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Hassan Sabbah, le Vieux de la Montagne
07.09.2005




Les arabes en envahissant la Perse vers le milieu du VIIe siècle et en forçant la population par la terreur et les massacres à se convertir à l'Islam, ont voulu détruire la grande civilisation perse; ils incendièrent les bibliothèques, sacrifièrent des milliers de manuscrits, de livres, se livrant au pillage des palais et des oeuvres d'art qui constituaient le patrimoine culturel et artistique des iraniens, ils voulurent détruire leur foi, celle de Zarathoustra [1] (Zartosht) et de son Dieu Ahura Mazda. Zarathoustra, avant d'être le prophète des iraniens était un grand philosophe. Sept siècle avant JC, il avait mobilisé les hommes pour en faire des adultes spirituels en les invitant à incarner sur terre, un peu de lumière divine par leurs bonnes pensées, paroles et actions [2].

Quand les premiers musulmans pénètrent en Perse, l’universalisme d’une foi jeune et vigoureuse qui se nourrissait et qui se nourrit toujours du sang et de misère rencontra dans le territoire iranien, une grande culture protégeant la femme, rejetant le célibat et l’esclavage, propageant l’agriculture et respectant le patrimoine et le culte des ancêtres. La conquête arabe de l’Iran durera de nombreuses années et la conversion de la population sera longue, difficile, contrainte devant une société nomade, marchande, pratiquant l’esclavage et méprisant l’agriculture. La Culture iranienne marquera le monde musulman au point de briser sa religion en deux courants qui demeurent encore aujourd’hui tout aussi distincts : Le Sunnisme et le Shi'isme.

Mais dans la seconde moitié du IXe siècle, La Perse, vieux berceau aryen qui était écrasée par le second successeur du prophète Mahomet, et, en apparence soumise, s’était réfugiée depuis lors dans une vie contemplative toute de souvenir et d’espérance. Le fantôme de Darius [3] semblait rôder, la vieille foi Zoroastrienne n'avait pas été abattue. Le prophétisme sémitique de Mahomet et de ses armées n’avaient qu’en apparence triomphé de l’héritage Indo-Européen. Déjà les iraniens disaient hautement : « Il n'y a pas d'autre Dieu qu'Allah mais ce Dieu n'est vraiment notre Dieu que s'il est le Dieu de Zarathoustra ».

La flamme du devenir iranien brûlait dans tous les coeurs et les plus nobles aspirations de la race des Achéménides (Hakhâmaneshi) étaient là toujours prêtes à revivre. Il aurait suffi du moindre bruissement de l’aile de l’ange de la prophétie zoroastrienne celle qui annonçait pour la fin des âges : Le Saoshyant, le Sauveur des Aryens, pour que l’Iran tout entier de Meshed au Golfe Persique se révèle, se relève et s’unisse soudain à ces autres Indo-Européens venus de par delà les mers, les croisés, pour chasser le maître arabe abhorré.

Dès après la mort de Mahomet au début du VII eme siècle, un grand schisme s’était déclaré dans l’Islam : les uns, prétendaient que l'époux de sa fille Fatimah, Ali devait hériter des prérogatives du prophète; la majorité des fidèles se rallièrent autour de Abou-Bakr, le beau-père de Mahomet.

Les partisans de Ali ont formé le parti Shi’ite Duo-décimain, contre les sunnites fidèles aux trois califes, Abou-Bakr,Omar et Osman. Après l’invasion arabes, les iraniens avaient embrassé avec enthousiasme la cause des Alides (les partisans de la transmission de la prophétie par Ali), les mécontents se rattachant tout naturellement aux partis d'oppositions. A la fin du VIII eme siècle de l’ère chrétienne, déjà sept Imams de la postérité d’Ali s’étaient succédé en ligne directe, et plusieurs d’entre eux laissaient des doctrines auxquelles s’attachaient leur nom.

Imam Djaafar, le VIe avait fondé la secte de Djaafariah ; Ismaël, le VIIe, celle des Ismaïliens. Or, toutes ces sectes croyaient à la venue d'un messie, messie qui prenait le nom de Mahdi.

