie gazière commune était le seul moyen d’intéresser les russes, les mollahs ont fait cette promesse qui trahit l’importance que revêt Bouchehr à leur yeux.

En réalité, ce projet d’alliance des deux plus grands producteurs gaziers du monde est virtuellement très préjudiciable à l’Europe, mais il a peu de chance de succès car il n’y a pas de consensus entre les deux parties pour unir leurs forces et étendre leur hégémonie sur tous les marchés énergétiques de la planète.

Cependant, pour obtenir Bouchehr et des investissements, Téhéran peut donner quelques gages non définitifs à Moscou. Cette situation ambivalente résume la complexité des relations internationales avec les mollahs.

Les mollahs utilisent la Russie et la Chine pour éloigner les sanctions afin d’obtenir des délais pour malmener l’Amérique pour qu’elle accepte un pacte de non-agression mutuel. La Russie utilise les mollahs pour chasser les américains du Golfe Persique et de la Turquie, mais aussi pour isoler l’Asie Centrale. La Chine souhaite jouer le même rôle que la Russie. Les américains utilisent l’Europe pour l’aider à affaiblir les mollahs mais dans le but d’arriver à un accord avec ces derniers pour s’approprier l’Iran au détriment de l’Europe, de la Russie et de la Chine, les trois grands partenaires commerciaux des mollahs. L’Europe vacille entre les uns et les autres.

Chacun est concurrent des autres et veut rouler un allié acquis pour arriver à un accord unilatéral avec un troisième. La solution serait de casser ce cercle vicieux par un changement de régime en Iran pour restituer à ce pays sa neutralité afin qu’il ne soit ni une source directe d’instabilité, ni un allié pour l’un des trois grands qui cherchent l’instabilité régionale pour nuire aux deux autres. Seule la « vieille Europe » a intérêt à agir ainsi, mais elle est faible et ne fait rien pour éviter sa propre chute.

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