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Iran-Europe-USA : C’est mieux que les montagnes russes !
30.04.2007

Le chef de la politique étrangère de l’Union Européenne Javier Solana a appelé les Etats-Unis à engager l’Iran dans des discussions directes sur son programme nucléaire et sur d’autres questions pour essayer de stabiliser le Moyen-Orient. Que comprendre de cette invitation inattendue et pas tout à fait conforme aux dernières attentes du Quai d’Orsay qui ne stipule aucune négociation bilatérale mais des négociations multilatérales.



Dans une récente série d’articles, nous avons évoqué l’intention des américains d’aboutir à un accord global avec le régime des mollahs tout en précisant que pour les américains il s’agissait d’avoir à Téhéran un allié islamiste chiite utile pour affaiblir les Sunnites qui contrôlent les ressources pétrolières des pays arabes.

Pour arriver à « convaincre » les mollahs, les Etats-unis ont mis au point une stratégie d’affaiblissement du régime des mollahs, affaiblissement économique via des sanctions bancaires et pétrolières très ciblées et affaiblissement diplomatique via un certain soutien à un come-back des Saoudiens dans le paysage politique du Moyen-Orient. Ce double effort a considérablement gêné le régime des mollahs qui n’a trouvé mieux que d’intensifier son aide aux terroristes irakiens en entrainant les arabes dans une guerre ethnique entre les sunnites et chiites. Cette politique de terre brûlée a presque enchanté les Etats-Unis car elle a ajouté un troisième volet d’affaiblissements de nature publicitaire : affaiblissement de l’image positive des mollahs révolutionnaires et islamistes dans la Rue Arabe.

Cette situation est devenue insupportable pour les mollahs et ils sont désormais confrontés à des conséquences inattendues de leur intransigeance face aux Etats-Unis. Intransigeance d’autant plus absurde qu’elle risque de compromettre le consensus proposé par les deux partis américains et d’entrainer la chute du régime, ce que Bush et les démocrates ne veulent à aucun prix. Mais le consensus proposé par les américains ne convient pas aux mollahs et ils y résistent.

Cependant, leurs moyens de ripostes se limitent au terrorisme même si ce terrorisme a de nombreux champs d’exercice. Ainsi, l’aide aux Talibans en Afghanistan, l’aide aux Tribunaux islamiques en Somalie, l’aide au Hezbollah au Liban et encore l’aide aux terroristes sunnites et chiites de l’Irak, c’est toujours et encore le même terrorisme. Le régime des mollahs ne peut prendre d’autres décisions comme des représailles économiques ou l’obstruction du détroit d’Ormuz. Il risque de perdre l’appui des Européens et de la Chine qui dépendent des contrats avec l’Iran et du golfe persique. La seule alternative des mollahs est le terrorisme, point barre. C’est pourquoi ils se sont lancés dans cette politique destructrice qui les handicape et leur fait perdre l’appui de la rue Arabe au moment précis où cet appui aurait été très utile.

C’est dans ce contexte que Javier Solana appelle à des négociations immédiates avec l’Iran. C’est-à-dire un arrêt de la politique lente et destructrice des affaiblissements diplomatico-économiques de l’Iran. Les mollahs ont fait appel à leurs alliés Européens pour obtenir un délai, en leur rappelant que ces derniers avaient beaucoup à perdre dans le processus des sanctions imposées à l’Iran.

Finalement, les mollahs ont décidé de se rendre au traquenard du Charm-el Cheikh afin de ne pas être encore d’avantage taxés par la Rue Arabe d’utiliser l’insécurité en Irak à des fins proprement politiciennes. Dans ce piège infernal égyptien, ils se trouveront confrontés à tous ces Etats arabes qui sont lésés par leur ingérence meurtrière en Irak et leur demanderont de revoir cette politique. Le problème est qu’il n’existe aucune charge contre cette ingérence car les Américains refusent obstinément de les accuser pour ne pas saboter une éventuelle future entente. N’étant pas soupçonnés d’être à l’origine des attentats à la voiture piégée, les mollahs auront les mains libres pour continuer à nier toute ingérence et à passer le cap de ces deux journées sans trop de dégâts. D‘ailleurs, ils ont déjà commencé à préparer le terrain.

Il est nécessaire de rappeler que la conférence de Charm-el Cheikh est la pointe visible de l’iceberg. Les mollahs et les américains n’ont nul besoin de ce genre de show médiatique pour se rencontrer et négocier discrètement ensemble.