Puis ces sectes croyaient en un Dieu bien autrement élevé et intériorisé que le Dieu un peu frustre du Qoran. Les Ismaïliens se rattachaient à Ismaël qui était le fils de Djaafar. La mort prématurée d’ Ismaël jeta le trouble au sein de la communauté. Quelques partisans d’ Ismaël refusèrent de croire à sa mort et pensaient qui reviendrait un jour, fût-ce à la fin des siècles ; tous ceux des Ismaïliens qui ajoutèrent foi à ces propos, déclarèrent qu’il fallait attendre le retour d’Ismaël, et Ismaël ne revenant pas, ils en conclurent qu’il était le messie attendu, le Mahdi et qu’il n’y avait plus d’imam après lui. Les Ismaïliens de toute nuance étaient nombreux. Il y avait à la Mecque, à Medine, en Mésopotamie, en Syrie, et surtout naturellement en Iran puisque c'était une manière de rompre avec la tradition Mohammadienne.

A l’initié, l’Ismaïlisme offrait l’attrait et l’exaltation de la connaissance et de l’action secrète. On accédait à la connaissance au moyen de l’interprétation ésotérique  [4]. Un thème commun aux écrits religieux Ismaïliens est la recherche de la Vérité, vaine au début, puis culminant dans un moment d’illumination aveuglante. La religion Ismaïlienne atteint son apogée par la dynastie des Fatimides qui régnèrent en Afrique du Nord et en Egypte pendant deux siècles, de 909 à 1094. C’est à la suite de la mort du dernier calife Fatimide Al-Moustansir [5] que les Ismaïlites se divisent en deux grandes tendances : Les uns partisans de Mustowli  [6], leur Ismaïlisme est parfois appelé « l’ancienne prédication » ; les autres partisans de Nizar [7].

Tandis que les Moustowlien végétaient dans les avant-postes les plus reculés de l'Islam, leur rivaux les Nizarites entraient dans une période d'intense développement, du point de vue de la doctrine comme de l'action politique, et pendant un temps ils allaient jouer un rôle capital et étonnant dans les affaires de l'Islam.

Le monde Islamique connut une série d’invasion au XIeme siècle qui révéla son affaiblissement interne. La plus importante celle des Turcs Seldjoukides qui gouvernaient sur l’Iran et leur empire militaire s’étendait de l’Asie Centrale à la Méditerranée. Si la puissance militaire des Turcs garantit l’orthodoxie sunnite de toute remise en question sérieuse, elle n’empêcha pas d’autres méthodes d’oppositions de voir le jour. L’Ismaïlisme sous sa nouvelle forme, attira quant à lui les nombreux mécontents de l’Empire Seldjoukide par sa séduisante critique de l’orthodoxie, associée cette fois à une stratégie de la révolte inédite et efficace.

L'ancienne prédication de la secte se soldait par un échec, l'Empire Fatimide se mourrait. Une nouvelle prédication et de nouvelles méthodes devenant nécessaires. Le temps allait changer. Entre les mains d’un iranien de génie animé d’une double vocation mystique et politique, la religion Ismaïlienne allait devenir un instrument de vengeance contre les envahisseurs de l'Iran et l'expression d'une volonté de surhumanité qui devait pendant plus d'un siècle, faire trembler tout l'Orient. Cet homme se nommait Hassan Sabbah. L’histoire et la légende l’immortalisèrent sous le nom du Vieux de la Montagne.

Hassan Sabbah naquit dans la cité de Qom, l’un des premiers centres de la colonisation arabe en Perse et l’un des bastions du Shiïsme duo-décimain. Si l’on ignore la date de naissance exacte de Hassan tout laisse supposer qu’elle se situe vers le milieu du XI eme siècle. Enfant, il vint avec son père habiter Reyy prés de la cité moderne de Téhéran où il poursuivit son éducation religieuse. Reyy était depuis le IX eme siècle un centre de l’activité des prédicateurs Ismaïliens appelés Daïs, ceux qui invitent, et Hassan ne tarda pas à en subir l’influence. Il était étudiant à l’Université de Nichapour, et l’élève de l’Imam Mueffik (Movafagh). À Nichapour, il partagea sa chambre d’étudiant avec deux amis : L’un, Aboul Fath Omar Khayyam, qui deviendra plus tard l’un des plus grands poètes iraniens,, en astronomie et en philosophie il était sans rival et sa supériorité dans les sciences était proverbiale ; et le second, Abou Ali Hassan, ce dernier connut les gloires et les fastes du succès politiques sous le nom de Nizam Al-Mulk le grand vizir des Sultans Seldjoukides.

