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Iran : La longue mésentente entre les Etats-Unis et les Pasdaran
17.08.2007

Les Etats-Unis ont décidé de placer les Gardiens de la Révolution, les Pasdaran, sur la liste des groupes terroristes et sponsors du terrorisme. Ce corps de miliciens paramilitaires a été fondé en 1979 après la révolution islamique.



Rappel Historique | Cette révolution a été sponsorisée par l’administration Carter qui a conçu le projet de la Ceinture Verte, un programme géopolitique sorti des bureaux d’études du Council on Foreign Relations, le principal centre des études politiques aux Etats-Unis. L’objectif des Américains, qui est d’ailleurs resté le même jusqu’à aujourd’hui, était d’islamiser tout le Moyen-Orient et l’Asie Centrale (alors soviétique) afin d’utiliser la vitalité de l’intégrisme musulman contre les Soviétiques.

Parallèlement, les Américains voulaient éliminer les ilôts de stabilité dans la région afin de casser l’OPEP qui est née de la pleine coopération entre l’Iran, perse et chiite, l’Arabie Saoudite, arabe et sunnite, et l’Irak, arabe et socialiste. Ces trois Etats avaient réussi à vivre pacifiquement côte à côte principalement en raison de l’existence d’un Iran militairement très puissant mais pacifique qui contenait l’Irak qui était déjà tenté par le leadership du « monde arabe ». A titre d’exemple, on peut être certain que si la révolution islamique n’avait pas eu lieu, jamais Saddam n’aurait osé s’attaquer au Koweit et jamais les Soviétiques n’auraient osé envahir l’Afghanistan.

Or, l’architecte américain de la Ceinture Verte voulait que les Russes soviétiques envahissent l’Afghanistan afin de se retrouver dans leur Vietnam et s’épuiser dans une guerre aussi inutile que coûteuse.

En fait, toutes les pièces du puzzle étaient complémentaires : l’élimination de la stabilité en Iran allait de pair avec l’islamisation idéologique de la région et l’élimination d’une armée nationale puissante et dissuasive. Dès le départ, il y avait le projet d’éliminer l’armée du Chah et de la remplacer par une milice idéologique islamiste et offensive avec des extensions régionales.

Le concepteur des Pasdaran est un certain Mohsen Sazgara, un iranien qui faisait ses études aux Etats-Unis, qui a rejoint Khomeiny à Neauphle-le-Chateau où de nombreux agents de la CIA coachaient le vieux enturbanné illuminé plus intérressé par la copulation entre cousins par alliance que les affaires de l’Etat. Il est intéressant de savoir que ce même Sazgara se retrouve à nouveau aux Etats-Unis et ya été préssenti par l’administration Bush comme un des futurs dirigeants de l’Iran. Très récemment Bush l’a même invité à une conférence pour la liberté...

Si les Américains cherchent à placer le fondateur des Pasdaran à la tête de l’Iran, c’est bien parce que les compétences des Pasdaran les intéressent : la république islamique est parvenue à être l’arbitre du chaos régional grâce à sa maîtrise des réseaux terroristes locaux. Cette maîtrise est l’oeuvre des Pasdaran qui fournissent des armes, des budgets et des formations aux protégés du régime afin qu’ils restent d’authentiques outils pour des mini-conflits asymétriques.

La guerre du Hezbollah contre Israël a confirmé la maîtrise des Pasdaran. A présent, ils épaulent les Talibans et al Qaeda Irak et les résultats sont au rendez-vous. Les Américains ne peuvent prétendre à un quelconque rôle régional s’ils n’arrivent pas à contrôler la nuisance de ces réseaux et ils ne peuvent devenir la puissance régionale sans maîtriser ces réseaux. Ils doivent donc « maîtriser » les Pasdaran, leur création (au même titre que les Talibans).

Donc quand les Etats-Unis parlent de mettre la pression aux Pasdaran, ils ne sont pas tout à fait sincères : ils aimeraient reprendre le contrôle de cette milice créée pour servir les intérêts géopilitiques des Américains au Moyen-Orient et en Asie Centrale. Il s’agit d’efforts pour « punir » les Pasdaran et les mettre au pas. Car ce groupe avait été créé pour épauler les Etats-Unis dans la région et non les contrer en s’alliant avec leurs ennemis Russes ou Chinois.

