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Iran-Natanz : Des déclarations qui ont valeur de test
10.04.2007

Régulièrement, le régime des mollahs fait des déclarations officielles de grandes réussites nucléaires. Initialement, il avait promis des « bonnes nouvelles » pour la date anniversaire de la révolution islamique, le 11 février 2007. Mais le 2 février 2007, le régime des mollahs avait démenti avoir installé à Natanz des centrifugeuses pour enrichir l’uranium (dépêche AFP). Après la crise des otages, les mollahs refont l’actualité avec l’annonce d’une production industrielle de combustible nucléaire.



« Nous sommes réunis ici aujourd’hui pour célébrer le passage du projet d’enrichissement d’uranium à un niveau industriel », a annoncé le président de l’Organisation iranienne de l’énergie atomique, Gholam-Reza Aghazadeh, depuis l’usine d’enrichissement de Natanz, dans le centre de l’Iran. Aghazadeh a aussi annoncé « le début de la production en masse de centrifugeuses » pour l’enrichissement d’uranium.

L’ensemble des déclarations faites par le régime des mollahs a un point commun : il n’y a rien de vérifiable, et ce pour la bonne raison que les inspecteurs de l’AIEA n’ont plus accès à l’intérieur du site de Natanz. Par des déclarations savamment calibrées et diffusées à des moments choisis le régime des mollahs entretient le mystère et monte la mise dans la partie de poker qu’ils jouent avec les occidentaux.

Les dernières évolutions des installations nucléaires de Natanz n’ont été vues ou vérifiées par aucun inspecteur de l’AIEA. Ce culte du mystère a laissé libre cours aux plus folles spéculations quant à l’existence d’un programme nucléaire militaire mais ce ne sont que des spéculations et elles sont également utiles au régime des mollahs. Cependant, il y a un élément qui contredit ces spéculations et surtout les folles activités souterraines qui sont censées avoir lieu à Natanz.

Même si le régime des mollahs empêche les inspecteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique d’installer des caméras de surveillance dans la partie souterraine de Natanz, les caméras disposées à l’extérieur des salles où se trouvent les cascades n’ont (selon l’AFP) signalé aucune suractivité relative à l’assemblage de nouvelles cascades ou à l’introduction d’uranium gazeux dans les centrifugeuses. La déclaration d’Ahmadinejad est l’une de celles qui ont le don d’être assez anxiogènes pour faire monter la tension et les prix du pétrole d’un cran. L’objectif est purement politique.

Cette production industrielle de combustible nucléaire serait une réponse au « refus de la Russie » de fournir à l’Iran le combustible nucléaire pour Bouchehr. Donc le régime des mollahs a réussi à fabriquer du combustible alors qu’il ne dispose d’aucune centrale nucléaire.

Comme le disaient les 3 ministres des affaires étrangères de la Troïka en septembre 2005 : « Aucune logique économique ne justifie l’existence des installations qui se trouvent au centre du différent, les usines d’Ispahan et de Natanz, si celles-ci ont pour unique fonction de produire du combustible destiné à des réacteurs nucléaires, comme l’affirme l’Iran. L’Iran n’a aucune centrale nucléaire susceptible d’utiliser le combustible qu’il dit vouloir produire. Il n’en possède qu’une seule, en cours de construction, dont le combustible sera, par accord, fourni par la Russie pendant dix ans. La Russie a offert de fournir le combustible pendant la durée de vie du réacteur, lequel ne peut fonctionner en toute sûreté qu’avec du combustible russe. L’Iran n’a aucune licence pour fabriquer ce combustible par ses propres moyens... » [1]

L’annonce faite par Ahmadinejad est censée nous faire comprendre que Téhéran peut voler de ses propres ailes afin de réaliser ses ambitions nucléaires : reste à expliquer l’incapacité de ces extraordinaires savants atomistes iraniens, formés on ne sait où, qui sont cependant incapables de fournir l’effort nécessaire pour mettre en marche la centrale de Bouchehr que l’on dit presque achevée. L’Iran n’a pas de capacité nucléaire et ses prouesses en ce domaine sont fondées sur des déclarations d’intentions invérifiables et des blocages (comme ceux de Bouchehr) quotidiennement constatés.