Après quelques années passées ensemble à l’Université de la Mosquée de Nichapour, après avoir étudier le Qoran tant dans son sens littéral qu’ésotérique, après avoir analyser l’oeuvre des philosophes grecs et des sages de la Perse et de l’Inde, après s’être familiarisés à toutes les formes de la recherche astronomique et mathématique du temps, vint pour les trois amis : Hassan, Omar et Nizam, l’heure de séparation. Alors ils se sont fait le serment que le premier d’entre eux qui parviendrait au succès et à la fortune dans le monde aiderait les deux autres.

Lorsque Nizam Al-Mulk devint le vizir du Sultan, ses anciens compagnons d’études firent valoir le pacte conclu. On leur proposa à chacun un poste de gouverneur qu’ils refusèrent pour des raisons différentes. Omar Khayyam fuyant les responsabilités d’une fonction officielle préféra une pension et les agréments d’une vie de loisirs. Hassan refusa de se voir relégué à un poste de province et réclama une haute charge à la cour. Son désir satisfait, il devint bientôt un dangereux rival pour Nizam Al-Mulk lui-même, en se portant candidat au vizirat. Alors, le vizir complota contre lui et, par la ruse, réussit à le discréditer aux yeux du Sultan.

Mortifié et plein de ressentiment, Hassan Sabbah s’enfuit. Mais avant de s’enfuir, lance au Sultan et à Nizam Al-Mulk, un défi de vengeance. Il jure de les faire trembler plus de les faire mourir. Enfin Hassan Sabbah quitte le palais du Sultan. Se trouvant toujours à Ispahan, il se réfugia auprès d’un de ses disciples, Abol-Fazl ; mais pour échapper à l’arrestation, il décida enfin de s’enfuir de la ville d’Ispahan et commença un long périple qui devait le mener jusqu’en Egypte, où le mouvement Ismaïlien y était encore tout vibrant de la défaite infligée au Kalife du Caire. Le But du voyage de Hassan Sabbah en Egypte était de prendre contacte avec chacun des groupes Ismaïliens, les convaincre de se donner prochainement à une grande action qui, assurément allait prendre un caractère guerrier. Hassan demeura en Egypte pendant environ trois ans puis retourna en Iran.

Du centre de l’Iran son attention se porta peu à peu sur l’extrême nord de la Perse et notamment sur la région montagneuse de Deylam. Ces terres qui s’étendent au nord de la chaîne de montagnes, limitant le grand plateau iranien, ont une configuration géographique radicalement différente de celle du reste du pays ; elles étaient habitées par une population vigoureuse, guerrière et indépendante. S’ils furent aux nombres des derniers à se soumettre à l’Islam, les Deylamites furent en revanche parmi les premiers à y affirmer leur individualité politique par l’apparition de dynasties indépendantes, religieuses par l’adoption de croyances hétérodoxes.

Ce fut chez ces peuples du nord à prédominance shiïte et déjà fortement touchés par la propagande ismaïlienne que Hassan Sabbah déploya sa plus grande énergie. Sa foi militante exerça un puissant attrait sur les guerriers et dissidents des montagnes du Deylam et du Mazandarân. Ses interminables déplacements n’avaient pas pour seul objet de convertir les gens à sa cause ; Hassan cherchait aussi une forteresse éloignée et inaccessible d’où il pourrait avec impunité mener sa guerre contre l’Empire Seldjoukides. Son choix s’arrêta finalement sur le Château d'Alamût, bâti à plus de 1800 m d’altitude, sur la crête d’un énorme rocher au coeur même d’un massif de l’Elbourz, dans la région de Roudbar.


