Iran : L’analyse des positions exprimées par Nicolas Sarkozy 25.09.2007 Le président Français a pris la parole 2 fois au cours de ces dernières 48 heures pour parler de la situation internationale et de l’Iran, la première fois dans un long entretien accordé au New York Times et une seconde fois dans son discours devant l’Assemblée Générale de l’ONU. Dans sa première intervention, il a confirmé notre analyse quant à la poursuite de la diplomatie chiraquienne sur trois points essentiels (le dialogue avec les soi-disant modérés, le nucléaire et le Hezbollah), et dans sa seconde intervention il a démontré que le discours diplomatique français souffrait des mêmes lacunes géopolitique que sous son prédécesseur, Jacques Chirac. 1. Le nucléaire | Dans l’entretien accordé au NYT, Sarkozy reste dans la ligne immuable du Quai d’Orsay : « La position de la France, elle est là : pas d’arme nucléaire pour l’Iran, l’arsenal des sanctions pour les convaincre, la négociation, la discussion, la fermeté et je ne veux pas entendre parler d’autre chose qui n’apporterait rien à la discussion aujourd’hui », a déclaré Nicolas Sarkozy au quotidien américain. « Si les sanctions ne sont pas suffisantes, je souhaite une 3e série de sanctions plus fortes, étant entendu que les sanctions ne peuvent fonctionner que s’il y a unanimité donc il faut emmener tout le monde ». Le principe de l’unanimité est la tactique de base de la diplomatie Française pour ne rien faire qui nuirait à ses intérêts économiques en Iran. Mais l’exigence de l’unanimité est peu réaliste car il est évident que la Chine et la Russie ne voudront jamais affaiblir les mollahs qui sont leurs alliés stratégiques dans la région : ces deux Etats veulent utiliser la capacité de nuisance terroriste des mollahs pour affaiblir les Etats-Unis en Afghanistan et en Irak afin de les contraindre à se retirer progressivement du Moyen-Orient. Il y a d’un côté, la France avec ses intérêts et une pauvre tactique, et de l’autre la Chine et la Russie avec des objectifs géopolitiques et une véritable stratégie de conquête. La France facilite la tâche de ces deux géants peu amicaux. 2. Le Hezbollah | En réalité on aurait pu intituler ce paragraphe : le rôle régional de l’Iran reconnu par la France. Le président Français est revenu au lexique chiraquien pour rappeler que la France soutenait le désir des mollahs à jouer un grand rôle au Moyen-Orient. De plus, les questions du NYT tournaient autour de la « république islamique d’Iran », mais Nicolas Sarkozy répondait en utilisant délibérément les mots IRAN ou Nation Iranienne pour désigner ce même régime qui a commandité l’assassinat des para Français au Liban. La France ne désire pas offusquer le régime des mollahs. « L’Iran est un grand pays, les Iraniens sont un grand peuple, l’Iran est une grande civilisation, l’Iran a toute sa place à jouer. L’Iran peut accéder au nucléaire civil. L’Iran a un rôle extrêmement important dans la région ». Le rang et le rôle régionaux de l’Iran sont actuellement assurés par le contrôle exercé par le régime des mollahs sur des mouvements clairement djihadistes (islamistes révolutionnaires) comme le Hamas, le Hezbollah, Al Qaeda Irak ou Al Qaeda Maghreb (ex-GSPC) qui a directement menacé la France. La reconnaissance du rôle régional des mollahs est un des éléments immuables de la diplomatie française, une sorte de nouvel axe de la politique arabe de la France. La reconnaissance du rôle régional des mollahs est indissociable du Hezbollah. La France ne classera jamais ce mouvement sur la liste Européenne des mouvements terroristes et ce malgré le refus du Hezbollah de désarmer. De ce fait, le sort du Liban est désormais lié au bon vouloir des mollahs qui peuvent y déclencher une guerre ou un blocage des institutions. Mais non seulement la France soutient la reconnaissance du rôle régional des mollahs, mais elle entend aussi le renforcer en Irak. Ainsi à la question « Est-ce que vous avez une idée pour résoudre ce problème (Irak) ? », Sarkozy a répondu : « D’abord, tout doit être fait pour éviter l’éclatement de l’Irak. Ce ne serait pas une bonne chose pour la stabilité de la région…Troisièmement, le plus rapidement l’Irak pourra vivre d’une aide économique sans présence militaire étrangère, le mieux ce sera, pour les Irakiens, pour la région pour les