Mais en revanche, ils ont besoin de les officialiser lors de rencontres comme la conférence de Charm-el Cheikh. Les américains multiplient les gestes à l’encontre des mollahs, il s’agit tantôt de gestes d’encouragements [1] et tantôt de molles accusations et de menaces de nouvelles sanctions mais les deux parties savent que les vrais enjeux sont ailleurs. Et surtout les mollahs savent pertinemment que ce consensus risque de sceller le destin du Moyen-Orient pour plusieurs décennies, ils ne flancheront donc pas. L’Irak n’est qu’un prétexte.

Quand les négociations secrètes et directes sont encoureageantes, Rice évoque la possibilité de parler de tous les sujets avec son « homologue iranien ». Mais généralement ce genre de propos est interprété comme un aveu de faiblesse à Téhéran et suivi d’un raidissement des mollahs et alors on entend Rice préciser que le dialogue sera indirect et se portera sur l’Irak, c’est-à-dire l’objet officiel des actuels dialogues directs entre les Etats-Unis et les mollahs.

Ainsi hier, sur la chaîne de télévision ABC, Rice qui avait travaillé dur (et depuis des mois) pour arriver à des négociations globales avec les mollahs, est revenue à l’option de dialogue indirect sur l’Irak ! Rice a précisé que ce ne serait pas « une rencontre entre les Etats-Unis et l’Iran », mais « une rencontre sur l’Irak (…) avec les voisins de l’Irak (…) pour aider à stabiliser la situation en Irak ».

Les relations entre les deux pays sont chaotiques et à rebondissements : Montagnes Russes sur la pointe d’un iceberg… la conférence de Charm el-Cheikh n’est donc pas une tentative pour régler le chaos irakien mais une vitrine pour un éventuel accord global avec le pricipal sponsor du terrorisme au Moyen-Orient !

L’Amérique joue gros : l’Egypte et la Turquie redoutent les conséquences de ce consensus si ouvertement désiré par l’administration Bush et les démocrates réunis. D’autant plus que ce consensus est délibérement axé sur l’islam politisé : ce projet de création d’une mosaïques de républiques islamiques est inspiré de la doctrine Arc de Crise conçue pour cette région dans les années 70 et qui se traduisit par la création des Talibans en Afghanisatan et l’appui actif des Etats-Unis à la révolution de 1979 en Iran.

Malgré la résistance de l’Egypte et de la Turquie qui constitue désormais un réel obstacle à la réalisation de ce projet américain, les Etats-Unis pourront désormais compter sur un allié tardif. L’appel de Solana montre que l’Europe serait enfin prête à accepter pleinement la version américaine de ce consensus pourvu que ses intérêts en Iran soient préservés. L’Europe est favorable pour reconnaître aux mollahs un rôle clé dans la « stabilisation du Moyen-Orient » aux côtés des américains. « Il est très difficile d’essayer de trouver une paix au Moyen-Orient qui soit significative et équilibrée » sans l’aide du gouvernement de Téhéran, a dit Solana.

Le grand perdant de ce marchandage seront les états « musulmans » qui refusent le modèle république islamique et la Russie qui réagira sans doute pour empêcher cet accord malgré ses moyens très limités.

Cet accord entre les mollahs et les Etats-Unis (également appelé « Garanties de Sécurité ») est encore loin malgré les efforts conjugés de l’Europe et des Etats-Unis car ce consensus prévoit d’importants changements innacceptables pour les actuels dirigeants à l’intérieur du régime des mollahs [2]. Tant que le consensus ne règlera pas ces détails vitaux pour certains, les mollahs exigeront le droit à l’enrichissement et multiplieront des provocations quant à leur capacité inavérée dans le domaine nucléaire. Parallèlement, ils intensifieront leurs aides à la guerre asymétrique contre l’Amérique. En même temps, les Etats-Unis et les Européens joueront le jeu tout en continuant à des vitesses différentes les efforts d’affaiblissements du régime (d’affaiblissements et non de renversement), espérant faire plier un jour les mollahs. Ceci étant loin, Charm el-Cheikh ne sera qu’une étape ratée vers le consensus.

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[1Un haut responsable du Comité olympique iranien a confirmé mercredi que l’Iran avait été approché par les Etats-Unis afin d’établir des liens dans le domaine sportif… | AFP – 25 avril 2007

[2Ces changements innacceptables concerent Rafsandjani…
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