Hassan Sabbah devint le maître d’Alamût en Septembre 1090. À dater de son arrivée jusqu’à sa mort, 35 ans plus tard, il ne descendit jamais du rocher d’Alamût, et ne sortit de sa maison qu’en deux occasions, pour monter au donjon de la citadelle. Le reste de son temps, jusqu’à sa mort, il le passa dans sa demeure, s’occupant à lire, à coucher sur le papier les paroles de la mission, à administrer les affaires de son royaume et menant un vie ascétique, sobre et pieuse. Pour la première fois en 1092, sous l’ordre de Nizam Al-Mulk, les Seldjoukides tentèrent de s’opposer par la force à la menace ismaïlienne ; mais leurs expéditions contre Alamût et d’autres citadelles Ismaïliennes furent repoussées avec l’aide des partisans de Hassan, les Fidaïs. Entre temps, les Ismaïliens avaient remporté leur premier grand succès dans l’art qui allait porter leur nom : celui de l’assassinat. Ils avaient choisi pour victime le tout puissant vizir lui-même qui était leur ennemi le plus dangereux. Alors la nuit du vendredi 16 octobre 1092 dans le district de Nahavand, un Fidaï déguisé en Soufi s’approcha de la litière de Nizam Al-Mulk qui se rendait de la salle d’audience à la tente de ses femmes, le frappa de plusieurs coups de poignards dans la région du coeur et par ce geste connut le martyr. Nizam Al-Mulk fut la première victime des Fidaïs. Alors, Le Maître d’Alamût déclara : «Le meurtre de ce démon est le commençement de la félicité».

Ainsi commença la longue série d'agressions, qui dans une guerre de la terreur bien ordonnée, allait apporter la mort à tous les souverains, princes, généraux, gouverneurs, et même théologiens qui avaient condamné les doctrines Ismaïliennes et cautionné l’élimination de ceux qui les professaient.

Ainsi Hassan avait formé une armée d’élite savamment dressée pour suppléer au nombre par la force de la foi et de l’obéissance. La mise en place de ce que les historiens allaient appeler l’Enseignement Alamûtien fut réalisé par Hassan Sabbah dès les premières années de sa présence dans le Nid d’Aigle.

Se souvenant des initiations qu’il avait lui-même reçu, Hassan instaura les sept degrés fondamentaux de la connaissance Isamaïlienne. Ce qui fut une fois de plus original dans son enseignement, c’est le recours au vieille Tradition Avestique (Avesta, l’oeuvre de Zoroastre).

Hormis des manifestations extérieures du culte Zoroastrien, par delà des instructions militaires destinées à former des hommes qui allaient devoir combattre leur vie durant, Hassan tenait beaucoup à ce que ses frères dans l’ordre fussent également de bons métaphysiciens de l’Ismaïlisme.

C’est pourquoi il fit du «Livres des Sources» d’Abou Yaghoub Sajestâni mort vers 975 un des fondements de la mystique réformée d’Alamût. Sajestâni était un ismaïlien iranien ; il fut un des phares de la doctrine hérétique en Iran, un de ceux qui préparèrent la route de Hassan Sabbah et dont la métaphysique laissait déjà entrevoir l’autre grand mystique Iranien qui au XI eme siècle s’était donné pour mission de réinstaurer la sagesse de l’antique Perse, je veux parler de Shihaboddin Yahyâ Sohrawardi désigné couramment comme le Maître de l’Orient des Lumières (Sheykh-ol Ess’hagh), Sohrawardi qui mourut d’ailleurs mystérieusement la nuit du 29 Juillet 1191 sans doute assassiné pour son opposition trop ouverte à l’Islam et son désire trop vif de réinstaurer la religion Zoroastrienne.



Pour mieux illustrer la doctrine et la pensée de Hassan Sabbah, je crois utile et préférable de vous exposer quelques passages significatifs du livre exemplaire de Maurice Barrès* (1862-1923) : Enquête au Pays du Levant, tiré de son chapitre : Le Jardin de Hassan.

« Il reste à s’approcher, s’il en est quelque moyen, des pensées intimes de Hassan. Ah! Si nous pouvions connaître le fond d’un tel être et nous faire une idée du dressage humain qu’il poursuivait dans sa vie mystérieuse d’Alamût ! Alamût, le laboratoire où ce philosophe criminel réussit à sélectionner des assassins au service de son idéal. Hassan pour donner à ses dévoués un avant-goût du paradis sensuel qui les attendait s’ils mourraient à son service avait installé à Alamût des jardins paradisiaques et des pavillons de délices, où il faisait transporter des hommes endormis. Réveillés dans ces lieux enchanteurs, ils y goûtaient toutes les voluptés, et quand de la même manière, ils en avaient été tiré, ils étaient prêts à tout, pour conquérir un séjour éternel dans ce paradis entrevu entre deux sommeils. Tel est le récit du voyageur Marco Polo, confirmé par de nombreux témoignages musulmans. D’autres croient qu’il n’était pas besoin de jardins merveilleux, mais simplement de visions que procurent le haschisch. Et c’est un fait que la voix publique donnait au Fidaïs le nom de Mangeurs de Haschisch, « Haschaschins ».