Américains ». Le départ des Américains, sans ou avant un changement de régime en Iran, libanisera l’Irak : il sera un pays uni mais soumis à la loi d’un parti politique chiite doté d’une milice qui pourra jouer au Hezbollah, c’est-à-dire déclencher des conflits et bloquer les institutions. Evidemment la France espère que les mollahs la remercieront en lui accordant des contrats pétroliers perdus avec la chute de Saddam. Cette attente montre le manque de discernement du Président Français qui ne prend jamais en compte les principaux alliés des mollahs, la Russie et la Chine, qui peuvent le protéger à l’ONU par leur veto ou militairement via les alliances de l’Organisation de Coopération de Shanghaï. 3. Dialogue Paris-Téhéran | Le troisième point inquiétant du discours des propos confiés au NYT est l’encouragement indirect adressé par Sarkozy au régime des mollahs. « Je n’ai pas à rentrer dans le détail. Ce que je veux obtenir, c’est que la société iranienne se rende compte de l’impasse où les conduit l’attitude de quelques-uns de ses dirigeants. Ce que je souhaite, c’est qu’il y ait un véritable débat au sein de la société civile et politique iranienne pour voir que l’Iran, comme tous les autres pays du monde, ne peut survivre à un isolement total ». La France souhaite que le régime des mollahs revienne à sa comédie préférée : la lutte des modérés et des conservateurs. Sarkozy évoque le régime des mollahs comme étant semblable à « tous les autres pays du monde ». C’est une promesse de mettre la pédale douce sur les violations des droits de l’homme et bien sûr on continuera le black-out sur la pédophilie dépénalisée… Un changement de régime est totalement exclu, la question du NYT a complètement embrouillé Sarkozy qui s’est lancé dans un discours philosophique sans queue ni tête [1]. Sarkozy préfère s’entendre avec les mollahs et qu’ils affichent une volonté de dialogue et de réforme même sans contenu. Nous devons nous attendre à un soutien sans bornes à tous les faux opposants, d’ailleurs Satrapi a été sélectionnée pour représenter la France et en octobre, Ebadi sera l’invitée d’un forum sur le climat, le nouveau dada de Sarkozy. 4. Enjeux Géopolitiques | Au début de cet article, nous avons évoqué les lacunes géopolitiques récurrentes de la diplomatie française. C’est toujours et encore, l’absence de prise en compte de l’axe Téhéran-Moscou–Pékin. Face à cette nasse d’intérêts stratégiques convergents, la France entend exister avec des offres commerciales. Ce lundi 24 septembre, devant l’ONU à New York, Nicolas Sarkozy a déclaré qu’au nom de l’écologie, la France était « prête à aider tout pays » qui chercherait à utiliser à des fins civiles l’énergie nucléaire. Ce message « chiraquien » s’adresse à l’Iran. Or, les mollahs n’ont pas besoin d’un programme nucléaire translucide, leur force dans tous les domaines (politique, nucléaire, militaire) est fondée sur l’opacité. C’est grâce à cette opacité qu’ils peuvent exercer un chantage sur les autres pays afin d’assurer leur rôle régional. Nicolas Sarkozy continue à confondre les intérêts commerciaux avec des objectifs géopolitiques. Il s’agit d’une diplomatie sans objectifs géopolitiques et en ce sens, la France n’intéresse guère les mollahs. Dans ces conditions, elle ne fait que faciliter la tâche de ceux qui ont des objectifs géopolitiques et désirent contrôler globalement certains territoires, et d’autres qui cherchent à contrôler les matières premières : Téhéran, Moscou et Pékin. © WWW.IRAN-RESIST.ORG Définition d’un enjeu géopolitique :
| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : France | | Mots Clefs | Décideurs : Sarkozy | | Mots Clefs | Enjeux : Rôle régional de l’Iran | | Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : Axe Téhéran-Moscou-Pékin | | Mots Clefs | Auteurs & Textes : Textes essentiels d’IRAN-RESIST | [1] Un changement de régime est totalement exclu | QUESTION – Dans la version anglaise de votre livre « Témoignage », il est fait référence à l’Iran comme une nation hors-la-loi. Si tel est le cas, la doctrine de l’endiguement (containment) peut-elle s’appliquer ou le régime doit-il être remplacé ? LE PRESIDENT – Moi, je ne dirais pas que l’Iran est une nation interdite, une nation en dehors, parce que cela voudrait dire que le peuple iranien est lui-même en dehors... | |