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BusinessWeek | La Russie est de retour dans le commerce d’armes
19.04.2007

Le business lucratif pour Poutine, mais la liste des clients du Kremlin est controversée : le Venezuela, l’Iran et la Chine...

Par Jason Bush



Pendant des décennies, les Américains et les Soviétiques ont rivalisé avec acharnement pour marquer leur influence globale en fournissant avions, missiles et chars aux parties belligérantes dans des conflits à travers le monde. Mais quand l’Union soviétique s’est effondrée en 1991, l’industrie d’armes russes est tombée en décrépitude. La Russie revient maintenant dans le commerce des armes, avec des commandes du monde entier. "Beaucoup de pays veulent maintenant acheter nos armes", indique Viktor Litovkin, le rédacteur en chef adjoint de la publication russe Independent Military Review.

Pour le président Vladimir Poutine, réanimer les exportations d’armes est une bonne façon d’accroître le respect international envers la Russie. Il considère aussi que c’est un business lucratif. Les ventes d’armes russes augmentent progressivement depuis 2001, première année après la prise de pouvoir de Poutine, et devraient atteindre cette année 5,8 milliards d’euros. La Russie est maintenant n° 2 mondial quant à l’exportation d’armes, après les Etats-Unis, qui en ont vendu pour environ 16,3 milliards d’euros l’année dernière.

La liste des clients du Kremlin a cependant fait froncer les sourcils à Washington. En janvier, la société russe d’exportation d’armes Rosoboronexport a livré à l’Iran 29 lanceurs de missiles radars guidés antiaériens Tor M1, dans le cadre d’une opération évaluée à 543 millions d’euros. Cela a renforcé la défense aérienne de l’Iran au moment même où les Etats-Unis appelaient à soutenir les résolutions en faveur de sévères sanctions de l’Onu contre l’Iran, qui a rejeté les demandes internationales d’arrêt de son programme nucléaire.

LA QUESTION FONDAMENTALE

Et avec un contrat de 2,3 milliards d’euros l’année dernière, le président vénézuélien Hugo Chavez, qui ne cache pas son "anti-américanisme", a commandé 100 000 fusils Kalashnikov, 24 chasseurs-bombardiers Sukhoi Su-30 et 53 hélicoptères militaires.

Le Département d’Etat américain a désapprouvé les deux affaires, aussi bien que les exportations d’armes vers la Syrie. À cause des ventes iraniennes et syriennes, Washington a interdit à Rosoboronexport et à d’autres entrepreneurs d’armes russes de faire des affaires aux Etats-Unis ou de signer des contrats avec des compagnies américaines. Les Etats-Unis s’inquiètent de ce que les armes russes ne passent d’Iran ou de Syrie vers les mains d’insurgés irakiens ou de groupes militants comme le Hezbollah ou le Hamas.

"La question fondamentale est de savoir si les Russes sont nos partenaires ou pas ? Question dont la réponse devient de plus en plus négative" dans l’administration Bush, selon Andrew Kuchins, le directeur du programme Russie au Center for Strategic & International Studies à Washington.

DES LIENS DU TEMPS DE LA GUERRE FROIDE

La Russie affirme qu’elle ne vend que des armes de défense aux clients comme la Syrie et l’Iran, et que ces ventes ne sont pas soumises aux sanctions internationales. "Ce n’est pas une décision politique pour la Russie, ce sont des affaires", note Litovkin. Les dirigeants de l’industrie soulignent aussi que leurs plus gros clients sont la Chine et l’Inde, qui, depuis 2001, représentent environ 70 % des recettes d’exportations d’armes russes.

Les liens militaires de Moscou avec l’Inde datent du temps de la Guerre froide, alors qu’avec la Chine, la Russie a signé des contrats surtout parce que les Etats-Unis et l’Union européenne avaient interdit les transferts d’armes vers la Chine continentale depuis le massacre de la Place Tiananmen en 1989. En octobre dernier, la Chine a signé un contrat de 776 millions d’euros pour un lanceur de fusées russe S-300. En février, l’Inde a acheté 40 chasseurs-bombardiers Sukhoi Su-30 pour 1,24 milliard d’euros.

Les chasseurs-bombardiers Sukhoi sont à la base de l’augmentation récente des exportations d’armes russes ; ils représentent environ un quart des ventes totales. La plus récente version du chasseur-bombardier Su-30MKI est équipée d’une avionique française et israélienne et se vend quelque 39 millions d’euros, environ un tiers de moins que son équivalent américain F-16.

SERVICE APRÈS-VENTE INCLUS

"C’est le joyau de la couronne de l’industrie aéronautique russo-soviétique", se vante Vadim Razumovsky, vice-directeur général de Sukhoi Co., qui conçoit et fabrique les chasseurs-bombardiers. Outre qu’il a amélioré ses produits les plus populaires dont le Sukhoi et le sous-marin de la classe Kilo, Rosoboronexport a aiguisé ses tactiques de vente au cours de ces dernières années, en offrant financements et contrats de service après-vente à long terme.

La Russie espère tirer parti de son succès au Venezuela pour capturer une plus grande part du marché latino-américain. Quelques mois après la signature du contrat par Chavez, en juillet dernier, le Mexique a acheté dix chasseurs-bombardiers Sukhoi Su-27 pour 318 millions d’euros. Rosoboronexport courtise aussi l’Argentine pour l’achat d’équipements de défense aérienne et d’hélicoptères. Que cela plaise ou non, l’administration Bush devra s’habituer aux vendeurs d’armes russes dans son arrière-cour.