La seule « bonnes nouvelles » (pour les mollahs), qui aurait pu alarmer les occidentaux, aurait été l’annonce de la mise en marche de Bouchehr sans l’aide des Russes. Le reste est pur verbiage sans conséquence, d’autant plus que n’ayant toujours pas de Centrale, ils ne sont pas obligés d’introduire cette production dans leur centrale : ils peuvent donc dire ce qu’ils veulent sans aucune contrainte de faisabilité. C’est une trouvaille de parfait propagandiste. « Nous avons du combustible made in Iran ! » Montrez-le ! « Nous le ferons quand nous aurons notre centrale » ! C’est bien vu…

Nous rappelons que le bras de fer nucléaire entre l’Iran et les Etats-Unis est une crise de substitution, il y a d’autres enjeux qui opposent les Etats-Unis aux mollahs. Les deux parties utilisent la crise nucléaire pour monter les enchères. Leur objectif est de trouver une entente régionale. Cette annonce est un défi verbal et l’on peut estimer que les mollahs ont fait la meilleure déclaration possible : à la fois entièrement non-conforme aux attentes du Conseil de Sécurité, mais également « sans conséquence » et sans aucune contrainte de vraisemblance.

Cette absence de contrainte ou de vraisemblance laisse une fin ouverte : il s’agit d’un sondage d’opinion des parties en jeu. Les mollahs peuvent ainsi tester le degré de bienveillance de leurs interlocuteurs à leur égard.

Parallèlement, le régime des mollahs a laissé entendre qu’il pourrait, s’il subissait de nouvelles pressions, revoir son appartenance au traité de non-prolifération nucléaire : autre fin ouverte ou autre test !

Après la crise des otages, et une libération que Téhéran veut présenter comme preuve de sa capacité à négocier, le régime des mollahs lance non pas deux défis, comme l’a interprété l’AFP, mais deux tests de compatibilité.

D’ores et déjà, les Etats-Unis se sont dit « très inquiets » de l’annonce de la production du combustible et ont jugé « inacceptable » une remise en cause de la coopération iranienne avec l’agence atomique onusienne. La Maison-Blanche a donc choisi des termes vagues et peu agressifs et l’on pourrait en conclure que le test est plutôt positif dans leur cas, surtout à une vingtaine de jours d’une rencontre possible entre les représentants des deux pays à la conférence ministérielle élargie sur l’Irak qui se tiendra les 3 et 4 mai prochains à Charm el-Cheikh en Egypte. Les 20 jours à venir seront décisifs et les mollahs doivent se garder de provoquer de nouveaux incidents diplomatiques.

Evolution possible | Il faut toujours tenir compte du fait que la crise nucléaire est secondaire et que le principal objet de discorde est l’entente régionale entre l’administration Bush et les mollahs. Pour l’heure, il y a beaucoup de mésententes et quelques possibilités d’entente, mais les Etats-Unis restent hostiles à une entente selon les termes des mollahs.

Si les deux parties n’arrivaient pas à composer, le régime pourrait être victime de ses propres manipulations précédentes, à savoir le mythe de la lutte interne au sein du régime, prétexte que les Américains utiliseront sans doute pour provoquer une rupture dans les 20 jours à venir afin de se retrouver en position de force face aux mollahs à Charm el-Cheikh.

WWW.IRAN-RESIST.ORG

Pour en savoir + sur cette mésentente régionale :
- Iran - USA : Incompréhension et mauvais calculs
- (08.04.2007)

Autres tests :

Test n°1 : un sondage politico-diplomatique !
- Iran : Décodages d’une rumeur sur Ahmadinejad
- (26.01.2007)

Test n°2 : un sondage nucléaire !
- L’Iran sait comment sonder ses adversaires
- (24.01.2007)

Test n°3 : un sondage franco-iranien !
- L’analyse de l’offre iranienne à Eurodif et à Areva
- (04.10.2006)

| Mots Clefs | Nucléaire : Crise & Escalade |

| Mots Clefs | Nucléaire : Politique Nucléaire des mollahs |

| Mots Clefs | Nucléaire 2 : DROIT à l’enrichissement et Maîtrise du cycle |

| Mots Clefs | Nucléaire : Equipements & Centrales |

| Mots Clefs | Institutions : Diplomatie |

| Mots Clefs | Enjeux : Rétablir les relations avec les USA & Négociations directes |

[1Le Monde | Iran : rétablir la confiance | par Philippe Douste-Blazy, Joschka Fischer, Javier Solana, Jack Straw (revue de presse d’IRAN-RESIST) | 22 Septembre, 2005