Hassan avait trouvé le moyen d’agir sur les âmes. C’est par là qu'il nous intéresse passionnément. C’est par là qu’il se range parmi les échansons del’humanité, et que ses châteaux sont des châteaux de l’âme.

Tombé martyr de son dévouement était, pour un dévoué et pour ses parents, une joie et un honneur. Une mère apprend que son fils, un Fidèle a été massacré avec quelques uns de ses compagnons, aussitôt elle se pare et donne les marques de la plus vive allégresse. Quelques jours après le fils revient, il avait par miracle échappé à la mort. La mère se coupe les cheveux, se noircit le visage et s’abandonne au désespoir... Croyez-vous que pour obtenir une telle exaltation spirituelle, il suffit de donner à quelques jeunes gens des pastilles de Haschisch avec ou sans jardins de délices ? Un mot de Hassan nous guide vers une merveilleuse lumière...

Ce que Hassan a toujours poursuivi c’est de Changer la loi. Il voulait cela avec Nizam Al-Mulk et avec Omar Khayyam. Nizam a sombré dans l’opportunisme. Khayyam dans le scepticisme contemplatif. Mais lui, Hassan, il demeure un homme politique et religieux, un homme de foi, briseur de foi, un briseur d’Islam. S’il a voulu la puissance, cétait pour satisfaire les rêves, les vengeances, les espoirs de Zoroastre écrasé et dénaturé. Tout le génie persan qui réclame ses droits. Dans les âmes ce qu’il va toucher, c’est le ressort religieux. Lui même avec ses fraudes et ses crimes, il est un ascète mystique.

Ses écrits! Voilà ce que nous voudrions connaître. Grand malheur qu’ils aient été brûlés, cent trente ans après sa mort quand les Mongols s’emparèrent d’Alamût. C’est à l’étude de l'âme qu’il s’adonnait, recherchant les moyens de disposer totalement des individus. À défaut de confessions directes, un autre moyen de connaître l’homme dans Hassan serait d’examiner le catalogue de la bibliothèque d’Alamût où il vivait. Il serait du plus vif intérêt de le suivre dans ses lectures. La liste n’en est pas impossible à établir. On devrait y trouver à peu près tous les ouvrages que nous savons que Khayyam lisait vers le même temps. Ce sont des traités scientifiques et d’astronomies, Khayyam cet élève de l'Hellénisme spécialement des sciences et de la politique avait ses idées cachées sur la religion.

Nul homme de jugement ne lira les Quatrains (Robbayiat) sans y reconnaître une rébellion contre la pensée orthodoxe mais par ce grand texte sur la vieillesse prudente de Khayyam, on peut juger que s’il avait les mains pleines de vérités, il ne tenait pas à leurs donner l'essor. Chez lui rien de cet esprit de prosélytisme qui brûlait Hassan Sabbah. Avait-il jugé son siècle par trop incapable d’arriver à la lumière ? Plus profondément désespérait-il de l’humanité universelle ? Plus profondément encore, ne voyait-il dans la vérité elle même qu'un songe ?

Il se tient à un carrefour d’où il commande toute les solutions humaines mais c’est pour conclure à l’inaction et au dédain. Était-il resté en relation avec Hassan ? Lui envoyait-il ses vers ? Vint-il jamais à Alamût ? Le dialogue de ces deux vieux camarades, sur le tard de leur vie, quel enseignement prodigieux ! À défaut de cette conversation décisive, le simple rapprochement de leur physionomie les éclaire l’un et l’autre. Tout d'abord une différence saute aux yeux. Sous le gouvernement de Hassan personne ne but jamais du vin dans ses états. Sa sévérité était si grande qu’un individu ayant joué de la flûte dans Alamût, il l’expulsa. Quant à Khayyam, nous savons assez qu’il ne maudit ni la flûte ni le vin.

Mais à cela près, chez l’un et chez l’autre, c’est le même manque de foi aux hommes et aux choses de leur temps. Le même dégoût de la civilisation qui les entoure. Ni l’un ni l’autre n’accepte la victoire de l’Islam.