Le dérapage eut lieu très vite et pour cause. Quand les Américains ont chamboulé l’ordre laïque et national en Iran, ils pensaient qu’ils pourraient garder le contrôle de la future république islamique en encadrant les mollahs par une milice non issue du clergé, et composée d’autres iraniens. Ces autres iraniens ne pouvaient pas être des militaires de l’ancienne armée, ni de jeunes iraniens issus des universités laïques du régime du Chah, les futurs miliciens étaient fatalement de ceux qui ont participé à la révolution avec les mollahs, c’est-à-dire issus du Bazar, le centre du commerce et de la spéculation en Iran.

Cette milice a pu s’émanciper de la tutelle des Etats-Unis car les Américains n’avaient aucune connaissance historique de l’Iran et ils ignoraient l’existence des liens historiques entre le clergé et le Bazar depuis 1860. Le Bazar et le Clergé sont un même corps. Les Bazaris qui ont fait la révolution se sont retrouvés au sein des Pasdaran avec la bénédiction des américains qui sans le savoir ont contribué à leur propre malheur.

La première offensive des Pasdaran a été de se retourner contre les Américains et ce dans le but de leur prouver leur efficacité et ainsi exiger une reconnaissance régionale. Cette reconnaissance ne leur a jamais été accordée et les Pasdaran sont allés de provocations en provocations (comme l’attentat du Hezbollah contre les marines...) toujours avec l’idée fixe d’obtenir cette reconnaissance.

Des deux côtés, chacun veut poursuivre son idée, les Américains veulent que le régime des mollahs puissent revenir à sa fonction et forme d’origine : une république avec une constitution islamiste et une direction assurée par les Pasdaran. De leur côté, les mollahs aimeraient avoir un partenariat privilégié avec les Etats-Unis dans un système interne opaque et un environnement régional déréglé. C’est une entente impossible.

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Analyse | La décision de placer les Pasdaran sous pression a connu de nombreux rebondissements : au départ, les américains ont défini le régime des mollahs comme la banque mondiale du terrorisme (ce qui est vrai) et ont ciblé avec force les Pasdaran. Mais cette approche n’a pas troublé le régime, et il est devenu plus offensif aussi bien en Irak qu’en Afghanistan. Les Américains ont alors commencé une approche plus conciliante, en cherchant à impliquer les mollahs dans le processus de stabilisation de l’Irak. Approche illogique puisque l’instabilité irakienne n’est pas une offensive militaire qui aurait pour objectif la conquête de ce pays, mais uniquement un moyen pour le régime des mollahs d’arriver à faire reconnaître son rôle régional.

Ce nouveau revirement américain est un retour en arrière et la preuve du manque d’option des Etats-Unis. De plus les Pasdaran sont présents à tous les niveaux du régime. Par exemple, tous les diplomates du régime sont des Pasdaran issus des services secrets. Est-ce que les Etats-Unis expulseront tous les diplomates du régime ? On peut en douter.

C’est pourquoi cette nouvelle approche est bancale et manque de logique : Les Américains évoquent des solutions qui sont des solutions d’intimidation et non des vraies solutions pour éradiquer le terrorisme des Pasdaran. Les américains évitent d’impliquer le régime dans le terrorisme, espérant une entente. C’est une réplique aux activités terroristes des mollahs en Irak : à l’instar des mollahs qui ne veulent pas conquérir l’Irak mais harceler les Américains, ces derniers ne veulent pas en finir avec les Pasdaran mais harceler le régime des mollahs.

Les américains jouent avec les mots et ne franchissent jamais certaines limites et ceux du régime (mollahs ou Pasdaran) le savent. Cette approche bancale sera un nouvel échec à plus d’un titre : que feront les Européens ou autres partenaires des Etats-Unis ? Ils ne pourront pas reconnaître les Pasdaran comme une entité terroriste, car ils devront également changer leur attitude vis-à-vis du Hezbollah au Liban (rappelons que le Hezbollah n’est qu’une extension régionale des Pasdaran). Et pourquoi feraient-ils une telle modification diplomatique quand ils savent que la décision des Américains est loin d’être irréversible et qu’il s’agit juste d’une tactique de harcèlement.

C’est le désordre mondial qui continue.

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- (12 Août 2007)

| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : USA |

| Mots Clefs | Institutions : Pasdaran, Gardiens de la Révolution |

| Mots Clefs | Enjeux : Rôle régional de l’Iran |