Chez Khayyam c’est une protestation dédaigneuse et voluptueuse; chez Hassan, c’est la résistance, active c’est la guerre. Ils ont lu les mêmes livres, Khayyam pour s’enivrer de spéculations, Hassan pour s’enflammer à l’action. En effet, je m’aventure à dire que je vois chez les Hellènes des linéaments de ce que furent Hassan et son oeuvre infernal.

Ne trouve-t-on pas chez Platon et chez les Alexandrins le sourd désir d’un souverain pouvoir exercé avec l’aide de pratiques magiques et justifié par un atroce mépris d’intellectuel, pour le vulgaire troupeau ? Et chez leurs lointains lecteurs d’aujourd’hui Chez un Nietzsche et dans quelle mesure chez un Renan ?

N’y a-t-il rien qui s’apparente avec le nihilisme et l'ascétisme du Vieux de la Montagne ? Quoiqu’il en soit un fait doit être retenu, c’est que leur doctrine secrète, les Ismaïliens l’appelaient le Jardin. Pour moi le Jardin Enchanté de Hassan ce n’est aucun terrain sous Alamût, c’est dans Alamût, sa bibliothèque.

Son verger des merveilles, c’est sa pensée, c’est sa doctrine. Le Jardin dont la connaissance pour jamais conquérait les fidèles, c’est la pensée même de Hassan. Jardin semé de fleurs vénéneuses... » Quittons Maurice Barrès...


Hassan Sabbah vieillissant, retiré dans la haute salle du donjon de sa chère citadelle d’Alamût, pouvait maintenant mesurer l’ampleur de son oeuvre. Ceux qui furent ses ennemis avaient été exterminés. Nizam Al-Mulk son ancien condisciple de l’Université de Nichapour était mort sous les coup d’un de ses fidaïs. Il avait connut les solitudes des déserts, les heures terribles de l’Initiation, le Cheminement vers la Lumière.

Aujourd’hui vers 1115, il vivait sa gloire hors du monde. Dans ses méditations solitaires dont il ne reste que peu de choses, il aimait à lire le récit célèbre du grand Avicenne (Ibn Sina), autre mystique iranien celui « de la beauté du roi à nul autre pareil ». Créateur d’une authentique chevalerie spirituelle, maître d’un ordre à la fois gnostique et guerrier, déterminé imposer sa vision du monde par delà le bien et le mal, fondateur d’un grand mouvement spirituel, l’un des plus nobles et des plus dignes que le monde eut l’honneur de connaître, Hassan Sabbah n’a jamais songé à s’emparer du pouvoir pour fonder une dynastie. Il préféra désigner Kya Bozorg Omid, celui qu’il considérait comme le meilleur de ses fidèles pour lui succéder, écartant sans faiblesses ses propres fils qu’il jugeait incapables.

Restaurateur de la mystique iranienne pré-islamique, devait s’éteindre le 12 juin 1124, entrant ainsi dans la légende. Il est né devant les siècles et demeure le plus vibrant symboles de la pureté, du sentiment nationaliste iranien.

Je saisis l'occasion pour rendre hommage et m'incliner devant tous les iraniens célèbres et anonymes, militaires et civils dont leur seul objectif a été l'indépendance de l’Iran, l'amour de la patrie, le nationalisme (et non le nationalisme-racisme) et, qui sont tombés pour une cause juste et légitime dans leur lutte de libération contre l'ignorance et la barbarie islamiste. Que le dur combat des iraniens soit couronné de succés.


« Il en va de l’éxotérique [8] de la religion comme du poison qui tue. celui-ci la nature le produit pour aider à la santé des hommes à certains moments déterminés qui en requièrent l’usage. Mais si quelqu’un en prolonge l’usage, le poison détruit en lui la vie et il cesse de pouvoir jouir de ce monde sensible. Il est vrai que le feu entendu comme la manifestation de l’enfer existe partout, aucun lieu n’en est vide, tandis que le jardin ‘ le paradis’ n’existe pas en n’importe quel lieu mais dans un lieu déterminé à l’exclusion d’un autre.

Et pourtant où existe le jardin, il y a un veilleur commis à sa garde qui ne permet pas à n’importe qui d’y entrer. Mais le feu, lui est bien apparent, incandescent, se proposant à chacun ; aucun peuple d’entre les peuples n’en est exempt tandis que les hautes connaissances - c’est à dire l’ésotérique de la religion - réservées à petit nombre, nul ne peut y accéder qu’avec la permission du guide, l’initiateur, celui qui en a la garde. Mais la religion littérale, elle, est bien visible incandescente, à découvert et sans voile se proposant à quiconque cherche. Alors comprends ! »



  • L’Ordre des Assassins, Jean-Claude Frère [ Grasset, Paris 1973 ]
  • The assassins & Radical sect in Islam, Bernard Lewis
    [Weidenfeld & Nicholson, 1967]
  • Les Fidayins d’Ismaïlieh (Fadaayyiâné Esmâïlié), Fereydoon Adamiyat [Ir.1950]
  • Préface de Taranehaye Khayyam, Sadegh Hedayat [Mehr, Téhéran 1313 Ir./1933]




- Maurice Barrès
- Ecrivain et homme politique français
- Vosges 1862- Paris 1923. Ses ouvrages sont :
- 1-Le culte de moi
- 2- Le Jardin de Bérénice
- 3- le roman de l’énergie nationale, 1897-1902
- 4- la colline inspirée, 1913

  • De lui dira Henry de Montherlant :
  • « Un sang qui demande l’action, un esprit qui veut rester libre. »


- Ernest Renan
- Ecrivain français
- Tréguier 1823- Paris 1892. Ses ouvrages sont :
- 1- L’avenir de la science, 1848 - Publié 1888
- 2- L’histoire des origines du christianisme, 1863-1882
- 3- La vie de Jésus, 1863
- 4- Histoire du peuple d’Israël, 1887

  • Ses jeunes disciples furent Charles Maurras, Bourget & Barrès.


- Shahabbodin Yahyâ Sohrawardi
- Nord-Ouest de l’Iran 1115 - Assassiné à Alep 1191
- Son oeuvre principal : « Théosophies de l’Orient » ( Hikmat-Al Ishraq)

  • Il a voulu réscuciter la sagesse de l’antique perse. Sa doctrine sur les principes de lumière et des ténèbres souvent proche de la philosophie platonicienne et établir un lien entre la philosophie et le soufisme.


- Abou Ali-Hossein Ibn Abdollah Ibn Sina ou Avicenne
- Bokhara 980- Hamedan 1037
- Medecin, philosophe et mystique iranien, il fut l’élève de Fararbi

  • Ces « Trois Récits Mystiques » influencèrent Sohrawardi.





  • A propos de cette étude [9]

[1Zarathoustra :

[2Bonnes pensées, paroles et actions :

[3Darius Ier le Grand, Grand Roi de Perse fut, sans conteste, un des plus grands souverains de l’Asie antérieure. Infatigable, combattant de tous côtés, d’une intelligence et d’une énergie peu communes, ce roi s’intéressait à tout et fit preuve d’une activité débordante. Il s’empara du trône après la mort de Cambyse en renversant un usurpateur qui se faisait passer pour le frère de Cambyse. Après avoir restauré l’ordre, il redessina les frontières des provinces, créant 23 satrapies, système que conservèrent les monarques suivants. Il prend soin de ne pas concentrer tous les pouvoirs dans la main d’un seul personnage : à côté du satrape, il place un commandant militaire et un secrétaire d’Etat, chacun reçoit directement ses ordres de la cour et tous se surveillent mutuellement. Il relève la ville de Suse de ses ruines et édifie Persépolis où il mène une vie fastueuse. Il fait construire la fameuse route royale. Une loi commune fut imposée à tous les peuples conquis. Il fait preuve d’une grande tolérance envers chaque religion et cherche le plus souvent à associer à son règne les peuples vaincus plutôt qu’à les oppresser. Il instaura par un système monétaire unique pour remplacer les divers moyens de paiement. Darius le conquérant fut un grand réformateur, Son règne dura trente-six ans.

[4Esotérique « Falsafeh-ye Bâtenieh » :

[5Al-Moustansir :

[6Mustowli :

[7Nizar et les Nizarites :

[8Exotérique contraire d’ésotérique. Les partisans de Hassan sont des Bâtenioon, note[3].

[9Exposé, le 22 mai 1985 à l’Université du Panthéon-Assas par Kamran Mohséni dans le cadre du Doctorat d’Etudes Politiques sous la direction de Monsieur le Professeur Jean Rouvier.